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Pour en finir avec l’humanité

Par Gabriel Gaultier

Pour sauver la planète, une solution : le suicide collectif. Mais avant, posons-nous la question : est-ce vraiment la planète que nous voulons sauver ?
Et puisqu’on parle d’en finir, commençons par tordre le cou d’une formule hypocrite, celle qui consiste, dès lors que l’on jette son emballage usagé dans le bac de tri ou que l’on prend le train, à prétendre « agir pour la planète », « penser à la planète » ou, allons-y franco, « sauver la planète ». Rien que cela ! Hypocrisie semblable à celle du patron exhortant ses employés à baisser leurs salaires pour sauver l’entreprise, alors qu’il pense essentiellement à sauver ses dividendes. Pourquoi donc faire mine de nous soucier des forêts, des orangs-outans, de la banquise alors que c’est la préservation de notre existence qui nous préoccupe ? La planète, au fond, tout le monde s’en fout et il faut bien admettre qu’elle nous le rend au centuple. Croyons-nous vraiment que la survie d’une colonie de huit milliards de crétins microscopiques et vaniteux la préoccupe, elle qui a connu la dérive des continents, les volcans apocalyptiques, les tornades de souffre, les forêts géantes, le règne puis l’extinction des dinosaures ? Qui sommes-nous à ses yeux, elle que l’impact titanesque d’une météorite grande comme le Texas n’a pas réussi à dévier de sa course ? Tout juste une démangeaison passagère, un psoriasis.

Preuve, s’il en était besoin, de notre égocentrisme démesuré qui réduit les six quintillions de tonnes de la Terre à son mince épiderme de croûte terrestre et à sa fine troposphère alors qu’elle est à 99 % métal en fusion et magma.

Soyons honnête, ce que nous tenons tellement à sauver est en réalité la nostalgie d’une époque pré-industrielle que nous n’avons même pas connue et que l’on peut situer quelque part entre le début du néolithique et le rêve fantasmé d’un retour à la nature exprimé par Jean-Jacques Rousseau en 1762 dans l’Émile. Soit 15 000 ans d’histoire, ce qui, ramené aux quelque 3 milliards d’années d’existence de notre planète est assez mince. Normal, au fond : avant, c’était l’âge de glace jusqu’à Saint-Tropez, le confort spartiate de la grotte Chauvet, les ptérodactyles qui hurlent dans le ciel, l’Inde qui fonce dans l’Asie avec la formation de l’Himalaya et des gros dégâts des eaux en dommages collatéraux. On est bien d’accord qu’on ne regrette rien de cette planète-là. Et après, c’est maintenant et on n’en veut plus.

Revenir à l’Éden, donc. Ce para­dis perdu qui était déjà dans la Bible une référence nostalgique aux toutes premières agricultures situées entre le Tigre et l’Euphrate. Mais rappelons tout de même que ce pacifique jardin des origines tel qu’on le fantasme est né de féroces incendies provoqués par l’homme pour détruire les forêts et faire brutalement place aux cultures nourricières et ce pour son seul profit. C’est d’ailleurs de cette époque que datent les premiers rejets massifs de CO2 que l’on retrouve dans les carottes extraites des glaciers par les scientifiques dont certains n’hésitent pas à faire remonter l’anthropocène à cette période. La planète idéale à laquelle nous aspirons prend ainsi sa source dans un massacre en bonne et due forme de notre écosystème.

Admettons une bonne fois pour toutes que, depuis la nuit des temps, le problème, c’est nous et que pour revenir à l’innocence des jardins, des cours d’eau et des bains de mer de notre enfance, il n’est d’autre solution que la fin radicale de l’humanité. Si l’on veut sauver la planète de notre vivant, il faut se dépêcher de mourir maintenant. Et massivement. Une solution d’ailleurs envisagée dans la Bible avec le Déluge. Mais oublions cette option car en annihilant toute forme de vie terrestre avec la nôtre, elle jette le bébé avec l’eau du bain si l’on peut dire, et rangeons-la pour cette raison dans le tiroir portant l’étiquette « Idées à éviter absolument » juste à côté de l’apocalypse thermonucléaire. Oublions de même les maladies qui ne font que faire traîner les choses en longueur et dont les garanties d’extinction sont finalement assez minces – on l’a vu avec les Grandes Pestes et, plus récemment, avec le covid.

