David Lynch en pleine conscience

Le génial cinéaste, disparu le 15 janvier, passait avec aisance de la physique à la métaphysique, promouvant la méditation transcendantale pour « pacifier la planète ». Bâtisseur d’univers étranges et merveilleux ou se perdent des intrigues initialement linéaires, David Lynch concevait le cinéma comme un art total, dont l’ambition ultime était d’intégrer tous les autres. Auteur parcimonieux, l’Américain a été pendant plus de trois décennies celui pour lequel se seraient damnés les acteurs et actrices les plus cotés du box-office planétaire. Tourner avec lui était un privilège, une opportunité rare et inestimable. Pour un critique, le rencontrer était un événement, une invitation exaltante. Même s’il était vain d’espérer obtenir de lui un quelconque décryptage de sa filmographie. «Je n’aime pas expliquer mes films», m’avait-il dit dès notre premier entretien. Précisant aussitôt: «Curieusement pourtant, je déteste qu’ils ne soient pas compris.» Notre dernière rencontre est passée par un canal inhabituel. Un curieux coup de téléphone d’une dame se réclamant d’une obscure Académie Védique m’a informé de la venue de Lynch à Paris et offert d’organiser un rendez-vous. De quoi donc le maître unanimement révéré souhaitait-il parler? Il n’avait plus tourné depuis des lustres et ses dernières incursions musicales avaient déçu. Ce n’est pas du tout le sujet, explique la dame. Bien. De quoi s’agit-il alors? «D’un projet plus grand, plus ambitieux, plus noble: pacifier la planète.» Silence poli. «Monsieur Lynch vous expliquera.» Qu’importe. Parcourir Mulholland Drive ou Lost Highway au côté de l’architecte de ces lumineux dédales, la proposition ne se décline pas.…