Gérard Larcher présidente !

par Gabriel Gaultier

Puisqu’il faut mobiliser gauche et droite ensemble pour sauver notre pays, mais que les Français préfèrent les hommes providentiels, faisons du président du Sénat... une synthèse.
Non, mais quel bordel! Notre brave vieux pays qui devrait s’abîmer dans l’ivresse de la joie et de la félicité au spectacle d’un monde transformé en asile de fou, notre brave et cher vieux pays, disions-nous, préfère se livrer à un pathétique jeu de yoyo entre ses deux pôles politiques les moins recommandables plutôt que de s’en remettre à sa vraie nature qui est, au fond, de ne pas se mouiller et de se la couler pépère en attendant que ça se passe.
Faute à la dissolution? Ne nous laissons pas aller à ce diagnostic par trop facile. La vérité, c’est qu’Emmanuel Macron n’a pas tout faux avec sa théorie du «en même temps», bien au contraire. Qui n’a pas envie devant le triste spectacle que nous offre l’Assemblée nationale de voir la France des contraires se réunir enfin comme des vieux tontons fâchés qui font la paix à l’occasion d’un repas de noces?
Valéry Giscard d’Estaing, grand président moderne s’il en fut, n’avait-il pas tenté l’exercice avec le même insuccès en 1974? Pourquoi autant d’échecs sur un sujet semblable? Parce que la synthèse, le «en même temps», la réconciliation des contraires, est une tâche herculéenne qui ne se décrète pas par un effet de manche mais se construit héroïquement avec le maximum d’ambition que requiert la tâche.
Et en ce qui concerne Macron le projet a démarré, trop fluet, trop petit bras et sans grand effort. Quelle occasion manquée, surtout pour quelqu’un qui pouvait se vanter d’avoir avant même son élection des soutiens aussi divers que Dany le Rouge, Robert Hue et Philippe de Villiers! Des barricades de la rue Gay-Lussac au Puy du Fou, il y avait moyen de faire quelque chose.
Disons-le tout net,
mettre le centre
d’accord avec
lui-même, on a
vu des défis plus
ambitieux.
Mais voilà, on attendait De Gaulle à la Libération, Kennedy et sa nouvelle frontière et on a eu Lecanuet en imper mastic. Car, disons-le tout net, mettre le centre d’accord avec lui-même, on a vu des défis plus ambitieux. Là, c’était plutôt Inoxtag grimpant le ballon d’Alsace.
Pour rester dans la métaphore alpiniste, réaliser un «en même temps» digne ce nom, un Himalaya politique, un Galibier d’anthologie, un Monte Cassino de courage, méritait de mettre l’ensemble du monde politique sans exception dans le grand mixeur de la synthèse (nous parlons bien sûr ici des partis de gouvernement, Bastille Magazine est un journal sérieux). Mais assez chouiné! Et puisque personne n’a d’idées, retroussons nos manches et mettons-nous au travail.
La synthèse que la France attend, nous allons la faire ici-même, maintenant, dans ces colonnes. Qu’avons-nous sur l’établi? À droite, la France de l’autorité et de l’ordre. Bien. Rien de bien méchant, au fond. C’est la France qui veut pouvoir sortir le soir en se sentant chez soi, fumer sa clope tranquille sans être emmerdé ni par les commissaires européens ni par les mollahs. Elle veut aussi des gosses qui parlent poliment, qui connaissent les départements et les fleuves. Elle veut bien des étrangers à condition qu’ils s’arrêtent aux feux quand la police leur demande et qu’ils restent ouverts tard pour qu’on puisse leur acheter les œufs qui manquent pour la quiche. Elle veut des prisons qui ne ressemblent pas à des colonies de vacances et des dealers ne gagnant pas plus que l’ouvrier qui se tue au boulot. Que des choses légitimes, en somme.
Et à gauche qu’est-ce qu’on a? Une France qui veut se lever tard et bien gagner sa vie sans trop se fouler. Parfait. Rien de bien dangereux. C’est la France de la culture subventionnée, des carottes sans pesticides, qui manifeste contre le verglas si ça lui chante et qui veut pouvoir tirer sur son joint sans prendre un PV. Elle veut que les enfants des pauvres aillent dans les mêmes écoles que les enfants des riches et que les flics disent «vous» aux immigrés comme ils font avec les Auvergnats montés à Paris qui demandent un renseignement. Elle est certes attentive sur les droits: ceux des femmes, des homos, des trans, des Caldoches, des poulets d’élevage, des fleuves et des pins parasols qui méritent des avocats comme tout le monde. Que du bon sens, quoi.
Donc, si on résume on a à droite plutôt la liberté avec pas mal d’autorité et à gauche plutôt l’égalité avec pas mal de permissivité. Au final rien qui ne puisse se fondre dans les valeurs de la République et pour peu qu’on mette de la fraternité dans tout cela, ça devrait pouvoir marcher. Mais on connaît les Français: les programmes, les synthèses, les motions, les constitutions, ça les barbe. Qu’ils soient de gauche ou de droite, ce qu’ils aiment ce sont les hommes providentiels, qui parlent haut, bravaches, le menton bien pointé en avant. C’est bien là le paradoxe et peut-être ne faut-il pas chercher plus loin l’origine de nos maux: la synthèse appelle le groupe, le pluriel, tout ce que ne peut être un seul et même homme. Sauf si...
Sauf si cet homme est lui-même une synthèse. Voilà l’idée de génie! Prendre le parangon de la droite autoritaire et rubiconde et le transformer en femme pour qu’il devienne l’icône woke et absolue de la gauche: un transsexuel pur beurre. Gérard Larcher présidente, comment a-t-on pu ne pas y penser avant? Merci Bastille!
La droite ne saurait s’en prendre à l’un des siens: on parlait de menton pointé en avant, en voilà deux, trois même! Quant à la gauche, on l’imagine trop empêtrée dans ses dogmes pour oser s’attaquer à un tel symbole: pensez donc, une femme à la tête de l’État! Un tel sacrifice, autant de don de soi au service de la France, fera baisser les armes des plus ardents.
Mélenchon en restera sans voix, Sandrine Rousseau sera aux anges, Marine Le Pen sera mouchée par plus walkyrie qu’elle. Et la Fraternité, n’en doutons pas, triomphera. La présidente Larcher visitant le Salon de l’agriculture: les céréaliers en tomberont dans les bras des écolos.
Quant au débat sur les retraites, qui osera défier la cheffe de l’état quand elle menacera, et pas au figuré, de mettre ses couilles désormais libres de toutes attaches sur la table des négociations en cas de blocage. En matière de politique étrangère, l’effroi et la stupeur cédera bientôt au respect et à l’admiration. La France retrouvera pour l’éternité son statut de pays de l’audace et de la liberté.
Paradant dans les réceptions officielles en robes Saint Laurent, Chanel, Vuitton, notre souveraine républicaine sera la meilleure ambassadrice de nos industries locales qui repartiront de plus belle. Doté d’une majorité de gouvernement allant du PC à LR en passant par les Verts et Renaissance, le pays, enfin stabilisé et reconnaissant qu’il est au fond et depuis longtemps à peu près d’accord sur tout, se mettra au travail et réalisera des miracles sur tous les fronts. Ordinateurs quantiques, avions solaires, voitures à hydrogène, intelligence artificielle, l’innovation made in France rayonnera en Europe et dans le monde entier.
Plus inattendu, cette France joyeuse et décoincée sera le lieu d’un rebond culturel jamais vu avec une littérature qui ose, un cinéma qui invente, des plasticiens qui brisent les dogmes, à l’image de note présidente engouffrant sa choucroute royale, serviette au cou et talons hauts aux pieds. Reste tout de même une question: Gérard, on lui demande son avis ou pas?

