Asiya et ses amies
Christina Abdeeva
Christina Abdeeva
Il y a quelques années, Asiya Bareeva, merveilleuse créatrice, a décidé de quitter Moscou pour s’installer à Makhatchkala, au Daghestan.
Nous nous étions rencontrées il y a près de dix ans, devenant immédiatement amies. C’est avec elle que j’ai fait l’un de mes premiers voyages à Paris, avant de savoir que j’allais m’y installer. Nous sommes toutes deux tatares, mais contrairement à moi, enfant de parents soviétiques, Asiya a grandi dans le respect des traditions et de la culture tatares et, surtout, en pratiquant la langue. Lorsque nous nous sommes connues, je débutais dans la photographie, m’initiant au travail de la lumière, tandis qu’Asiya, encore étudiante, fréquentait une école de mode où elle développait son style magnifique, totalement éclectique.
Née dans une famille religieuse, Asiya n’avait pourtant jamais vraiment pratiqué l’islam jusqu’à ses 27 ans. Cette année-là, elle a fait un pèlerinage à La Mecque, d’où elle est revenue transformée. Au retour de ce hadj, l’islam est devenu un élément central, moteur, de son existence, influençant jusqu’à sa carrière artistique. De la confection de vêtements, elle est passée à la céramique, à la peinture sur bois, à la conception d’intérieurs et à bien d’autres choses, toutes splendides.
Nous nous voyions rarement, car je ne revenais que peu à Moscou. Un jour, elle m’a annoncé qu’elle déménageait au Daghestan. C’était l’époque où elle abordait un nouveau chapitre de sa vie – la maternité – et ce déménagement lui avait paru naturel, son partenaire étant originaire de Makhatchkala. Au milieu de la pandémie, je suis venue à Moscou et j’ai décidé d’aller la voir.
Dès mon arrivée, nous avons décidé de réaliser une série photographique centrée sur Asiya et ses créations. Pour ce projet, nous avons collaboré avec la communauté locale, les nouvelles amies d’Asiya. J’ai eu la chance de rencontrer ces femmes, d’entendre leurs histoires et d’avoir un aperçu de leurs vies. Le contraste d’une féminité extrême, alliée à une surprenante force de caractère et à une énergie brûlante, m’a profondément frappée. Une image de la série, qui montre un groupe de silhouettes voilées contemplant la mer Caspienne, symbolise à mes yeux ce troublant paradoxe. Sans doute est-ce pour cela qu’elle est ma préférée.
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