Télémaque, le peintre des couleurs
Aujourd’hui, il est célébré à Paris comme à New York, lui qui a connu la dictature haïtienne et le racisme aux États-Unis. Pour Bastille Magazine, le peintre Hervé Télémaque, 84 ans, revient sur son parcours, aussi tortueux que lumineux.
Surmonter l’épreuve. Ne pas renoncer à créer. Tenir le pinceau de la main gauche depuis que son corps a été foudroyé par un AVC, en 2006, le côté droit paralysé. Si la cadence a ralenti, tous le disent et le répètent, les collectionneurs comme les commissaires d’exposition et les historiens de l’art : même diminué physiquement, Hervé Télémaque peint encore des toiles décisives. Et de citer Al l’en Guinée, une fresque achevée en 2018, qui ne fait pas moins de dix mètres de long. C’est dire la force du bonhomme.
En six décennies, l’artiste a touché à la peinture, à la sculpture, au collage, au dessin… Il a traversé des mouvements comme le surréalisme et le pop art, se nourrissant encore et toujours de son métissage un peu haïtien, un peu américain, un peu français. Lorsqu’il nous reçoit chez lui, dans sa maison-atelier de la banlieue sud de Paris, l’artiste de 84 ans nous confie être noyé dans la paperasse depuis que les grands musées internationaux s’intéressent à lui. La Serpentine Gallery, à Londres, vient de présenter ses œuvres pour la première fois au Royaume-Uni. Deux expos sont en cours de préparation aux États-Unis. Quand il parle, Télémaque choisit ses mots avec discernement, se montre aussi sérieux que goguenard, aussi méditatif que lyrique. Il est féru de poésie, son côté haïtien. C’est cette facette caribéenne qui est célébrée ces dernières années. On peut le comprendre : les artistes de couleur sont dans la lumière. Basquiat bat des records en salles de ventes (90 millions d’euros pour une toile, en 2017 !). Kerry James Marshall est une star. Kehinde Wiley, l’auteur du portrait officiel de Barack Obama, aussi. À la Biennale de Venise 2022, deux Lions d’or ont été décernés à des femmes noires pour la première fois. « Cette reconnaissance, Télémaque l’a pressentie avant tout le monde, dit Henri Griffon, grand collectionneur de l’artiste et auteur d’une excellente monographie. Il a rendu hommage à Hector Hyppolite dès 1963, un peintre haïtien très important, mais aussi à Jacob Lawrence, premier peintre afro-américain célébré de son vivant. »
En France, l’artiste est de toutes les expos sur Haïti et la négritude. En 2011, il était invité au Louvre par l’écrivain Jean-Marie Gustave Le Clézio (Prix Nobel 2008). Au début de l’année, il était convié au Palais de Tokyo par le pionnier du graffiti hexagonal Jay Ramier. En ce moment, il parraine une expo à la Maison de l’Amérique latine sur les Marrons, du nom de ces esclaves évadés ayant formé des communautés en Amérique du Sud.
À 20 ans, il quitte Haïti pour l’Amérique ségrégationniste. C’est le début de trois années de formation, de découvertes et de galères.
Ses racines caribéennes, il ne s’en est jamais détaché. À la fois descendant d’esclave et d’origine européenne, il est né en 1937 dans une famille de la grande bourgeoisie de Port-au-Prince. Le père est médecin, l’oncle poète, la tante pianiste. « Il a été bercé par les dieux, dit Griffon. Il vivait dans un vrai confort. Et il a bien connu Cuba avant la révolution. » Très jeune, il se passionne pour les arts : « Je suis né dans le cubisme. Les premiers livres que j’ai achetés, c’était Picasso, Braque, Juan Gris. Je regardais la peinture autant que je lisais la poésie de Rimbaud et de Saint-John Perse », se souvient l’artiste. La négritude, il connaît par cœur. Son grand-père Raphaël Brouard a fondé les revues indigénistes La Revue Indigène et Les Griots. Son oncle Carl Brouard est l’un des premiers poètes de la négritude. La poésie est souvent l’illustration des analyses de Télémaque. Quand on l’interroge sur les conséquences de l’hémiplégie sur sa créativité, il faut l’entendre évoquer la richesse de sa vie intérieure et tous les tableaux qu’il peint dans sa tête. Mais les artistes à la peau noire n’ont pas toujours été traités ainsi. Il en sait quelque chose. En 1957, après l’élection de François Duvalier, qui va installer une terrible dictature, il quitte Haïti pour l’Amérique ségrégationniste. Il a 20 ans. C’est le début de trois années de formation, de découvertes et de galères.
