Microsoft qui annonce la relance de l’unité 1 de la centrale de Three Mile Island en Pennsylvanie, dont l’accident en 1979 avait mis fin au développement du nucléaire aux États-Unis. Google qui conclut un accord avec Kairos pour développer des petits réacteurs nucléaires modulaires (SMR). Amazon qui achète un gigantesque data center connecté à la Susquehanna Steam Electric Station. Le gouvernement italien qui prépare un cadre législatif pour pouvoir construire des réacteurs de nouvelle génération.
Le doute n’est plus permis: le nucléaire bénéficie d’un renouveau. Et c’est spectaculaire. C’est dû en partie au développement du cloud computing, qui permet de stocker les données sur des serveurs distants. Les besoins explosent à la faveur des innovations liées à l’IA. Ces technologies consomment énormément d’énergie et le nucléaire, qui offre une électricité de base abondante, répond aux besoins croissants. Cerise sur le gâteau: il n’émet pas de CO2. Un atout alors que les grandes entreprises, en particulier dans le secteur technologique, visent la neutralité carbone, en réduisant fortement leurs émissions.
C’est un retournement. En France, jusqu’à tout récemment, certains dirigeants politiques étaient farouchement hostiles au nucléaire, allant jusqu’à fermer une centrale modernisée (Fessenheim). Il a fallu attendre la crise énergétique consécutive à la guerre russo-ukrainienne déclenchée en février 2022 pour qu’ils redécouvrent le nucléaire et le rôle crucial de la France, qui, avec la Chine et la Russie, est l’un des trois principaux pays maîtrisant le nucléaire civil sur toute la chaîne. L’expertise nucléaire française a fait la fierté du pays depuis le général de Gaulle avant d’être marginalisée entre 2012 et 2022.
Le renouveau international du nucléaire est aujourd’hui une chance pour la France alors que le pays est dépassé dans beaucoup de secteurs industriels faute de vision et de soutien de la part de la classe politique. Bien sûr, il y a des questions à traiter, notamment celle des déchets radioactifs. Mais la filière française sait gérer cela depuis plusieurs dizaines d’années. Surtout, il y a des perspectives, en particulier la mise au point des SMR à moyen terme et la fusion nucléaire qui serait, à plus long terme, une révolution. Même si le réacteur expérimental ITER prend du retard, ce n’est pas une raison pour abandonner ce qui peut renforcer l’expertise énergétique du pays.
Le principal combat à mener est européen car Bruxelles, sous l’influence grandissante de l’Allemagne, cherche à affaiblir le nucléaire. Dépendant du gaz et du charbon, notre grand voisin, dont l’industrie vacille, cherche à effacer l’avantage comparatif de la France. Il convient donc que celle-ci se montre ferme dans la défense de ses intérêts.
Tous ces sujets méritent qu’on ouvre le débat et c’est le sens de ce dossier spécial que propose Bastille Magazine.
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