Aridité, froid mordant, autarcie… Tels sont les défis auxquels se préparent les aventuriers et les exploratrices planétaires dans les milieux les plus extrêmes, avec en ligne d’horizon : la planète rouge. Rencontre avec ces scientifiques qui visent une nouvelle frontière.
Le froid est intense. Tout autour de vous, à perte de vue, s’étend un terrain rocailleux, aride, parcouru par des vents violents. Au loin, une équipe dont tous les membres portent des combinaisons d’astronautes avance péniblement sur ce terrain hostile, du permafrost. En termes géologiques, un sol dont la température se maintient en dessous de 0 °C pendant plus de deux ans.
Contrairement à ce que les apparences laissent penser, nous ne sommes pas sur une lointaine planète mais bien sur Terre. Plus précisément à presque 1 000 kilomètres au nord du cercle polaire arctique, sur la petite île Devon. Un désert froid – qui s’en étonnerait ? – sec et donc venteux. L’île abrite le cratère de Haughton, l’un des plus septentrionaux de la Terre, formé il y a trente-et-un millions d’années lorsqu’un astéroïde ou une comète s’est écrasé dans ces lieux, aujourd’hui inhabités et où peu de végétation subsiste. Il s’agit d’un type de terrain que la NASA qualifie de « ICE » – un des nombreux acronymes dont elle est friande, ici pour « isolated, confined, and extreme » – où de nombreuses agences spatiales organisent des missions dites « analogues » ou « analogues planétaires » afin de tester sur Terre des concepts d’opération et des instruments scientifiques avant de les envoyer sur la Lune ou sur Mars.
Les recherches pour ma thèse en anthropologie, consacrée à l’étude des peuples arctiques et de leurs arts traditionnels, m’ont amené à vivre dans ce type d’environnement de nombreuses fois depuis une bonne dizaine d’années. Au fil des ans et des rencontres, j’ai commencé à acquérir une expertise de terrain sur ces « analogues planétaires ». Paradoxe ontologique d’une étude portant sur les origines ancestrales de la créativité humaine m’ayant amené à étudier un champ de recherche à la pointe de la contemporanéité voire même aux frontières de la prospective : les missions spatiales habitées et leur préparation en milieu extrême sur Terre.
Que ce soit dans l’Himalaya, sur un glacier culminant à plus de 5 500 mètres d’altitude, à Hawaï sur une base de la NASA – la HI-SEAS –, lors d’une mission de l’agence spatiale européenne afin de simuler une expédition lunaire, en Pologne dans un ancien bunker nucléaire, ou encore en Islande, sur un volcan actif au milieu de la calotte glaciaire, dans un brouillard à la densité indescriptible et au nom imprononçable – Hvitamyrkur, les « ténèbres blanches » – pour tester une combinaison de simulation de mission martienne mise au point par la NASA et la Rhode Island School of Design, j’ai participé à nombre d’expéditions en milieux extrêmes. Mais l’île Devon, où la NASA simule des missions martiennes, me reste inconnue.
Nina Lanza s’est spécialisée dans la recherche de "biosignatures", des traces de vie passée ou présente, sur Mars.
Mes expériences m’ont néanmoins valu d’être admis en 2018 au sein de l’Explorers Club, une société professionnelle fondée en 1904 – dont Theodore Roosevelt, Buzz Aldrin, Jeff Bezos ou James Cameron sont ou ont été membres – qui organise depuis 2019 le Global Exploration Summit (GLEX), une conférence surnommée le « Davos de l’exploration ». Invité en tant qu’International fellow à l’édition 2023 qui se tient sur une petite île volcanique de l’archipel des Açores, Terceira, je m’apprête à rencontrer la légendaire chercheuse Nina Lanza, qui, elle, a conduit une expédition sur le terrain inhospitalier de Devon l’an dernier. Géologue et astrobiologiste, Nina s’est spécialisée dans la recherche de « biosignatures », des traces de vie passée ou présente, sur Mars. C’est dans ce cadre que son équipe s’est rendue sur l’île Devon, qui constitue un excellent analogue planétaire, Mars étant un environnement paraglaciaire, c’est-à-dire toujours gelé. Même si la structure géologique de Haughton est différente des cratères martiens, basaltiques, Nina et son équipe ont pu y étudier la propagation de l’eau dans une structure d’impact de météorite sur ce type d’environnement. Ils ont utilisé une technologie appelée spectroscopie des rayons gamma et des neutrons ou GRNS. La technique n’est pas nouvelle, déjà employée sur Mars pour analyser les roches et chercher des biosignatures, mais l’intention était de l’optimiser pour tenter d’identifier des traces chimiques que les scientifiques désignent encore au moyen d’un acronyme, « CHNOPS » – carbone, hydrogène, azote (nitrogen en anglais), oxygène, phosphore et soufre. En pratique, ils ont apporté un générateur de neutrons qui, en interagissant avec la surface, émettent des rayons gamma dont l’analyse indique la composition des matériaux. Si les technologies mises en œuvre sont complexes, l’objectif de ces aventures scientifiques en milieu extrême se résume à une question très simple, du moins dans sa formulation : sous quelque forme que ce soit, la vie a-t-elle été possible sur Mars ?
