Peut-on utiliser le langage de la domination esthétique dans le contexte de l’Afrique ?
C’est la question que pose Kehinde Wiley, artiste américano-nigérian, mis à l’honneur du 26 septembre au 14 janvier, pour l’exposition Dédales du pouvoir au musée du Quai Branly. À travers les portraits de onze chefs d’État africains, Wiley revisite les codes de représentation de la puissance, topos de l’art pictural européen, pour l’adapter à une région que les livres d’histoire de l’art ont souvent ignorée.
À quoi bon mettre à l’honneur des leaders dont le pouvoir semble limité ? “Le temps que la toile soit terminée, ils ne sont déjà plus présidents”. Cette affirmation, entendue au détour de l’exposition, est justement ce qui fait du travail de Wiley un plaidoyer politique dépassant les frontières de l’esthétisme. En représentant ces chefs d’État d’Afrique subsaharienne en majesté, avec toute la pompe dont les peintres officiels du royaume de France usaient pour immortaliser le sacre de leur monarque, l’artiste invite ses modèles à renverser la rhétorique associant le pouvoir à l’hégémonie occidentale.
Dépassant les controverses politiques – Wiley a proposé son projet à la totalité des chefs d’État africains, jusqu’aux plus contestés – le peintre a cherché à dénoncer quelque chose de plus grand, de plus enraciné. Prenant plaisir à représenter ses modèles avec le faste caractéristique des portraits de Louis XIV ou de Napoléon 1er, Wiley met en lumière une région qui a longtemps été invisibilisée, à laquelle on a du mal à associer la notion de pouvoir puisque celui-ci lui a été retiré.
« L’Afrique noire est mal partie » constatait René Dumont à la fin des années 1960.
Kehinde Wiley tente de lui offrir un nouveau départ.