Le système américain est de moins en moins démocratique, avec un gouvernement éloigné voire hostile aux citoyens, au point que la tentation grandit de se tourner vers l’autocratie. Ce qui serait pire.
Les États-Unis peuvent se targuer d’être la plus vieille démocratie du monde moderne. En vigueur depuis 1789, la Constitution américaine est la première charte écrite de gouvernement. En s’ouvrant sur les mots « Nous, le peuple », elle affirme d’emblée le principe fondamental selon lequel le gouvernement tire ses pouvoirs du consentement des gouvernés, qu’il est en retour censé servir.
Dans une démocratie forte et efficace, le peuple contrôle donc l’ordre du jour. La démocratie donne à chaque personne le pouvoir et la liberté de contribuer aux choix sur la société et aux actions que ses représentants entreprennent pour améliorer sa vie. Si le gouvernement du peuple n’y parvient pas, les citoyens sont libres de demander des comptes aux décideurs, sans être empêchés par des minorités politiques ou de puissants intérêts particuliers. Par essence, la démocratie est le seul système capable de forcer le gouvernement à travailler pour le peuple. Lorsque cela se produit, la population accorde une confiance durable à son gouvernement, ce qui est essentiel à sa survie à long terme, en particulier à une époque où d’aucuns peuvent être attirés par les chants de sirène des dirigeants autocratiques.
Pourtant, comme le montre l’histoire, la survie et le succès des démocraties ne sont jamais garantis. Au contraire, les démocraties sont des expérimentations fragiles, qui évoluent par à-coups et doivent s’adapter à des défis inévitables. Elles ne sont jamais parfaites et ne résolvent jamais tous les problèmes. Reste qu’elles constituent le meilleur système pour que les citoyens soient représentés équitablement et pour que leurs aspirations soient satisfaites. Ce que constatait déjà l’ancien Premier ministre britannique Winston Churchill, qui a eu en 1947 ce jugement demeuré célèbre : « En effet, on a dit que la démocratie est la pire forme de gouvernement, à l’exception de toutes les autres formes qui ont été essayées de temps à autre. »
Si le gouvernement du peuple ne parvient pas à améliorer leur vie, les citoyens sont libres de demander des comptes aux décideurs.
De fait, une démocratie forte et dynamique est le mode de gouvernement le plus à même d’accompagner les citoyens sur la voie de la paix et de la prospérité. Mais pour beaucoup trop de gens, le « rêve américain » reste un objectif lointain, voire chimérique, entravé par un gouvernement qui semble ne pas les entendre, voire leur être hostile. D’où la tentation grandissante chez certains d’essayer un autre système, l’autocratie, quand bien même il ne refléterait pas les valeurs fondamentales communément partagées par les Américains et serait inapte à leur offrir la qualité de vie qu’ils désirent.
Seuls 28 % des Américains sont satisfaits du fonctionnement de la démocratie.
Cette désaffection pour la démocratie trouve sa source dans les failles et les dysfonctionnements du système qui, en pratique, échoue trop souvent à satisfaire les attentes des gouvernés. D’où un désenchantement croissant de l’ensemble du spectre idéologique, de plus en plus critique envers des institutions politiques jugées peu réactives, obsolètes et trop protectrices des droits des minorités. C’est ce constat alarmant que dressent les multiples enquêtes d’opinion qui confirment la profondeur du mécontentement des Américains à l’égard de la situation actuelle. Par exemple, selon un sondage Gallup de janvier 2024, seuls 28 % des Américains sont satisfaits du fonctionnement de la démocratie, ce qui constitue un plus bas
historique – en forte baisse par rapport aux 61 % de 1984. Un sondage Associated Press NORC Center de mars 2024 a révélé que 53 % des Américains pensent que les États-Unis
sont une « démocratie qui fonctionne mal ». Ces résultats traduisent une insatisfaction plus vive que celle observée dans la quasi-totalité des démocraties contemporaines.
Il n’est donc pas étonnant que la confiance des Américains dans leur gouvernement se situe à un niveau abyssal : 22 %. En outre, comme nous le verrons plus loin, les jeunes
et les personnes de couleur sont encore plus insatisfaits de l’état de la démocratie et donc plus ouverts à l’autocratie.