Reste le suicide collectif. Déjà, ce serait une bonne façon de voir si nous sommes vraiment sincères dans notre volonté farouche de « sauver la planète ». Et décidons qu’à midi pile de tel jour, on se brûle la cervelle, on se jette depuis les ponts, on se gave de somnifère, on ouvre le gaz, chacun se débrouillant comme il peut. Que verrait alors un observateur – hypothèse d’école puisqu’il ne resterait personne pour observer – ? Eh bien, en cinq ans, la température sera revenue à la normale.

C’est un bon début. Ensuite, il ne faudra pas plus de vingt ans à la végétation pour rendre nos villes méconnaissables et pour les autoroutes de se couvrir d’arbres. Dans cent ans, faute d’entretien, les immeubles en métal et en verre se seront effondrés bien avant les pierres du Parthénon qui, lui, sera toujours debout. Les singes, les rats, les corbeaux et les poulpes, espèces les plus intelligentes, auront colonisé les villes et les mers, rivalisant d’ingéniosité pour construire des cabanes dans les arbres, squatter les buildings et apprendre la vie au grand jour sans ce prédateur universel qu’était l’homme.

Mais pas question d’évolution avant deux ou trois millions d’années. Autant dire que les livres dans les bibliothèques seront tombés en poussière bien avant de trouver des nouveaux lecteurs et que les automobiles auront été dispersées par le vent sans avoir connu de conducteur à quatre mains. Dans cent mille ans, les seuls objets intacts qui témoigneront encore de notre passage sur la Terre seront les bornes à incendie de la 5e Avenue de New York, conçues pour résister aux bombes atomiques soviétiques.

Une perspective de réensauvagement très séduisante au premier abord mais qu’il faut hélas tempérer en se rappelant qu’au bout de quelques semaines à peine les 430 réacteurs nucléaires en activité aujourd’hui dans le monde seront entrés en fusion faute de refroidissement et auront libéré dans l’atmosphère ce qu’il faut de radioactivité pour empoisonner et faire muter les espèces qui nous auront survécu. L’Éden promis ressemblera ainsi davantage à un tableau de Jérôme Bosch qu’à une peinture du Douanier Rousseau.

Et n’oublions pas, même si ce n’est pas pour tout de suite, les tracas inhérents à la circulation des continents (dame, il n’y a pas que nous sur Terre, la croûte à le droit de vivre sa vie aussi) qui verra le Maroc heurter Gibraltar, la Méditerranée s’assécher et toutes sortes de plaisanteries géologiques autrement plus conséquentes qu’un réchauffement de cinq ou six degrés. Bref, non seulement il n’y aura plus un seul témoin pour voir si ça valait le coup, mais en plus ça ne vaudra vraiment pas le coup.

Mais consolons-nous : l’humanité n’aura pas disparu pour rien. Au moins, nul ne l’entendra plus geindre hypocritement sur son sort en prétendant sauver une planète au final bien contente d’être débarrassée des locataires les plus stupides qu’elle ait eu à héberger.

Gabriel Gaultier est initiateur de l’almanach BigBang, revue d’utopie politique....

Pour sauver la planète, une solution : le suicide collectif. Mais avant, posons-nous la question : est-ce vraiment la planète que nous voulons sauver ? Et puisqu’on parle d’en finir, commençons par tordre le cou d’une formule hypocrite, celle qui consiste, dès lors que l’on jette son emballage usagé dans le bac de tri ou que l’on prend le train, à prétendre « agir pour la planète », « penser à la planète » ou, allons-y franco, « sauver la planète ». Rien que cela ! Hypocrisie semblable à celle du patron exhortant ses employés à baisser leurs salaires pour sauver l’entreprise, alors qu’il pense essentiellement à sauver ses dividendes. Pourquoi donc faire mine de nous soucier des forêts, des orangs-outans, de la banquise alors que c’est la préservation de notre existence qui nous préoccupe ? La planète, au fond, tout le monde s’en fout et il faut bien admettre qu’elle nous le rend au centuple. Croyons-nous vraiment que la survie d’une colonie de huit milliards de crétins microscopiques et vaniteux la préoccupe, elle qui a connu la dérive des continents, les volcans apocalyptiques, les tornades de souffre, les forêts géantes, le règne puis l’extinction des dinosaures ? Qui sommes-nous à ses yeux, elle que l’impact titanesque d’une météorite grande comme le Texas n’a pas réussi à dévier de sa course ? Tout juste une démangeaison passagère, un psoriasis. Preuve, s’il en était besoin, de notre égocentrisme démesuré qui réduit les six quintillions de tonnes de la Terre à son mince épiderme de croûte terrestre et à sa fine troposphère alors qu’elle est…

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