Sandrine Dirani
Pour le futur de la nation et améliorer la vie de tous, il est urgent de revoir la copie de notre école.
L’éducation est l’avenir du monde : elle joue un rôle crucial dans la formation des futurs citoyens et des dirigeants de demain. Le système éducatif français, reconnu comme l’un des meilleurs au monde il y a encore quelques décennies, est aujourd’hui en perte de vitesse dans tous les classements internationaux. L’école semble souffrir de la maladie du siècle, le zapping ! On saupoudre un peu de tout et on retire des heures d’enseignement dans les matières fondamentales. Et s’il suffisait d’une dose de simplicité et de pragmatisme pour lui permettre de renouer avec le succès d’antan ?
L’avenir de notre école est étroitement lié à celles et ceux qui la portent et à la revalorisation de leur métier. Si la hausse du salaire des enseignants est essentielle, elle ne suffira pas, à elle seule, à endiguer le flux des départs volontaires, ni à combler les postes vacants. Les défis auxquels la profession est confrontée vont bien au-delà de la rémunération. Les enseignants attendent également une reconnaissance à la hauteur de leur engagement, en premier lieu par leur institution de tutelle dont ils attendent un accompagnement exprimé par des mesures concrètes. Au titre de ces actions précises, je citerais notamment :
— la restauration de l’autorité des enseignants auprès des élèves comme de leurs familles pour une communication transparente et apaisée, dans le meilleur intérêt de l’enfant ;
— une formation continue de qualité, en particulier sur les neurosciences et la gestion de la classe, pour mieux comprendre le fonctionnement du cerveau des élèves et adapter leur pédagogie en conséquence. En effet, dans un monde qui va vite, où les écrans et leurs couleurs sursaturées règnent en maître, donner le goût d’apprendre et capter l’attention des élèves n’est pas tâche aisée ;
— le mentorat de terrain entre pairs pour guider les jeunes enseignants dans leur pratique pédagogique et permettre des activités et actions communes entre les classes ;
— un système de rémunération attractif et adapté à la difficulté des postes et de l’environnement.
Par ailleurs, nous voulons tout (que nos enfants apprennent le chinois, à coder, à trier les déchets, à être de bons citoyens…) au risque, parfois, de perdre l’essentiel. Trop de jeunes font leur entrée en 6e sans maîtriser les savoirs fondamentaux. Inacceptable quand on sait que cela conditionne tout le parcours scolaire futur ! L’enseignement en primaire devrait d’abord, sinon exclusivement, se concentrer sur l’acquisition du socle de compétences de base : écrire, lire et compter.
Pour garantir la réussite de chacun, il est primordial de réduire le nombre d’élèves par classe pour que les enseignants puissent consacrer du temps à chaque élève, mettre en place des méthodes pédagogiques adaptées aux différents profils et identifier, dès le plus jeune âge, les difficultés pour éviter qu’elles ne se transforment en blocage puis en décrochage scolaire. Le dédoublement de certaines classes dans les réseaux d’éducation prioritaire a été une mesure efficace. Il faut la développer et la pérenniser.
Les bilans annuels -d’acquisition des compétences devraient être généralisés pour évaluer les notions acquises et celles à consolider. L’objectif est d’éviter que les lacunes ne s’accumulent et de proposer des remises à niveau adaptées aux difficultés de chaque enfant. Pour mettre cette mesure en place, l’État pourrait avoir recours au service civique et proposer des stages de remise à niveau pendant les congés scolaires, ce qui apporterait une réponse à la problématique de la durée des vacances et renforcerait l’égalité des chances.
Par ailleurs, les horaires surchar-gés et les devoirs à la maison laissent trop peu de place aux activités extra-scolaires (sportives et artistiques) qui apprennent à nos enfants à trouver leur place dans le groupe, à gérer leurs émotions et à développer leur créativité. Sans ces temps morts indispensables, le cerveau de nos enfants sature et l’attention en classe devient un véritable défi. De grâce, accordons plus de temps libre à nos enfants pour les laisser jouer, bouger et s’amuser !