De ma première rencontre avec Nina Lanza, en marge du forum de Terceira, j’espère quelques éléments de réponse. Au premier regard, il m’apparaît que la scientifique est aussi une exploratrice. Son port altier tout autant que sa personnalité joviale ne me laissent aucun doute sur ses capacités physiques et psychologiques à se dépasser en conditions extrêmes, déjà constatées sur son site Web où on peut la voir faire le poirier au sommet du Kilimandjaro, devenant ainsi pour quelques minutes « les pieds les plus hauts d’Afrique ».
Son parcours a débuté il y a une dizaine d’année sous un autre acronyme de la NASA, et sans doute un des plus cocasses, les « Desert RATS » pour « desert research and technology studies », un ensemble de tests et de simulations assez similaires à ces missions d’astronautes analogues auxquelles je participe depuis de nombreuses années. Mais son expertise martienne vient sans doute autant de ses recherches scientifiques que de ses études de terrains dans trois des environnements les plus hostiles de notre planète, et de ce fait des analogues à Mars presque parfaits. Nina martèle sa conviction : « l’étalon-or de la géologie c’est l’étude de terrain les pieds dans la poussière, mais on ne peut pas toujours faire ça sur une autre planète ».
En attendant ce jour béni mais sans doute lointain, Nina Lanza a sillonné le globe terrestre. L’Antarctique tout d’abord, l’un des endroits les plus froids et les plus secs sur Terre. En 2015 et 2016, Nina y participe à des missions de collecte de météorites, dans des conditions que les membres de l’armée françaises qualifieraient sans nul doute de « rustiques » : éloignement de tout possible secours en cas de problème, confinement sous les tentes et vents violents, promiscuité et vie en autarcie dans un milieu extrême, toutes les cases d’une bonne simulation de mission martienne sont cochées. Le Rio Tinto ensuite, une rivière espagnole extrêmement acide – un pH de 2,5 ! – où son équipe a trouvé d’incroyables communautés microbiennes. La plupart des scientifiques accréditant l’hypothèse d’une altération acide sur Mars, c’était donc également un excellent analogue. Et enfin la mythique vallée de la Mort aux États-Unis, un autre endroit vraiment très sec, certes pas aussi froid que l’Antarctique, même la nuit, mais offrant un milieu aride où son équipe trouvera de nombreux matériaux d’évaporation, des sels notamment, attestant qu’il y a bien longtemps, il y eut de l’eau dans ce désert. Il semble en être de même sur Mars, ce qui rend pertinent le choix de cette vallée pour étudier l’habitabilité de la planète rouge.