Gabriel Gaultier est initiateur de l’almanach BigBang, revue d’utopie politique....

Puisqu’il faut mobiliser gauche et droite ensemble pour sauver notre pays, mais que les Français préfèrent les hommes providentiels, faisons du président du Sénat... une synthèse. Non, mais quel bordel! Notre brave vieux pays qui devrait s’abîmer dans l’ivresse de la joie et de la félicité au spectacle d’un monde transformé en asile de fou, notre brave et cher vieux pays, disions-nous, préfère se livrer à un pathétique jeu de yoyo entre ses deux pôles politiques les moins recommandables plutôt que de s’en remettre à sa vraie nature qui est, au fond, de ne pas se mouiller et de se la couler pépère en attendant que ça se passe. Faute à la dissolution? Ne nous laissons pas aller à ce diagnostic par trop facile. La vérité, c’est qu’Emmanuel Macron n’a pas tout faux avec sa théorie du «en même temps», bien au contraire. Qui n’a pas envie devant le triste spectacle que nous offre l’Assemblée nationale de voir la France des contraires se réunir enfin comme des vieux tontons fâchés qui font la paix à l’occasion d’un repas de noces? Valéry Giscard d’Estaing, grand président moderne s’il en fut, n’avait-il pas tenté l’exercice avec le même insuccès en 1974? Pourquoi autant d’échecs sur un sujet semblable? Parce que la synthèse, le «en même temps», la réconciliation des contraires, est une tâche herculéenne qui ne se décrète pas par un effet de manche mais se construit héroïquement avec le maximum d’ambition que requiert la tâche. Et en ce qui concerne Macron…

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