Si nous voulons faire de nos jeunes des citoyens éclairés, conscients de la réalité qui les entoure et des défis qu’ils auront à affronter, le collège devrait, quant à lui, être consacré à l’ouverture au monde : langues étrangères, culture générale, arts et littérature, géopolitique, sciences, autant d’univers à explorer par notre jeunesse pour qu’elle puisse développer ses capacités réflexives, son esprit critique, élargir ses horizons…
Au-delà, l’enjeu premier du collège est de permettre à nos enfants de partir à la découverte d’eux-mêmes, de leurs forces, de leurs atouts, de leurs rêves et de leurs aspirations. Dans un monde où la plupart des métiers de demain n’existent pas encore, la connaissance de soi, la faculté d’apprendre à apprendre et l’adaptabilité sont, sans aucun doute, des compétences à acquérir. À ce titre, il serait intéressant, au-delà du parcours académique, de multiplier les expériences auxquelles ils pourraient être confrontés : s’investir dans le monde associatif pour développer l’empathie et favoriser la solidarité, découvrir des métiers avec des professionnels passionnés en encourageant les stages en entreprise… Être curieux de tout, laisser toutes les portes ouvertes et la magie des rencontres opérer pour susciter des vocations. L’objectif est que les élèves puissent, en faisant leur entrée au lycée, choisir leur orientation en conscience et trouver une voie qui leur apportera à la fois épanouissement et réalisation de soi.
Il est grand temps de remplacer l’élitisme, marqueur social qui exclut et oppose, par l’exigence qui, elle, rassemble et offre à chacun la possibilité de se révéler. Si chaque pays a besoin d’une élite, entraîner toujours plus de jeunes vers un baccalauréat qui ne cesse de perdre de sa valeur n’est pas le moyen de la sélectionner. Il est urgent et essentiel de renoncer au nivellement par le bas qui, s’il permet d’obtenir des taux de réussite flatteurs, postule abusivement que nos jeunes ne sont pas capables de s’intéresser aux classiques, de maîtriser les règles de grammaire et d’orthographe qui ont pourtant bercé la scolarité de tant de générations précédentes. Ayons de l’ambition pour notre jeunesse ! Ayons foi en elle ! Elle est capable de tant si on lui en donne les moyens.
Avoir de fortes aspirations pour les générations montantes n’implique pas de renoncer à toute forme de réalisme. Admettre que tout le monde ne peut pas avoir de mention au baccalauréat sans que soit dévalorisé cet examen, qui valide les études secondaires et donne accès à l’enseignement supérieur, relève de l’évidence. Plutôt que de traîner tous ces jeunes à bout de bras vers cet objectif sans destination, aidons-les à trouver une alternative valorisante et valorisée en mettant en place des filières professionnelles et techniques d’excellence.
Ces parcours sont souvent sous--estimés alors qu’ils offrent de nombreuses opportunités de réussite pro-fessionnelle et de satisfaction personnelle. Reconnaître leur importance pour bâtir des sociétés harmonieuses et créer des passerelles entre les apprentissages académiques et le marché du travail devient, plus que jamais, indispensable.
De la même façon, l’équité doit remplacer l’égalité des chances pour tendre la main aux décrocheurs scolaires et aux jeunes issus de milieux défavorisés. L’école de la République ne peut pas laisser certains de ses enfants au bord de la route. Des mesures adaptées, spécifiques, ancrées dans les territoires (comme l’aide aux devoirs, la révision du seuil de bourse pour l’enseignement secondaire, la connaissance du tissu économique local…) peuvent contribuer à réduire les inégalités. Le milieu socioculturel des élèves devient trop souvent le facteur déterminant de leur réussite ou de leur échec scolaire, et donc de leur avenir. Notre système éducatif divise et accentue les différences. Si nous voulons réduire la fracture sociale dans notre pays, l’école doit revenir à sa vocation première : l’émancipation des individus.
La carte scolaire a renforcé avec les années le déterminisme social. Les politiques du logement et de l’éducation sont les deux faces d’une même pièce. Plus de mixité sociale, c’est une école plus riche et plus juste qui permet à chacun de se confronter à l’autre, de le découvrir et de se nourrir de ses différences. Le vivre ensemble ne se fera qu’à cette condition !
Même si les temps sont difficiles et les budgets contraints, augmenter celui de l’éducation, c’est investir dans l’avenir de notre nation tout entière, c’est retrouver une terre d’égalité. Ce n’est que lorsque l’école de la République se montrera à nouveau capable de donner un enseignement de qualité à tous ses enfants, pour leur offrir un avenir à la hauteur de leurs talents et de leurs ambitions, que la France pourra, à nouveau, arborer fièrement sa devise « Liberté, Égalité, Fraternité ». ...
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