Pour un jeune peintre, quoi de mieux que New York ? Depuis 1945, la ville est la nouvelle capitale de la création. L’expressionnisme abstrait règne en maître. Willem de Kooning, Jackson Pollock, Arshile Gorky sont les hérauts de ce mouvement. Ils sont copiés par leurs pairs et imités par les plus jeunes. Télémaque s’inscrit à l’Art Students League, une école d’art qui dispense une formation en atelier sous la conduite de peintres, de sculpteurs, de céramistes, etc. Ses anciens élèves comptent parmi les artistes les plus novateurs : Man Ray, Louise Bourgeois, Jackson Pollock, Roy Lichtenstein ou encore Mark Rothko. Le jeune homme étudie avec le peintre Julian Levi. Celui-ci racontait que son élève ne parlait pas un mot d’anglais et qu’il avait atterri dans son atelier parce que lui baragouinait quelques mots de français. Le mentor avait tout pour lui plaire : francophile, passé du cubisme au réalisme, curieux du surréalisme, passionné de la mer.
Tous les matins, Télémaque étudie le dessin et la peinture dans son atelier. L’après-midi, il se rend dans les musées et les galeries, dont la plupart sont pleines d’art abstrait. Il découvre Giacometti chez Pierre Matisse, le fils d’Henri Matisse. Il se familiarise avec les précurseurs du pop art chez Leo Castelli, ce nouveau mouvement né en réaction à l’abstraction, qui dépeint la vie quotidienne et puise dans les comics, la publicité, la photo, etc. Il côtoie des peintres et des poètes. Il va dans les boîtes de jazz et au cinéma plusieurs fois par semaine.
Mais ce fils de bourgeois haïtien joint difficilement les deux bouts. À l’école d’art, il décroche une bourse pour l’année 1958. Le quotidien est douloureux : « Dans Brown Paper Bag, qui représente un sac en papier, il revient sur cette époque où il gardait les mêmes sacs à provisions en papier kraft parce qu’il n’avait pas les moyens de les jeter, même s’ils étaient graisseux, rappelle Griffon. C’est incroyable qu’il ait attendu 2010 pour peindre cette toile. »
La ségrégation raciale bat son plein. Elle est de mise dans les bus, les restaurants, les théâtres… Télémaque vit d’abord dans une chambre d’hôtel à Manhattan, puis dans un quartier noir de Brooklyn et à Hoboken, de l’autre côté de la Hudson River, dans le New Jersey, où s’entasse la communauté portoricaine. La condition afro-américaine, il l’a découverte en arrivant à l’aéroport de Miami : devant les files d’attente réservées aux Blancs, il a compris qu’il n’était pas du « bon » côté. Il revoit encore le directeur de la fameuse galerie Tibor de Nagy lui dire qu’il ne saurait y avoir d’artiste noir.
Tout cela, il le condense dans son tableau Toussaint Louverture à New York : voilà le célèbre esclave affranchi devenu chef noir de la révolution haïtienne en 1793 lors d’un séjour imaginaire à New York. Figures mystérieuses esquissées sur fond sombre, lettrages, masque africain… Certains y voient du Basquiat avant l’heure. « Le lien entre les deux n’est pas incongru, commente Griffon. On pense aussi à Basquiat devant My Darling Clementine, cet autoportrait en “nègre mi-cow-boy, mi-flibustier” comme dit Télémaque, avec des pubs collées à même la toile qui vantent un produit lissant les cheveux crépus. Ils ont senti dans leur chair l’expérience du racisme. » Autre point commun : il est Haïtien, Basquiat, fils d’Haïtien. Mais ce dernier a été vite adopté par le New York des années 1980 alors qu’il n’y avait pas de place pour Télémaque dans les années 1950.