Ces chiffres préoccupants traduisent la perception commune à un trop grand nombre d’Américains qui estiment que leur situation personnelle ne s’améliore pas, voire se dégrade. Ce qu’ils résument d’une formule lapidaire : le système les laisse tomber. Le creusement continu des inégalités économiques, le manque criant de logements abordables dans de nombreuses régions du pays, les salaires qui stagnent, incapables de suivre les niveaux élevés d’inflation, l’endettement record des ménages… tout contribue à installer un sentiment d’insécurité financière. Ce que mesure un sondage réalisé en avril 2024 par MarketWatch : 49 % des Américains se considèrent comme « fauchés », tandis que 66 % déclarent « vivre
au jour le jour ». En outre, alors que leur rôle est crucial en ces temps difficiles, les services publics, comme la formation professionnelle ou l’aide alimentaire, s’avèrent dysfonctionnels en raison du manque de fonds ou de l’inefficacité des systèmes de prestation.
Au-delà de ce sentiment global, on observe d’importantes distorsions géographiques, ethniques ou sectorielles qui exacerbent l’amertume de ceux n’arrivant pas à s’en sortir et nourrissent leur ressentiment envers les élites qui s’en tirent très bien. Ainsi la qualité de vie, qui prend en compte les possibilités d’emploi, les soins médicaux, l’éducation et la sécurité publique, souffre de graves disparités. Il en va de même pour les droits fondamentaux, inégalement garantis selon les États. Nombre d’entre eux, dirigés par des conservateurs, ont en effet adopté des politiques qui limitent les droits des travailleurs, des femmes, des personnes LGBTQ+, des nouveaux immigrants ou des étudiants, tout en rendant les élections
moins libres, moins équitables et plus difficilement accessibles. Dans le même temps, l’antisémitisme, l’islamophobie, le racisme et l’homophobie continuent de gangrener la
société américaine, alimentant le sentiment d’insécurité chez des millions de citoyens, déjà traumatisés par les conséquences du dérèglement climatique et désorientés par un système médiatique fracturé autant que par la multiplication des fake news.
En toile de fond, les États-Unis subissent de profondes mutations démographiques. Ethniquement moins homogène, plus urbaine, moins attachée aux traditions comme aux religions, la société est devenue plus réceptive aux discours d’hommes politiques qui attisent le ressentiment, suscitent la division et la méfiance, ou soutiennent des suprémacistes blancs, légitimant à bas bruit la violence politique. Une dérive pointée par Demos, une ONG qui a observé que « les préjudices économiques et sociaux sont étroitement liés. Les élites financières exploitent les peurs raciales pour dresser les travailleurs les uns contre les autres, l’exacerbation des difficultés économiques facilitant la désignation de boucs émissaires. »
De l’ensemble de ces dérives résulte sans surprise un malaise croissant, matérialisé par la flambée des overdoses mortelles et des violences avec armes – dont deux tentatives d’assassinat en 2024 contre l’ex-président Donald Trump – et par une chute de l’espérance de vie, au plus bas depuis trente ans.
Face à cette situation très dégradée, près de la moitié des jeunes Américains se disent déprimés, voire désespérés. Une majorité de la population avoue son pessimisme, le « rêve américain » paraissant désormais hors d’atteinte. Les problèmes rencontrés par le gouvernement pour améliorer la qualité de vie de tous les Américains résultent de ce que nombre de structures institutionnelles sous-jacentes sont aujourd’hui largement dépassées, échouant à refléter la volonté de la majorité politique :
– Des élections faussées. Les règles régissant des élections libres et équitables sont attaquées par de nombreux législateurs conservateurs extrémistes qui ont pris des mesures agressives pour gêner l’expression du vote, des communautés de couleur principalement. Ce véritable sabotage du processus électoral compromet la volonté du peuple de choisir ses dirigeants. De nombreux États prennent des mesures sans précédent pour dessiner des cartes électorales inéquitables.
– Le recours au gerrymandering. Littéralement, « charcutage électoral ». De nombreux États prennent des mesures sans précédent pour dessiner des cartes électorales inéquitables, dans le seul but de consolider le pouvoir politique du parti au pouvoir.
