Le développement exceptionnel des solutions d’intelligence artificielle soulève de nombreuses interrogations. Une paraît centrale: l’intelligence, avec l’ensemble de ses caractéristiques, peut-elle être artificielle? Si la réponse est affirmative, se pose alors la question de l’avenir de l’humain sur la planète. Certains se demandent déjà à quoi peut bien servir ce bipède déjà accusé de saccager l’environnement et de provoquer des conflits meurtriers injustifiés. Cela ressemble à un petit voyage en absurdie mais dans ce monde gangrené par la post-vérité, plus rien n’empêche la propagation d’élucubrations.
Raison de plus de rassembler toutes les données avant d’aborder tout débat sur une technologie qui commence à structurer nos interactions personnelles, professionnelles et sociales. L’intelligence, du latin intelligere, est définie comme la «faculté de comprendre», de saisir les choses et, par extension, de s’adapter. De fait, l’intelligence n’est-elle pas ontologiquement liée à l’espèce animale, dont les humains font partie? Car, pour s’adapter, pour sortir de l’erreur, un être intelligent doit mobiliser ses cinq sens. Or, dans le monde de l’IA, les rapports sont gérés par un écran, qui ne sollicite que la vue et l’ouïe.
Une «machine», aussi puissante soit-elle, qui ne peut appréhender ni le toucher, ni l’odorat, ni le goût peut-elle réellement prétendre à l’intelligence?
Il convient sans doute de remettre l’IA à sa place, la reconnaître pour ce qu’elle est, un simple outil apte à faciliter des tâches très consommatrices de temps et/ou à faible valeur ajoutée. De quoi améliorer la productivité dans les entreprises et libérer du temps pour les humains.
Comme celle d’un couteau, d’un marteau ou d’une tronçonneuse, son utilisation ne va pas sans risques. L’IA a notamment la dangereuse capacité de façonner notre vision du monde, avec des récits, des images et des sons créés à partir des contenus numérisés auxquels elle a accès. Il y a donc là un travail d’éducation à entreprendre dans les plus brefs délais pour inciter les utilisateurs, en particulier les plus jeunes, à discerner la réalité de l’illusion.
Mais il faut éviter tout catastrophisme et dépasser le débat stérile «Pour ou contre l’IA.» Qu’on l’encense ou qu’on la critique, l’IA est là, de plus en plus présente dans nos vies, innovation majeure qui commence déjà à provoquer des bouleversements considérables. Dès lors, il est incompréhensible que l’Europe – en particulier la France qui dispose de l’une des meilleures écoles de mathématiques du monde – n’ait pas su se saisir de cette opportunité historique. Ce n’est pas une question d’argent, la Chine l’a prouvé en développant DeepSeek avec un investissement des plus modestes, mais bien plutôt de volonté. Le prompt est simple: les dirigeants de l’Union européenne sont-ils capables de faire preuve d’intelligence?
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