La photosensibilité d’Annie Ernaux

La MEP propose un hommage photographique à l’œuvre de la prix Nobel de littérature. Une collaboration inattendue imaginée par la curatrice britannique Lou Stoppard.   La scène, à elle seule, mériterait une photo. À gauche, une jeune journaliste et commissaire d’exposition anglaise, souriante mais stressée. L’incarnation de la nouvelle garde créative londonienne, avec son accent so british. À droite, émue, une vénérable romancière française, auréolée, en 2022, du prix Nobel de littérature pour l’ensemble de son œuvre. Il y a quelque chose de beau et de touchant à voir, en cette soirée pluvieuse de fin février, Lou Stoppard et Annie Ernaux présenter ensemble la nouvelle exposition de la Maison européenne de la photographie (MEP), à Paris. Deux femmes, deux artistes, deux générations, mais un même élan créatif pour faire fusionner littérature et photo, pour donner aux mots d’une écrivaine une nouvelle dimension et une forme singulière. Car Extérieurs. Annie Ernaux et la photographie n’est pas une exposition comme les autres. En prenant comme point de départ une œuvre de son aînée romancière, son Journal du dehors, publié en 1993, et en puisant dans le fonds photographique de la MEP, Lou Stoppard a façonné une proposition hybride, comme on n’en voit que trop rarement, invitant au dialogue entre les arts. «J’ai cherché à pratiquer une sorte d’écriture photographique du réel», écrivait Annie Ernaux dans la préface de son livre. Alors la jeune artiste britannique l’a prise au mot. Marguerite Bornhauser, Sans titre, 2015, de la série Moisson Rouge.…