Deux Grands d’Espagne, dont un athée en Mongolie

L’Espagne nous gâte en cette rentrée littéraire : deux de ses meilleurs écrivains, Javier Cercas et Antonio Muñoz Molina, livrent des récits radicalement différents et exquis. Le Fou de Dieu au bout du monde, de Cercas, n’est pas à proprement parler un roman. C’est la vie de l’écrivain, aujourd’hui âgé de 63 ans, qui est devenue un roman lorsque, en 2023, le Vatican l’a approché pour accompagner le pape François en Mongolie et écrire un livre sur cette visite à la périphérie de la chrétienté. Banco, répondit l’auteur des Soldats de Salamine, qui, précisons-le, se dit athée – ce dont il fait l’aveu d’emblée : « Je suis écrivain parce que j’ai perdu la foi. » Cercas accepta cependant à une condition : avoir un tête-à-tête avec le pape afin de lui demander si sa mère connaîtrait la résurrection après sa mort et retrouverait son défunt mari. Cette question, qui relève de la « foi du charbonnier », tient le lecteur en haleine jusqu’au bout, même s’il ne faut pas surestimer la capacité de François à surprendre les lecteurs, croyants ou non… Voilà donc Javier Cercas dans les couloirs du Vatican, s’entretenant avec la crème du haut clergé réformiste ; le voilà ensuite dans l’avion papal, en « écrivain embarqué », puis à Oulan-­Bator pour trois journées saturées d’événements. Cercas passe avec brio et humour du récit aux « choses vues », du traité de philosophie ou de théologie aux enjeux géopolitiques, brossant un portrait contrasté de François, qui garde ses zones d’ombre, « comme si à mesure que je m’approchais de lui…