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par Inès Vinciguerra
Les tenants du virilisme admettent aujourd’hui leur volonté de contrôler le corps des femmes et leur capacité reproductrice. La résistance est nécessaire.
«En 2023, rien n’a changé pour les femmes.» Ce propos lapidaire n’émane pas d’une philippine employée par une riche famille qatarie, mais de la responsable de la branche financière d’une multinationale scandinave, une région pourtant réputée être la plus avancée du monde en matière d’égalité hommes-femmes. Au moins n’y enregistrons-nous pas un recul brutal comme aux États-Unis depuis le retour à la Maison blanche de Donald Trump, porté par des hordes d’hommes hurlant «Your body, my choice!» (Ton corps, mon choix), savourant le plaisir oublié d’opprimer leur mère, leurs sœurs, leurs filles et toutes les autres, à commencer par leurs épouses passées, présentes ou futures.
Si un attachement à la foi évangélique a longtemps été invoqué pour justifier l’interdiction de l’avortement, les MAGA (Make America Great Again) admettent volontiers aujourd’hui leur volonté de contrôler le corps des femme et leur capacité reproductrice. Plus surprenant encore, quelques millions d’Américaines hurlent avec les mâles, affirmant leur antiféminisme jusqu’à, pour certaines au moins, demander qu’on prive les femmes du droit de vote!
Quel écho aux propos visionnaires de Simone Veil après la légalisation de l’IVG en France: «N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique, ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis.» Malheureusement, il n’y a pas qu’aux États-Unis que ces droits sont menacés. Au Proche-Orient, en Argentine, ou même chez nos voisins les Italiens, ils sont en danger.
Se pose donc une question pour nous, Français, pour l’instant plutôt (mais pas entièrement) épargnés par cette contre-révolution: comment réagir face à cette tendance internationale à remettre en cause les droits des femme pour lesquels se sont battues des générations de militantes?
Malgré les lois
instituant la parité, le
pouvoir politique reste
essentiellement une
affaire d’hommes.
Déjà, sur nos réseaux sociaux, cette idée délétère se répand à bas bruit, séduisant notamment les populations les plus fragiles comme les jeunes, les précaires ou les déclassés. Le péril est bien réel. Au-delà de ses conséquences immédiates (quoiqu’elles soient tragiques), la montée de l’antiféminisme s’accompagne inéluctablement d’une flambée de l’extrémisme religieux, d’un retour d’un virilisme belliqueux et d’une progression de l’idéologie fasciste, tout ce qu’on peut d’ores et déjà constater aux États-Unis. La prise de conscience par le mouvement féministe d’une nécessaire intersectionnalité des luttes permet de comprendre qu’un pouvoir homophobe, fasciste, ou théocratique n’hésitera pas à opprimer les femmes.
Forte de son histoire et de ses valeurs, la France pourra-t-elle résister à cette déferlante? Rien n’est moins sûr. D’autant que les acquis les plus élémentaires sont relativement récents: les femmes n’ont obtenu le droit de vote qu’il y a moins de quatre-vingts ans, l’indépendance financière depuis soixante ans et le droit à disposer de leur corps depuis moins longtemps encore. Ajoutons que, chez nous, les violences conjugales et les féminicides sont en hausse, que l’égalité salariale n’est toujours qu’un lointain objectif et que, malgré les lois instituant la parité, le pouvoir politique reste essentiellement une affaire d’hommes.
Plus que railler ou condamner les progrès d’idées nauséabondes observables un peu partout dans le monde, il nous appartient de les combattre activement avant qu’elles nous submergent. En ces temps de globalisation, abandonner la lutte pour les droits de la femme partout où ils sont contestés, c’est se résigner à les voir abrogés dans notre pays. Aux armes citoyennes!...
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