Lors de ce sommet de Terceira, Nina, parmi beaucoup d’autres, a exposé le résultat de ses recherches. Après avoir assisté à des interventions passionnantes, allant de la paléoanthropologie aux dernières découvertes du télescope spatial James Webb, j’ai retrouvé Nina Lanza pour en apprendre plus sur son travail. Isolés du bruit de la conférence dans l’espace réservé aux journalistes, elle me raconta en détail ses recherches de biosignature sur Mars au moyen de la ChemCam et de la SuperCam, deux instruments scientifiques respectivement embarqués sur les rovers Curiosity et Perseverance. Comme le proclame la citation inscrite en présentation de son compte Twitter : « I shoot the lasers, pew pew » (« Je tire des lasers, pan, pan »), Nina, alias @marsninja sur le réseau social, et ses équipes analysent les roches martiennes en les pulvérisant à distance au moyen d’un laser infrarouge. Bien entendu il ne s’agit pas d’un fantasme de scientifique un peu geek et fan de Star Trek ou Star Wars : pas de sabre-laser ici, simplement un faisceau qui n’agit que dans un modeste rayon de moins d’un millimètre de diamètre sur des microéchantillons. Une caméra de haute précision couplée au laser leur fournit des images haute résolution de l’endroit exact où la roche est perforée. Les clichés franchissent la distance moyenne de 250 millions de kilomètres qui sépare Mars de la Terre pour parvenir, en léger différé, jusqu’à Nina et son équipe. Ce télétravail un peu particulier leur permet d’avoir une vision microscopique de la chimie et de la minéralogie des roches de la surface martienne. On imagine sans peine le tour de force scientifique et technique que représente l’ensemble de ces opérations.
C’est avec le même enthousiasme qu’elle me parlera de l’instrument scientifique présent sur le rover Perseverance, la SuperCam, une « ChemCam sous stéroïdes », et du micro installé par des équipes françaises collaborant avec elle et qui allaient donner les premiers enregistrements sonores martiens le 19 février 2021. Notre entretien en vint à son terme alors que nous évoquions la mission actuellement planifiée de retour d’échantillons martiens. Elle m’expliqua que l’une des missions de Perseverance consiste à sélectionner et « emballer » les échantillons qui seront éventuellement renvoyés sur Terre au moyen de procédures robotisées très complexes.
En effet, même si nous en savons déjà beaucoup sur Mars, les seules roches martiennes que nous ayons entre les mains sont quelque 150 météorites identifiées comme issues de la planète rouge. Mais les scientifiques ne savent pas de quelles régions de Mars elles proviennent, il n’y a pas de contexte. La seule certitude est qu’elles ont été expulsées de la planète après un impact et qu’elles ont traversé l’espace pour arriver sur Terre. Non sans avoir subi nombre de perturbations au cours de ce long voyage, ce qui n’est guère propice à la préservation de leur intégrité : ce que nous avons pu analyser est donc sans doute assez différent du matériau originel. Pour conclure, Nina ajoute que son sentiment est que la surface de Mars est assez fortement irradiée – ce qui diminue considérablement la probabilité d’une quelconque forme de vie aujourd’hui sur cette planète – et qu’il nous faut évidemment prendre des précautions lors du retour des échantillons afin d’éviter toute potentielle contamination de la Terre.
Nina et ses équipes analysent les roches martiennes en les pulvérisant à distance au moyen d’un laser infrarouge.
Encore ébloui, je retrouve mon ami et collègue Rui Moura, géophysicien et candidat astronaute portugais. Nous avions fait connaissance il y a quelques années dans les locaux de Survival Sytems USA, un complexe d’entraînement où il s’exerçait à la sortie d’urgence d’une capsule spatiale Orion en cas d’amerrissage forcé. Ensemble, nous rejoignons deux femmes exceptionnelles, toutes deux membres de l’Explorers Club : Alice Bromage, ancienne militaire de carrière anglaise reconvertie notamment comme ambassadrice des Black Mambas, la première unité antibraconnage entièrement féminine ; et une amie de longue date, l’australienne Sarah Jane Pell, au pédigré tout aussi remarquable : ancienne mannequin, membre de la prestigieuse communauté TED fellows, artiste, candidate astronaute et plongeuse sous-marine hors pair.
Ces premières rencontres illustrent la qualité de l’assistance de ce « Davos de l’exploration », où l’on pouvait croiser lors des coffee breaks plusieurs « touristes spatiaux », dont Mário Ferreira, le premier Portugais à avoir été dans l’espace, Richard Garriott de Cayeux, l’actuel président de l’Explorers Club et sixième touriste spatial au monde, et même Hamish Harding, l’une des victimes de la tragédie du sous-marin Titan, parti à la recherche de l’épave du Titanic quelques jours après la conférence. Un rappel tragique des dangers inhérents à l’exploration de ces milieux extrêmes.
