Le MOT DE L’ÉDITEUR #9

William Emmanuel

Comme à chacune des élections nationales des vingt dernières années, la classe politique a déploré la faible participation aux élections législatives – 47,5 % au premier tour et 46,2 % au second – et a promis des mesures pour « faire reculer l’abstention ». Une promesse de pure forme qui ne sera évidemment pas tenue. Avec tous les risques que cela comporte.

La première question à se poser est la suivante : pourquoi les citoyens d’une nation démocratique, jouissant des libertés fondamentales, refusent-ils de prendre quelques dizaines de minutes pour désigner ceux ou celles qui doivent les représenter et conduire les affaires du pays en leur nom ? La réponse est simple : ils ne font plus confiance aux politiciens. 

Ceci s’explique essentiellement par l’absence de résultats dans les domaines économique et social. Les Français constatent une dégradation de leur niveau de vie depuis quelques décennies. Le fait que les dirigeants politiques, quel que soit leur bord, s’appuient systématiquement sur des statistiques présentées comme incontestables pour démentir les citoyens – par exemple sur une question aussi essentielle que le coût de la vie, qui a longtemps été minimisée par les technocrates brandissant leurs rapports – achève de convaincre ces derniers que décidément ils ne sont pas écoutés.

D’où le mouvement de « dégagisme » observé depuis 2017. À chaque scrutin, les électeurs qui acceptent de se rendre aux urnes sanctionnent ceux qui sont au pouvoir. D’où surtout ce désintérêt croissant pour des scrutins pourtant indispensables à la vie démocratique. En particulier chez les jeunes, 40 % des 18-35 ans n’ayant pas voté au second tour de la présidentielle et quelque 70 % ayant boudé les législatives. 

Comment convaincre les électeurs de participer aux élections ? Affirmer qu’il faut « un grand récit » ou une modification des modes de scrutin relève du gadget. Le seul moyen d’impliquer les citoyens est de leur démontrer que les institutions fonctionnent à leur profit. Il est tout de même dommage qu’il faille attendre l’absence d’une majorité absolue à l’Assemblée nationale pour mesurer l’importance du Parlement. Les citoyens n’en peuvent plus de la verticalité extrême qui interdit tout débat et qui donne, tous les cinq ans, tous les pouvoirs à un homme qui pense détenir la vérité sur tous les sujets. Ce système infantilisant éloigne irrémédiablement le peuple de ses représentants.

La classe politique dit souvent que la question institutionnelle n’est pas essentielle aux yeux des Français. Peut-être. Mais, puisque l’insurrection électorale n’en finit pas, pourquoi ne pas revoir de fond en comble notre fonctionnement démocratique ? Il suffirait de presque rien : redonner au Parlement les pouvoirs qui lui reviennent et accepter le débat car c’est de la confrontation d’idées que peut venir le progrès. On est toujours plus intelligent à plusieurs que tout seul. Alors que les temps qui viennent s’annoncent particulièrement difficiles, tout le monde devrait avoir à l’esprit cet axiome.



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