– Un collège électoral obsolète. Même pour l’élection du président, les votes ne sont pas comptabilisés directement au niveau national, mais État par État. À l’issue du scrutin, au Texas par exemple, le vainqueur
– fût-ce par une marge infime – emporte la totalité des grands électeurs que le Texas enverra à la Convention chargée de désigner le président. Le caractère indirect de ce scrutin est loin d’être sans conséquences : par deux fois, lors des six dernières élections présidentielles, la victoire est allée au candidat ayant récolté, à l’échelon national, moins de suffrages que son adversaire battu !
– Une chambre haute structurellement conservatrice. Constitué de 100 élus – deux par État, quelle que soit sa population – le Sénat est un cimetière législatif pour les réformes attendues par une majorité d’Américains, telles que le contrôle des antécédents avant l’achat d’armes à feu, l’augmentation du salaire minimum ou le droit à l’IVG. Ce blocage résulte du pouvoir constitutionnellement accordé aux sénateurs des 21 États les moins peuplés, représentant seulement 11 % de la population du pays et 7 % de la population noire, de s’opposer à presque tout. D’ici 2040, 30 % du pays, « qui sera plus blanc, plus rural et plus conservateur, élira 70 % du Sénat américain ».
– Des agences publiques entravées. Fédérales ou d’État, ces structures chargées de veiller au bien-être de la population, sont souvent sous-financées. D’où leur impuissance face à des entreprises privées disposant des ressources nécessaires pour contourner les processus réglementaires et leur difficulté à fournir les services promis aux démunis, tels que les allocations chômage ou l’aide alimentaire.
– Une Cour suprême déconsidérée. Après la nomination de trois de ses neuf juges par un président, Donald Trump, mal élu – il a obtenu moins de voix directes que son adversaire – et leur confirmation par un Sénat offrant une représentation biaisée du peuple, la plus haute juridiction du pays suscite une défiance sans précédent. Ultraréactionnaire et soupçonnée de corruption passive
– certains juges d’extrême droite semblant obéir aux milliardaires qui leur offrent des vacances somptueuses –, la Cour suprême est dans la tourmente. Un code d’éthique non contraignant permet aux juges, nommés à vie, d’échapper à la transparence et à l’obligation de rendre des comptes, y compris lorsqu’ils sont en conflits d’intérêts. Il est donc difficile pour les Américains de croire à l’indépendance d’une instance opaque qui n’hésite pas à supprimer des droits acquis de longue date, tels que le droit à l’IVG, ou qui considère que les présidents sont au-dessus des lois.
– Un bouleversement du paysage médiatique. Les médias traditionnels – télévision, radio et journaux, ainsi que les plateformes en ligne qui leur sont associées – sont aujourd’hui délaissés par une petite moitié d’Américains, qui déclare n’avoir que « peu ou pas confiance dans la capacité des médias à rendre compte de l’actualité de manière juste et précise ». De fait, contraints d’affronter la concurrence des réseaux sociaux et du câble, les médias traditionnels tendent à délaisser les informations utiles, objectives et civiques au profit du sensationnel et du militantisme. D’où la conviction de 70 % des Américains qui affirment que « les médias accentuent la polarisation politique ». 70 % des Américains affirment que “ les médias accentuent la polarisation politique ”.
70 % des Américains affirment que “ les médias accentuent la polarisation politique ”.
– L’irruption des nouvelles technologies, qui contribuent élargir la fracture constatée au cours des dernières années. Relayées par les réseaux sociaux, la pléthore de sources d’information idéologiquement distinctes tend à enfermer les citoyens dans des silos étanches, où la désinformation et la haine peuvent proliférer sans être contestées. Les plateformes jouent également un rôle crucial dans l’exacerbation de ces problèmes en prenant des décisions algorithmiques pour élever ou déclasser le contenu sur certains sujets, ce qui manipule davantage le discours et biaise l’opinion publique de manière très peu transparente. En outre,l’avènement de l’IA générative a ajouté de nouveaux défis : comment exploiter cette technologie transformatrice de manière productive (par exemple pour la fourniture de services publics) tout en répondant aux préoccupations concernant la désinformation, la confidentialité des données, la partialité algorithmique, la manipulation cynique de l’opinion et les menaces existentielles.
L’ensemble des dysfonctionnements empêche nombre de citoyens ordinaires de contrôler le travail du gouvernement et de s’assurer que leur voix sera entendue.