Alors que la première journée du GLEX s’achève, un email me confirme un rendez-vous avec Nathalie Cabrol, la chercheuse franco-américaine directrice scientifique de l’Institut SETI chargée de la recherche de vie et d’intelligence extraterrestre. Dans la soirée, mon amie Sarah Jane Pell rejoint notre petit groupe, afin d’échanger anecdotes de terrains et potins mondains du secteur de l’exploration et du vol spatial habité. Sarah a participé à de nombreuses missions analogues et notamment l’année dernière lors d’une mission organisée par l’agence spatiale italienne et Mars Planet – le chapitre italien de la vénérable Mars Society – à laquelle j’avais été convié. À cette occasion, nous avons tous deux séjourné sur la base MDRS (Mars Desert Research Station), un habitat construit en 2000 dans le désert de Moab, dans l’Utah – dont les paysages spectaculaires ont servi de décor à nombre de productions hollywoodiennes, dont l’épisode I de Star Wars ou la série Westworld – afin d’y organiser à des fins de recherches des simulations de missions martiennes. Depuis le début des années 1960, ces programmes de recherche conduits dans des analogues planétaires sont en expansion continue. Le lancement de la première phase est directement lié au programme Apollo (1961 -1972). Avant leur départ vers la Lune, les astronautes des différentes missions s’étaient entraînés du côté d’Hawaï ou encore de l’Islande sur des terrains volcaniques, donc similaires à la Lune, avec des géologues afin d’optimiser leurs collectes d’échantillons lunaires.
Coïncidant plus ou moins avec la fin de la course à l’espace, la deuxième phase est marquée par la création de Biosphère II que j’ai eu l’occasion de visiter en 2022. La base est une gigantesque réplique de l’écosystème terrestre, construite en 1991 près de la petite ville d’Oracle, dans le désert de l’Arizona, et dans laquelle huit scientifiques se sont isolés pendant deux ans. Un site de recherche unique au monde et à l’histoire plus que rocambolesque, remarquablement décrite dans le documentaire Spaceship Earth et qui mériterait sans doute un article entier : entre recherche scientifique et New Age, le tout conçu par une troupe de théâtre expérimental fondée à San Francisco, avec un financement du philanthrope texan Ed Bass, qui avait hérité de la fortune que sa famille avait amassée dans le pétrole mais qui soutenait les causes écologistes, et une reprise en main financière presque improbable quelques années après sa création par Steve Bannon, le futur conseiller de Donald Trump.
Plus près de nous, la troisième phase historique est marquée par la construction de la base MDRS et le regain d’intérêt pour l’exploration habitée de Mars au début des années 2000. Enfin, une quatrième phase peut être identifiée avec l’émergence, en 2013, de la base HI-SEAS, située à Hawaï et financée par la NASA en vue d’étudier le facteur humain et les questions de nutrition pour de futures missions martiennes habitées. C’est sur cette même base HI-SEAS que j’allais participer à ma première mission analogue avec les équipes de l’agence spatiale européenne en 2018, l’année où l’Explorers Club m’a adoubé. Un honneur qui apporte également une bonne dose d’humilité. Depuis mon admission, j’ai en effet rencontré une bonne demi-douzaine d’explorateurs et d’exploratrices ayant vaincu les « seven summits », les sept plus hauts sommets des sept continents. Il y a donc toujours moyen de faire plus haut, plus profond ou plus loin que soi, dans l’espace comme dans les tréfonds de l’Amazonie.
Je retournais donc le lendemain matin sur le site de la conférence. Entre mes discussions la veille avec Sarah Jane Pell, mon entretien avec Nina Lanza et celui que je savais à venir avec Nathalie Cabrol du SETI, je ne pus m’empêcher de penser à ce titre de film de science-fiction : Mars Needs Women, réalisé en 1967 et mettant notamment en scène le personnage fictif de l’exobiologiste Marjorie Bolen joué par Yvonne Craig (qui allait plus tard jouer le rôle de Batgirl dans la série Batman au charme désormais suranné). On ne peut que se réjouir de constater qu’en 2023 si Mars a toujours besoin de femmes, c’est cependant pour y effectuer des recherches scientifiques de très haut niveau, ou se préparer à sa future exploration habitée.
