Qui a peur de Katia Granoff?

Texte Clotilde Scordia

Marchande de tableaux, pionnière et visionnaire, son nom fut, après sa mort en 1989, injustement oublié. Née en 1895 dans l’Empire russe, elle choisit Paris en 1924 et se lie immédiatement d’amitié avec Auguste Perret, Marc Chagall, Georges Bouche. Si ces trois-là redéfinissent la modernité dans l’architecture et la peinture, Katia Granoff est celle qui façonne le métier de marchand d’art au xxe siècle. Son «œil» ne la trompe jamais, sachant reconnaître les artistes qui deviendront les futurs maîtres: Chagall, Foujita, Friesz, Bouche, Laprade, Mané-Katz… À cette génération d’artistes de l’École de Paris succèdent les expressionnistes (Georges Rouault, Jean Couty) et les postimpressionnistes. Femme de passion et d’engagement, elle voue sa vie aux artistes et à la poésie (autrice d’une Anthologie de la poésie russe qui fait toujours référence).
Après la guerre, elle continue de défendre les artistes vivants, faisant la part belle aux femmes (Chana Orloff, Fahrelnissa Zeid, Louise Hervieu, Jacqueline Marval…) et à contre-courant impose des artistes oubliés comme Amédée Ozenfant dont elle publie les Mémoires. L’histoire de l’art lui doit la redécouverte des Nymphéas de Claude Monet, alors raillés ou oubliés par la critique et le public. À la fin des années 1950, elle est la seule à comprendre la modernité prémonitoire de cette œuvre ultime qui influencera profondément les jeunes expressionnistes abstraits américains. Si aujourd’hui, on s’extasie devant leur beauté, il faut saluer l’action de Katia Granoff qui vendit au MoMA ces chefs-d’œuvre dont personne ne voulait. Poétesse, femme de lettres, traductrice, mécène et donatrice, Katia Granoff a dédié sa vie à l’Art et à la Beauté. Passeuse, elle a transmis à son neveu Pierre puis à ses petits-neveux Pierre et Marc Larock sa foi en l’Art comme outil humaniste. Aujourd’hui, Édouard et Gabrielle, quatrième génération, prennent le relai aux côtés de Marc Larock dans la défense des artistes historiques et contemporains. Pour son centenaire, la galerie Larock-Granoff publie un ouvrage rétrospectif de cette épopée tant artistique que familiale.

 

Fahrelnissa Zeid et Katia Granoff, 1975 © D.R.

Marc, Édouard et Gabrielle Larock lors de l’exposition de Roland Toupet, en 2024. © Isabela Mayer

Larock-Granoff, Histoire d’une galerie de Clotilde Scordia, avant-propos d’Édouard Larock, préface de Marc Larock, éd. Mare & Martin, 288 p. © Sophie Labruyère

Maurice Savin, Nu, vers 1950-60 © Sophie Labruyère

Pierre Hodé, Nature morte, 1923 © Sophie Labruyère

Édouard Vuillard, Le Télégramme, 1935 © Sophie Labruyère

Georges Braque, Tranche de potiron, 1944 © Sophie Labruyère

 

Maurice Savin, Nu, vers 1950-60 © Sophie Labruyère...

Marchande de tableaux, pionnière et visionnaire, son nom fut, après sa mort en 1989, injustement oublié. Née en 1895 dans l’Empire russe, elle choisit Paris en 1924 et se lie immédiatement d’amitié avec Auguste Perret, Marc Chagall, Georges Bouche. Si ces trois-là redéfinissent la modernité dans l’architecture et la peinture, Katia Granoff est celle qui façonne le métier de marchand d’art au xxe siècle. Son «œil» ne la trompe jamais, sachant reconnaître les artistes qui deviendront les futurs maîtres: Chagall, Foujita, Friesz, Bouche, Laprade, Mané-Katz… À cette génération d’artistes de l’École de Paris succèdent les expressionnistes (Georges Rouault, Jean Couty) et les postimpressionnistes. Femme de passion et d’engagement, elle voue sa vie aux artistes et à la poésie (autrice d’une Anthologie de la poésie russe qui fait toujours référence). Après la guerre, elle continue de défendre les artistes vivants, faisant la part belle aux femmes (Chana Orloff, Fahrelnissa Zeid, Louise Hervieu, Jacqueline Marval…) et à contre-courant impose des artistes oubliés comme Amédée Ozenfant dont elle publie les Mémoires. L’histoire de l’art lui doit la redécouverte des Nymphéas de Claude Monet, alors raillés ou oubliés par la critique et le public. À la fin des années 1950, elle est la seule à comprendre la modernité prémonitoire de cette œuvre ultime qui influencera profondément les jeunes expressionnistes abstraits américains. Si aujourd’hui, on s’extasie devant leur beauté, il faut saluer l’action de Katia Granoff qui vendit au MoMA ces chefs-d’œuvre dont personne ne voulait. Poétesse, femme de lettres, traductrice, mécène et donatrice, Katia…

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