L’ensemble de ces dysfonctionnements empêche nombre de citoyens ordinaires de contrôler le travail du gouvernement et de s’assurer que leur voix sera entendue, ce qui est identifié comme une défaillance de la démocratie. Par exemple, en 2023, un sondage Associated Press-NORC Center a révélé que 53 % des Américains pensent que les opinions des « gens comme vous » ne sont pas bien représentées par le gouvernement ; 71 % considèrent que les souhaits de la plupart des Américains devraient avoir une grande importance lors de l’élaboration des lois et des politiques, mais seulement 48 % estiment que c’est le cas dans la pratique.
La façon dont le système électoral et les institutions gouvernementales des États-Unis sont structurés offre à la minorité politique de droite, de plus en plus réduite, beaucoup trop de possibilités d’exercer sa volonté sur la majorité. Ces forces contre-majoritaires, qui s’accrochent désespérément à un pouvoir menacé par l’évolution démographique, érigent des barrières au niveau fédéral et étatique afin de verrouiller leur pouvoir et contrecarrer les aspirations populaires. Selon le politologue Daniel Ziblatt, « nous sommes de loin la démocratie la plus contre-majoritaire au monde ». Lorsque des élus partisans contournent les lois et bousculent les normes pour asseoir leur pouvoir politique, non seulement ils dégradent le bon
fonctionnement du gouvernement, mais ils accentuent les divisions tribales dans la société, ce qui s’accompagne souvent d’une montée de l’extrémisme et de la violence à l’encontre d’ennemis présumés, y compris contre les agents électoraux ou les candidats à la présidence.
Ce minoritarisme politique prospère également dans un système que de nombreux Américains jugent corrompu. La décision de la Cour suprême dans l’affaire « Citizens United vs Federal Election Commission » (2010) a accentué ce déséquilibre fondamental, permettant aux milliardaires de déverser des torrents d’argent trouble dans l’escarcelle des candidats défendant leurs intérêts, ce qui n’a fait que conforter cette conviction aux conséquences délétères.
Quand la population a le sentiment d’être écartée du pouvoir et que le gouvernement ne se soucie guère de ses besoins, le désenchantement nourrit les tentations extrémistes. De fait, même si une majorité a toujours foi en la démocratie, de plus en plus nombreux sont ceux qui se déclarent ouverts à l’autocratie. Selon un sondage paru en février 2024, 32 % disent
être favorables à un homme fort, qui exercerait son pouvoir sans le contrôle des instances démocratiques, voire à une dictature militaire. Le résultat d’une autre enquête d’opinion est plus inquiétant encore : 23 % des Américains estiment que « les dérives actuelles justifient que les vrais patriotes aient recours à la violence pour sauver le pays ». En 2021, ils n’étaient que 15 % à le penser…
Cette tendance ne semble pas devoir s’inverser, les plus jeunes paraissant peu attachés à la démocratie élective : 40 % d’entre eux ne jugent « pas essentiel » d’avoir un gouvernement élu – contre seulement 10 % de leurs aînés. Pour ces jeunes gens, un système permettant à un leader « de prendre des décisions sans se soucier des lois existantes ou des instances élues » paraît acceptable voire souhaitable. Pis, ils ne sont que 17 % à le rejeter ! Dans la population de couleur, on mesure une semblable défiance. Un sondage datant de janvier 2023 révélait que la démocratie était « le meilleur des systèmes politiques » pour 83 % des Blancs, mais pour seulement 71 % des Noirs et 67 % des Latinos. La même enquête concluait que
pour 21 % des premiers et 20 % des seconds, il était indifférent que les États-Unis soient une démocratie ou une dictature. Alors que l’importance de la population blanche décroît, devenant sans doute minoritaire aux alentours de 2045, ces résultats ne peuvent qu’alerter.
L’aspiration à un pouvoir fort n’est pas une spécificité américaine. Dans les nations du monde entier, « les gens ordinaires ont perdu confiance dans leurs institutions gouvernementales et ont infligé des revers étonnants à leur établissement politique », ce qui a enhardi les régimes autocratiques. Selon le rapport annuel 2024 de l’ONG Freedom House, la liberté dans le monde a reculé pour la 18 e année consécutive en 2023 et « la portée et l’ampleur de la détérioration ont été considérables, affectant un cinquième de la population mondiale ».