D’autres ont connu ce même sort : « Hormis les peintres afro-américains et afro-caribéens, il y a eu beaucoup d’artistes femmes venues du Brésil, du Venezuela ou d’Argentine marginalisées à New York, explique la curatrice Yasmil Raymond, qui a fait entrer Télémaque au MoMA en 2018. Aujourd’hui, on commence à tous les inclure dans la collection du musée pour mieux raconter l’histoire de la modernité. » Pour elle, le peintre s’inscrit dans une mouvance plus large que caribéenne : « C’est un artiste du Grand Sud. Toute une génération d’artistes d’Amérique latine a utilisé la satire et l’ironie pour critiquer l’impérialisme, la violence, l’indignité. Ils savaient de quoi ils parlaient, car d’où ils venaient, la démocratie avait échoué. »
En 1961, Télémaque s’installe à Paris. « Hervé a fui les États-Unis à cause du racisme, martèle son vieux copain artiste Jean-Jacques Lebel. Il n’y était pas considéré comme un peintre. À cette époque, beaucoup d’Afro-Américains sont venus vivre en France. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y avait pas de racisme ici. Il y en avait, mais pas du même ordre. À Paris, Noirs et Blancs pouvaient se fréquenter sans se faire casser la figure. »
En France, c’est la guerre d’Algérie. La Ve République est tenue d’une main de fer par De Gaulle. C’est aussi le début de la Nouvelle Vague, de Hara-Kiri... À Paris, Télémaque loge rue du Faubourg-Saint-Denis, quartier populaire et haut lieu de la prostitution. Grâce à son ami Jacques Gabriel, peintre haïtien, il rencontre des peintres et des poètes. Il participe au Salon latino-américain de Paris. Le peintre Jan Voss le rencontre à ce moment-là : « Il était assez traumatisé. Au début, il était un peu méfiant avec nous. Une fois, il m’a dit qu’à New York, la peinture était réservée aux Blancs et le jazz, aux Noirs. » Lebel sympathise avec lui : « Il parlait de l’expérience américaine tout le temps. Nous étions tous deux très antiracistes et avions la rage contre la publicité “Y’a bon Banania”. C’était la grande époque de Frantz Fanon. Nous lui devons beaucoup, pas seulement au Fanon anticolonialiste, mais au poète et à l’antipsychiatre. » Télémaque collabore à la revue surréaliste Phases et à la revue KWY, créée par le couple de peintres portugais René Bertholo et Lourdes Castro. Il croise des artistes réfugiés de pays sous l’emprise de dictateurs. Il se lie avec Bernard Rancillac, futur compagnon de route. Il suscite la curiosité de ses pairs : « Hervé avait une histoire différente, se souvient Voss. Il était originaire de Haïti, arrivait de New York, s’intéressait au surréalisme, avait connu les débuts du pop art. On le voyait dans sa peinture. Son travail était déjà très impressionnant. »
Ses points de repère ? Rive gauche, il y a la galerie Mathias Fels, qui défend ces jeunes artistes. La galerie Iris Clert, qui expose les Nouveaux Réalistes. La galerie Ileana Sonnabend, qui montre les artistes du pop américain défendus par Leo Castelli, à New York. Rive droite, Daniel Cordier, l’ancien résistant, expose aussi bien Dubuffet que Hans Bellmer. Le peintre fréquente surtout les surréalistes. Sa face caribéenne ne pouvait que les séduire : « Haïti occupe une place essentielle dans l’imaginaire surréaliste, explique Lebel, proche d’André Breton. Un poète comme Clément Magloire-Saint-Aude nous a beaucoup marqués. Un peintre comme Hector Hippolyte, que Breton avait rencontré à Haïti, a exercé une grande influence sur nous tous. » Télémaque en rit : « Les Haïtiens sont naturellement surréalistes. » « Hervé assistait aux réunions surréalistes mais parlait peu, se souvient Lebel. Il se présentait comme peintre surréaliste d’origine haïtienne, et non pas peintre haïtien. La nuance est très importante. » Julian Levi se souvient que son ancien élève lui avait expliqué que les Français étaient certes plus tolérants, mais qu’ils avaient un côté colonialiste, infantilisant les Noirs et considérant la peinture haïtienne comme forcément naïve. André Breton, le pape du surréalisme, l’apprécie : dans une réponse à une enquête pour le journal Arts, il le cite même parmi « les plus authentiques créateurs de ces vingt dernières années ». Et il l’invite à participer à l’Exposition internationale du surréalisme, qui se tient à la galerie de l’Œil, en 1965. « Aujourd’hui, il n’y a pas une expo sur les surréalistes qui ne se termine par L’Éclaireur ou La Vénus hottentote, sourit Griffon. Ce sont des chefs-d’œuvre ! »
