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Michaël Darmon
Y a-t-il une vie politique loin du parlement pour le leader de La France Insoumise ?
C’est un voyage inattendu auquel invite le magistère de Jean-Luc Mélenchon au sommet de la gauche française, en cette troisième décennie du XXIe siècle : pour saisir le tribun des hologrammes, dépasser la perception hâtive d’un chef politique rompu à l’art rhétorique et au maniement du paradoxe, il est tentant de retourner vingt-six siècles plus tôt, au temps de Périclès. Le stratège athénien (495-429 avant J.-C) est entré dans l’histoire comme le symbole du miracle grec, le garant de la grandeur d’Athènes et l’ami des penseurs de son temps. Vilipendé par les uns, magnifié par les autres, il serait aujourd’hui qualifié de clivant. À l’instar de notre Insoumis gaulois, les historiens débattent encore du vrai visage de Périclès : était-il un autocrate étroit ou un « pantin entre les mains du peuple », selon la formule de Roger-Pol Droit ? Sur cette interrogation, l’enquête de l’historien Vincent Azoulay jette une lumière crue : Périclès symbolise la « démocratie radicale » athénienne. Le terme, de prime abord, fait sursauter. La radicalité irrigue la société française. Étymologiquement, la radicalité, c’est le retour à la racine des choses. La démocratie radicale de Périclès revient à la racine du processus de prise de décisions : le collectif. Elle montre à quel point la démocratie originelle est en contradiction avec l’idée de grand homme. Et c’est à ce moment de notre voyage que le parallèle Mélenchon-Périclès pose question : et si la victoire du cartel électoral de la Nupes était en fait l’amorce du déclin du leader maximo, l’homme de cette nouvelle union de la gauche, tant souhaitée par le collectif des électeurs, et captée par un seul homme ? Aux demandes de délibérations, Jean-Luc Mélenchon répond par des injonctions : « La police tue ! », « Bientôt les urnes ! » Des mots d’ordre, lancés sur les réseaux sociaux ou sur les plateaux, repris sans débattre et sans broncher – hormis le communiste Fabien Roussel –, par les hoplites de la Nupes. Pourtant, son absence de l’Assemblée pourrait permettre à la Nupes, forte de son score aux législatives et son poids dans l’hémicycle, de s’affranchir de la tutelle de JLM. Ce sont les députés LFI qui se griment en intermittents du spectacle pour parodier le mariage entre Macron et Le Pen, place du Palais Bourbon.
Jean-Luc Mélenchon s’est exclu lui-même de l’arène des combats en ne se présentant pas aux élections, sous le stupéfiant prétexte qu’il est assez connu pour être légitime.
C’est Mathilde Panot qui suscite la polémique à la tribune en parlant d’Élisabeth Borne comme d’une « rescapée », après qu’elle eut évoqué la tragédie de son père revenu d’Auschwitz. Jean-Luc Mélenchon s’est exclu lui-même de l’arène des combats en ne se présentant pas aux élections, sous le stupéfiant prétexte qu’il est assez connu pour être légitime. « Ma personne est sacrée ! La République, c’est moi ! » Ce jour-là, le personnage s’est révélé. L’Insoumis en chef est celui dont les paroles s’envolent, seuls ses cris restent. « Français ! Contre Macron, élisez-moi à Matignon ! » Un contresens qui fait sens : le coup de marketing électoral est bien joué. Du génie politique sans conteste. Le troisième homme de la présidentielle a imposé un face-à-face avec le vainqueur, éclipsant la finaliste Le Pen. Dans la campagne des législatives chacun avait choisi son camp : Le Pen a ratissé, Macron est resté atone, Mélenchon a tonné.
Michaël Darmon
Ancien chef du service politique d’Europe 1 et présentateur de l’émission politique Le Grand rendez-vous, Michaël Darmon est aujourd’hui éditorialiste pour la chaîne I24 news et BFM TV et intervenant régulier sur RTL dans l’émission On refait le monde. Il est l’auteur d’une dizaine d’essais politiques, dont Les Secrets d’un règne (Archipel, 2021).
Et maintenant ? Difficile d’imaginer le leader charismatique suivre sagement les débats parlementaires depuis le balcon des visiteurs ou se contentant des informations transmises via le comité Théodule de coordination de la Nupes. On peut faire confiance à sa créativité politique pour susciter l’attention et attirer les projecteurs sur lui à mesure que la Nupes poursuivra la guérilla parlementaire. Néanmoins, la réussite de l’alliance à gauche pourrait faire de l’ombre à Jean-Luc Mélenchon, qui aime le collectif tant qu’il se fait autour de sa personne. Au moment de la création de la Nupes, JLM a été à son apogée. C’est aussi une leçon que l’on rapporte du voyage dans le siècle de Périclès : l’apogée est l’étape ultime avant le déclin....
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