Certains dirigeants politiques américains aux tendances autoritaires ont su saisir l’occasion et exploiter le minoritarisme politique pour affirmer leurs objectifs. Ils promettent qu’eux – et eux seuls – peuvent réparer un système défaillant et répondre enfin aux doléances de la population. Q u’importe que cet te prétention soit contredite par l’observation de toutes les
expériences de ce type conduites de par le monde. Par exemple en Russie, où Vladimir Poutine exerce une influence totale sur un gouvernement qui « a usé de tous outils juridiques pour empêcher les partis politiques et les candidats de l’opposition de participer au scrutin, a emprisonné des militants et des hommes politiques, a fermé ou chassé tous les médias indépendants et a assujetti le pouvoir judiciaire ». Ou en Hongrie, où Viktor Orbán et son parti politique ont « systématiquement démantelé les piliers de la démocratie » en s’emparant des institutions publiques, en s’attaquant aux droits des minorités, en adoptant une rhétorique nationaliste agressive et en s’attaquant à l’État de droit. Dans des régimes encore
plus répressifs, les autocrates exercent leur autorité pour bafouer directement les droits de l’homme, comme en Corée du Nord, au Rwanda ou au Nicaragua, où les dissidents
politiques sont régulièrement emprisonnés, torturés ou tués. Lorsque les autocrates du monde entier ont pris les rênes, leurs gouvernements sont restés à la traîne des démocraties sur presque tous les points mesurables.
L’aspiration à un pouvoir fort n’est pas une spécificité américaine.
Même dans une démocratie comme les États-Unis, des politiques apparemment autoritaires peuvent être poursuivies ou mises en œuvre. Par exemple, sous l’administration Trump, le pays a été témoin de tentatives d’affaiblissement des médias indépendants, d’un décret visant à remplacer un grand nombre de fonctionnaires non partisans par des alliés politiques, de
tentatives d’enrôlement du ministère américain de la Justice à des fins politiques, de menaces d’utilisation abusive de l’armée pour réduire au silence les Américains engagés pour la liberté d’expression ou d’un dévoiement de la Cour suprême, désormais contrôlée par les conservateurs extrémistes issus de l’ère Trump.
Lorsque les autocrates ont pris les rênes, leurs gouvernements sont restés à la traîne des démocraties sur presque tous les points.
En 2023, une feuille de route pour un futur gouvernement autoritaire américain a été publiée. Connu sous le nom de Projet 2025, supervisé par la fondation d’extrême droite Heritage, ce programme a été soutenu par plus de 100 organisations conservatrices. Comme l’a écrit le Center for American Progress, si Projet 2025 était appliqué aux États-Unis, cela porterait fondamentalement atteinte à la démocratie. Entre autres réformes dangereuses, ce programme bouleverserait l’équilibre des pouvoirs en consolidant celui de la présidence,
affaiblirait l’État de droit en diminuant l’indépendance des organismes publics – notamment le ministère de la Justice et le FBI, qui pourraient être utilisés contre les opposants politiques – et en remplaçant des dizaines de milliers de fonctionnaires non partisans par des loyalistes d’extrême droite. Ces changements destructeurs nuiraient considérablement à l’Américain moyen, menaçant ses libertés personnelles fondamentales, amenuisant sa qualité de vie, compromettant ses possibilités « d’avoir son mot à dire sur la conduite des
dirigeants ou de s’opposer à des politiques qu’ils désapprouvent ».
Si de nombreux immigrants n’hésitent pas à risquer leur vie pour fuir des régimes autocratiques et venir aux États-Unis, c’est pourtant bien parce qu’ils aspirent à une vie meilleure, pour eux-mêmes et pour leur famille, au sein d’un système démocratique. Même si ses imperfections l’ont éloigné du modèle idéal d’une société inspirée par un ensemble de valeurs d’équité, dirigée par un pouvoir librement élu et contrôlé par des instances indépendantes, soucieuse de garant la paix et la prospérité, la démocratie reste un système qu’aucune dictature passée, présente et sans doute future, n’est susceptible de sérieusement concurrencer.
© Center for American Progress.
Michael Sozan est Senior Fellow au Center for
American Progress, un think tank libéral, où il
se penche sur la démocratie et les réformes
des institutions. Il a étudié le droit et a travaillé
à la cour d’appel de Virginie ainsi que comme
collaborateur parlementaire au Congrès.