Surréalisme ou pop art ? Il puise dans l’esprit ludique du premier et reprend la technique du second. Le pop, il en a vu les prémices à New York. À Paris, il en voit à nouveau chez Ileana Sonnabend. Lui et ses camarades sont d’autant plus intéressés par ce nouveau mouvement qu’ils exècrent l’art abstrait dominant. Avec le peintre Bernard Rancillac et le critique d’art Gérald Gassiot-Talabot, il réunit 34 jeunes peintres et organise l’exposition « Mythologies quotidiennes », au Musée d’art moderne de la Ville de Paris, en 1964. « Hervé était un stratège, se souvient Voss. Avec Rancillac, ils ont ratissé large. L’idée était de se grouper pour montrer ce que faisait notre génération. C’est pour ça qu’il y avait des artistes aussi différents que Télémaque et Niki de Saint-Phalle. »
Cette jeune génération, le galeriste Mathias Fels la nomme Nouvelle figuration, Gassiot-Talabot, Figuration narrative. C’est ce dernier terme qui l’a emporté. Est-ce un mouvement ou un groupement ? Un pop art à la française ou son antithèse ? L’affaire divise encore les historiens. Pour les artistes, le débat est tranché : « Les abstraits tenaient le haut du pavé. Nous, on voulait faire des images, explique le peintre Gérard Guyomard. On nous a collé cette étiquette Figuration narrative. Mais on n’avait pas de manifeste. » Voss enfonce le clou : « C’est un moment plus ou moins cohérent. C’était bien pour mettre en avant une nouvelle génération. Je ne voudrais plus exposer sous ce terme. »
Certains sont très engagés politiquement. Rancillac, par exemple, détourne les codes du pop art pour brocarder la guerre du Vietnam ou les dictatures sud-américaines. « Chez Télémaque, il n’y a pas vraiment d’engagement, note Griffon. Mais il parle de politique quand il le faut. One of the 36 000 Marines over our Antilles a été peint à la suite de l’invasion de la République dominicaine par les États-Unis, en 1965. Ce tableau est un choc visuel. Cela, il le fait une fois, pas dix. Même chose quand il s’attaque à l’apartheid. » Très vite, ce sont les objets du quotidien qui envahissent ses toiles. « J’ai tendance à déterrer un sens latent d’un objet ridicule », souligne Télémaque. Gaines, cannes, slips, tentes de camping, fromages de Hollande… « L’idée est de leur donner une fraîcheur inattendue. » Il ne les choisit pas au hasard : les objets sont une autre façon de se raconter. Voyez les chaussures de tennis : « C’est un clin d’œil au pop américain, mais pas seulement. À Haïti, mon grand-père vivait dans une grande maison coloniale, où j’ai passé une partie de mon enfance. Il me racontait qu’une fois, un voleur était passé par le balcon de sa chambre et avait aux pieds des chaussures de tennis blanches… »
Le style Télémaque, c’est des couleurs vibrantes, des formats parfois très grands, et une manière déroutante de juxtaposer plusieurs images. Petit célibataire un peu nègre et assez joyeux, par exemple, superpose un personnage à peau noire avec des slips kangourou. Un jeu d’échelles surprenant et une disposition tout aussi inattendue pour tourner en dérision les stéréotypes racistes. Dans Le poète rêve sa mort n°2, une énorme chaussure de tennis blanche trône au milieu d’un paysage de sport d’hiver, entre un téléphérique et des transats. Cela donne un côté crypté à ses toiles. « C’est ce qui les rend si passionnantes à regarder, sourit la curatrice Yasmil Raymond. Selon d’où vous venez, vous pouvez lire un sens différent. » Le plus frappant, c’est que l’artiste se renouvelle complètement tous les deux ou trois ans. Après les périodes surréaliste et pop, il arrête la peinture pour produire des sculptures, puis se remet à peindre, fait des collages, s’essaie à la fresque murale, renoue avec le dessin et, de retour d’un voyage à Haïti, expérimente avec le marc de café. « On m’a toujours reproché de ne pas me répéter. C’est que je m’ennuie vite », confie-t-il. Sa vie ne cesse de guider son œuvre : « Quand j’ai commencé à travailler avec Télémaque au début des années 1990, il était en train de perdre sa mère, qui était restée à Haïti et avait été amputée d’une jambe, se souvient Patrick Bongers, directeur de la galerie Louis Carré & Cie, marchand du peintre de 1994 à 2015. Il a fait une série de grands fusains, incompréhensibles pour le public à l’époque, habitué à ses couleurs éclatantes. Puis il a eu une histoire d’amour avec une femme qu’il a rencontrée en Afrique du Sud. C’est elle qui l’a amené à voyager à travers le continent africain et à entreprendre la série de tableaux Trottoirs d’Afrique. »
Le style Télémaque, c’est des couleurs vibrantes, des formats parfois très grands, et une manière déroutante de juxtaposer plusieurs images.
