En France, 85 % de la population ne va pas au théâtre. Implantée à Sevran, en Seine-Saint-Denis, La Poudrerie tente d’y remédier en montant des spectacles joués à domicile. La compagnie, qui compte plus de 800 représentations à son actif, recrée ainsi du lien social entre les différentes communautés de la ville, qui se côtoient souvent sans se rencontrer.
Située à 18 kilomètres au nord-est de Paris, Sevran est une ville de 50 000 habitants aux identités multiples. Ce village a connu un développement spectaculaire dans les années 1960, où lotissements et tours HLM se sont multipliés. Ébranlé par la désindustrialisation, Sevran a depuis vu une partie de sa population touchée de plein fouet par le chômage. La ville tente aujourd’hui de reconvertir ses friches industrielles en espaces de vie, et d’implanter de nouvelles zones d’activités et des espaces verts.
Charline Fortin, du Théâtre de la Poudrerie, et la comédienne Caroline Maydat arrivent chez Isabelle Vidal, qui a déjà accueilli plusieurs spectacles chez elle. Ce jour-là, on joue Ne vois-tu rien venir?, une pièce écrite par Souâd Belhaddad à partir de témoignages de femmes dont les fils se radicalisent, mise en scène par Christophe Moyer.
Le principe du théâtre à domicile repose sur une hyperproximité entre le public et les artistes. Parfois, les pièces se jouent à moins d’un mètre du premier rang, lorsque les comédiens ne se déplacent pas carrément entre les rangées de spectateurs.
La comédienne Marik Renner se prépare avant son entrée en scène chez Karin Gambotti, une habitante de Sevran.
andrine Feliho et les siens s’activent en cuisine au 3e étage d’un immeuble de Pont-Blanc, un quartier du nord de Sevran. Dans moins d’une heure, ils reçoivent Au_tour de, une pièce mise en scène par Valérie Suner sur le traumatisme des migrants, inspirée de l’expérience de Charles Di, psychologue clinicien.
« J’ai vu plusieurs spectacles du Théâtre de la Poudrerie et c’est ça qui m’a donné envie d’en voir un à la maison. Ce que j’aime dans le théâtre à domi- cile, c’est la convivialité, le partage et le fait de voir autre chose. »
Hadifa, habitante de Pont-Blanc
Marik Renner interprète Une belle inconnue, de Nicolas Kerszenbaum. Un conte de fées moderne, librement inspiré de témoignages d’habitants et du voyage de Jason et des Argonautes.
Aux côtés de Valérie Suner, la directrice de La Poudrerie, Charles Di s’est trouvé un coin d’intimité dans l’appartement pour répéter son texte. Il a accepté de livrer son témoignage, nourri d’expériences sur le traumatisme psychique vécu par les migrants.
Charles Di interprète devant une audience familiale un monologue poignant. Le psychologue s’est laissé convaincre par Valérie Suner d’incarner sur scène son propre personnage: un médecin au contact du réel. Avec conviction, il plonge son auditoire au cœur de la traversée d’un migrant qui, au péril de sa vie, franchit les frontières et découvre la cruauté humaine.
« L’objectif est de montrer
aux gens que finalement ils ont
beaucoup de points communs.
On se bat pour faire tomber
les préjugés. »
Valérie Suner, directrice du Théâtre de La Poudrerie
Chez Sandrine, à Pont-Blanc, Charles (à droite) vient d’achever son monologue. Verre en main, il échange sur le balcon avec les invités du jour. Favoriser les rencontres dans le cadre convivial d’une représentation à domicile, c’est la marque de fabrique du Théâtre de la Poudrerie.
La Compagnie du Veilleur joue Un pays dans le ciel, de Aiat Fayez, chez Marie-George Cabsoit, à Sevran. Une vingtaine de personnes assistent à la représentation qui se déroule dans la pièce à manger.
Lesly et Betie Doralus, avec leurs enfants Valérie et Lesly Jr chez eux, à Tremblay-en-France (93). Lui est chauffeur de taxi, elle aide-soignante à Paris. Cette famille franco-haïtienne tenait à organiser une représentation à domicile, même à distance. Avec la pandémie de covid-19, le Théâtre de la Poudrerie a mis en place des spectacles via Zoom pour ne pas rompre le lien. Ce soir-là, on joue Le Verger, de Mohamed Rouabhi et Patrick Pineau. Les comédiens Louise Legendre et Lounès Tazaïrt sont présents au moment des échanges sur Zoom. Une vingtaine de personnes, originaires de tout le 93, sont réunies via l’application. La plupart se rencontrent pour la première fois.
Brigitte Buhannic est interviewée chez elle par le GdRa. Cette compagnie de théâtre, à la croisée des disciplines de la scène et de la recherche universitaire, prépare un nouveau spectacle, VIVES, une version féminine de Sevran, basée sur les récits de vie de douze Sevranaises. L’idée originale de VIVES s’inspire du Musée de la Personne, pro- cessus de collecte de parole, né de l’initiative d’anthropologues, d’artistes et d’historiens à São Paulo, au Brésil.
Au_tour de vient de se terminer. Sandrine et ses invités partagent ce moment particulier d’art vivant et de convivialité, et applaudissent Charles Di dans la pièce-témoignage mise en scène par Valérie Suner.
« En ce moment, on parle beaucoup du réchauffement climatique. Mais il y a surtout un refroidissement relationnel entre les êtres humains. »
Charles, habitant de Pont-Blanc
Chloé Bonjean, du Théâtre de la Poudrerie, discute avec Hafida Siba, de la boulangerie de Rougemont. Au fil des années, le Théâtre de la Poudrerie a tissé de nombreux liens, fruit de son travail sur le terrain. Il a gagné la confiance des habitants des quartiers et parvient à créer des ponts là où ils font défaut.
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En France, 85 % de la population ne va pas au théâtre. Implantée à Sevran, en Seine-Saint-Denis, La Poudrerie tente d’y remédier en montant des spectacles joués à domicile. La compagnie, qui compte plus de 800 représentations à son actif, recrée ainsi du lien social entre les différentes communautés de la ville, qui se côtoient souvent sans se rencontrer. Située à 18 kilomètres au nord-est de Paris, Sevran est une ville de 50 000 habitants aux identités multiples. Ce village a connu un développement spectaculaire dans les années 1960, où lotissements et tours HLM se sont multipliés. Ébranlé par la désindustrialisation, Sevran a depuis vu une partie de sa population touchée de plein fouet par le chômage. La ville tente aujourd’hui de reconvertir ses friches industrielles en espaces de vie, et d’implanter de nouvelles zones d’activités et des espaces verts. Charline Fortin, du Théâtre de la Poudrerie, et la comédienne Caroline Maydat arrivent chez Isabelle Vidal, qui a déjà accueilli plusieurs spectacles chez elle. Ce jour-là, on joue Ne vois-tu rien venir?, une pièce écrite par Souâd Belhaddad à partir de témoignages de femmes dont les fils se radicalisent, mise en scène par Christophe Moyer. Le principe du théâtre à domicile repose sur une hyperproximité entre le public et les artistes. Parfois, les pièces se jouent à moins d’un mètre du premier rang, lorsque les comédiens ne se déplacent pas carrément entre les rangées de spectateurs. La comédienne Marik Renner se prépare avant son entrée en scène chez Karin Gambotti,…