Comme me le dira en effet Nathalie Cabrol le lendemain lors de notre rencontre, la vie semble en effet trouver un chemin même dans les conditions les plus hostiles. Si l’équipe de Nina avait trouvé de la vie au sein du milieu acide du Rio Tinto, celle de Nathalie Cabrol en découvrait, en 2015, à leur grande surprise, dans le lac du cratère du stratovolcan andin Licancabur à quelque 6 000 mètres d’altitude. Le lieu est étonnamment similaire à la surface de Mars telle qu’elle était il y a quatre milliards d’années et ce pour de nombreuses raisons : la minéralogie, la présence de perchlorates, l’aridité, ou encore le sel. Mais également le fait que plus vous allez haut moins il y a d’atmosphère. En haut du Licancabur la pression atmosphérique est de 480 millibars soit à peu près ce que Mars avait il y a trois milliards et demi d’années.
Ravi de pouvoir m’entretenir pour une fois en français sur un sujet qui me passionne, dans le cadre de cette conférence internationale où l’anglais était bien évidemment la lingua franca, le temps sembla se figer lors de ma rencontre avec Nathalie Cabrol. Je parlais tout à l’heure d’« overachievers ». La chercheuse de l’Institut SETI en est certainement une, avec en plus ce je-ne-sais-quoi de détachement à proprement parler philosophique, découlant sans doute de sa connaissance poussée de l’univers, qui m’enleva rapidement tous mes doutes concernant sa légitimité à tenir ce poste si important au sein du SETI.
La vie semble en effet trouver un chemin même dans les conditions les plus hostiles.
Nathalie Cabrol n’a pas seulement découvert avec son équipe des nouvelles formes de vie et des micro-organismes dans le lac du cratère du volcan, elle a également pris le temps, et le risque, de dépasser le record féminin d’apnée et de plongée réalisées à la plus haute altitude dans ce même lac. Ayant séjourné à 6 000 mètres d’altitude sur l’Ojos Del Salado, un volcan voisin dans la partie chilienne, je garde à jamais gravées en moi les difficultés physiques et physiologiques à supporter une telle altitude, et ne pouvais qu’admirer une telle attitude alliant recherche scientifique et exploration de l’extrême.
Elle me raconta de nombreuses anecdotes de terrain faisant écho à mes propres expériences de recherches dans des milieux extrêmes, mais c’est surtout sa vision de l’univers, sa définition personnelle du phénomène du vivant et de l’astrobiologie qui allait finir de me captiver. J’ai obtenu mon doctorat au sein d’un programme de recherche portant notamment sur les notions d’interdisciplinarité et de transdisciplinarité et, tout autant que mon approche de l’anthropologie, sa vision de l’astrobiologie en fait une science résolument interdisciplinaire. Pour elle la vie avec un grand v n’est pas quelque chose à chercher dans un environnement, si extrême soit-il. La question n’est pas de se demander si la vie est un événement stochastique ou une transition, mais bien de concevoir celle-ci comme une émergence, une phase de l’univers et le moyen pour cet univers de combattre l’entropie. Alors que nous glissions petit à petit vers la métaphysique, elle fini de me plonger dans des questionnements qui ne cessent depuis de faire écho en moi. Comme elle le souleva, les neurosciences nous disent que le temps n’existe pas, qu’il n’y a qu’une succession de moments présents ; la physique quantique nous dit que l’espace n’existe pas. Alors en fin de compte nous n’avons probablement pas besoin de radiotélescopes pour pouvoir communiquer avec une hypothétique autre forme de vie dans l’univers. Si le temps n’existe pas, si l’espace n’existe pas, cela veut dire qu’il n’y a pas vraiment de distance et que ce sont probablement des niveaux d’énergie qui nous séparent.
Le GLEX se terminait et je ressortais de notre rencontre à la fois apaisé, calme et bouleversé. En ce début de millénaire, la recherche de vie sur Mars et au-delà ressemblait en fin de compte de plus en plus à un poème d’Henri Michaux. On veut décrire la science et on finit par écrire de la philosophie poétique. ...
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