Ses œuvres aussi voyagent, dans des expos en France et à l’étranger. À Paris, Munich, Venise, Johannesburg, La Havane… Mais les États-Unis restent le passage obligé pour accéder à la reconnaissance internationale. Ce qui est en voie de se concrétiser. D’abord, grâce au MoMA, à New York. En 2018, le célèbre musée a acheté Ugly American. Ce tableau que Télémaque a peint peu de temps après son arrivée à Paris est un coup de griffe à la société américaine. Ici, des têtes grotesques, flanquées de bouches bizarres. Là, des mots tirés d’Alfred Jarry. Dans un coin, les portraits de Toussaint Louverture et de Fidel Castro. Pourquoi cette toile ? « Il faut savoir que le MoMA accroche sa collection par années, explique la curatrice Yasmil Raymond. Je voulais un tableau du début des années 1960 pour qu’on ne prenne pas Télémaque pour un peintre devenu pop sur le tard et qui, une fois accroché sur le mur, montre clairement qu’il était contemporain d’un Warhol. Et puis, les artistes de couleur, qui ne sont ni américains ni européens, ont été longtemps considérés par l’institution comme imitant les artistes mainstream. Cette façon de penser a eu des effets dévastateurs. » Ironie de l’histoire : « Nous l’avons acheté au moment où Trump avait qualifié Haïti de “pays de merde”. Le titre Ugly American était particulièrement approprié. » D’autant plus que l’un des personnages a le visage orange et une mèche blonde… le Donald avant l’heure. « Ce tableau montre en quoi Télémaque est visionnaire. Il l’a peint pendant la guerre du Vietnam. Aujourd’hui, ça pourrait s’intituler Ugly Russian, avec ce qui se passe en Ukraine. »
Autre événement décisif : la Serpentine Gallery, à Londres, vient de présenter une exposition monographique, la première dans un prestigieux musée anglophone. « La préparation avait commencé pendant le confinement, rappelle le peintre. Un travail colossal. Une trentaine de grands formats ont été retenus sur la centaine que j’avais proposée. » Le thème : les racines haïtiennes de l’artiste et son approche du colonialisme. « Télémaque a une façon très personnelle de se connecter au monde extérieur tout en étant quelqu’un d’introspectif, cela rend son travail très frais, s’enflamme Hans Ulrich Obrist, directeur artistique du musée et commissaire de l’exposition. Ce qu’il faisait dans les années 1960 ou 1970, insérer des mots dans sa peinture, les jeunes le font aujourd’hui. Ils ont beaucoup à apprendre de lui. » Cette expo va s’envoler aux États-Unis. Elle sera présentée en novembre à l’Aspen Art Museum, à Aspen, dans le Colorado. Une autre va débuter à l’Institut d’art contemporain de Miami au moment d’Art Basel, grand rendez-vous de l’art contemporain international. Sans quitter sa banlieue parisienne, Télémaque conquiert lentement l’Amérique. ...
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