Jean-Vincent Bacquart
La disparition, le 8 mars 2014, d’un Boeing de Malaysia Airlines a ouvert les vannes des spéculations les plus hasardeuses.
En matière d’information, il est tentant de mettre en scène le sujet jusqu’à l’excès pour capter l’attention d’un public si sollicité qu’il n’écoute et ne croit plus vraiment. Alors, face à la disparition non élucidée d’un avion en 2014, on comprend pourquoi presse et réseaux sociaux alimentent depuis dix ans la polémique et font de ce mystère un spectacle macabre. Les experts aéronautiques ont beau présenter des hypothèses étayées, il se trouve toujours quelqu’un pour instiller le doute et certains journalistes pour souffler sur les braises des théories complotistes.
8 mars 2014. Le vol MH370 de Malaysia Airlines s’arrache du tarmac de l’aéroport international de Kuala Lumpur pour un trajet de moins de six heures. Direction Pékin. Il est 0h41 heure locale. L’appareil, ses 12 membres d’équipage et ses 227 passagers ne retrouveront jamais la terre ferme…
Vingt minutes après le décollage, le Boeing 777-200ER vole à 35000 pieds au-dessus de la mer de Chine. Arrivé à la limite de l’espace aérien malaisien, le pilote envoie un dernier message avant de basculer sur le contrôle radar vietnamien. Trois minutes plus tard, l’appareil disparaît des écrans. Il en faut quinze de plus pour que les opérateurs prennent conscience de ce qui vient de se passer. Et la confusion de régner toute la nuit. L’avion s’est-il abîmé en mer? A-t-il atterri quelque part? Les premières recherches se portent dans la zone où le signal a été perdu. Rien.
Deux jours après, les autorités malaisiennes font une incroyable déclaration. Leurs radars militaires ont suivi l’avion après sa disparition des écrans civils: il a fait demi-tour, survolé la péninsule malaise et volé jusqu’au détroit de Malacca, limite de portée des antennes militaires… Les recherches se portent à l’ouest.
Quelques jours plus tard, nouveau rebondissement. La société Inmarsat, spécialisée dans la communication satellite, révèle que l’avion a continué d’envoyer un signal jusqu’après 8heures du matin, quelques minutes avant d’être à court de carburant. Les analyses jettent le trouble: après avoir dépassé le détroit de Malacca, l’appareil a viré vers le sud, volé plusieurs heures avant de vraisemblablement se crasher dans l’océan Indien. Depuis, les recherches se sont concentrées là, sans aboutir tant la zone est gigantesque. Et les flots d’avoir porté au fil des ans jusqu’aux côtes réunionnaises, malgaches ou africaines quelques débris qui ont été formellement identifiés comme ceux du MH370.
Aujourd’hui, les familles des victimes sont hantées par une double question: pourquoi et comment un avion finit-il au fond de l’océan à des milliers de kilomètres de sa destination? L’hypothèse la plus évidente veut qu’il ait été piloté jusqu’à sa fin tragique. Le transpondeur, qui permet aux radars civils de localiser l’avion, a été coupé manuellement et les modifications de trajectoire ont été contrôlées. Si on ajoute la simulation sur ordinateur de ce trajet par le pilote quelques jours avant le départ, le faisceau de preuves se concentrerait vers un acte suicidaire… À l’image de celui du pilote de Germanwings qui jettera son avion contre une montagne des Alpes en 2015.
Pourtant, certains, refusant ces hypothèses, ont tenté de voir derrière cette disparition un complot ourdi par la CIA ou le FSB. Une aubaine pour des médias friands de sensationnalisme. D’ailleurs, Netflix et France Télévisions ne s’y sont pas trompés, ils ont produit deux «séries documentaires» où données factuelles et théories les plus saugrenues sont parfois mêlées. Gageons que les recherches de l’épave reprendront bientôt et mettront fin à certains «spectacles» indécents.
Historien et éditeur, Jean-Vincent Bacquart est doctorant à Sorbonne Université.
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