Raviver l’esprit de San Francisco

Par Jean-Christophe Bas

Face à l’état du monde, il est temps de se rappeler l’esprit de coopération et d’universalité qui permirent la création des Nations Unies.
L’humanité est-elle au bord du précipice? Guerres interminables en Ukraine et au Moyen-Orient; risque de déclenchement de guerres nucléaires; changement climatique dont les effets se font déjà sentir dans certaines parties du monde; montée des populismes et de sociétés en proie à la polarisation et à la violence; effondrement du multilatéralisme et des règles de la coopération internationale; émergence d’un Sud global déterminé à contrer l’hégémonie occidentale; escalade des sanctions; explosion des flux migratoires; une intelligence artificielle plus dangereuse que la bombe atomique…
Et si ces perspectives terrifiantes conduisaient les dirigeants de la planète à un sursaut salutaire et à retrouver, face aux risques gigantesques, l’esprit qui avait prévalu en juin 1945 lors de la conférence de San Francisco qui a jeté les fondements de la Charte des Nations Unies et de la création de l’ONU quelques mois plus tard?
Il y a quatre-vingts ans, après avoir survécu à la barbarie du nazisme et à la sidération d’Hiroshima, l’humanité a en effet connu un tel sursaut et est parvenue à surmonter ses divisions profondes pour mettre en place un cadre de coopération internationale inédit dans l’histoire des peuples. En dépit des vicissitudes, l’ONU, dont nous célébrerons cette année le 80e anniversaire de la création, a garanti la stabilité dans les relations entre États en établissant des mécanismes solides de coopération, de prévention et de résolution des conflits.
Son effacement au cours des dernières années et particulièrement son impuissance face aux conflits en Ukraine et au Moyen-Orient ont conduit de nombreuses voix à considérer l’ONU comme obsolète et incapable de jouer son rôle et exigent sa réforme profonde, voire son démantèlement. Or, la vision des 3000 délégués présents à San Francisco qui ont adopté à l’unanimité, le 25 juin 1945, la Charte des Nations Unies demeure d’une extraordinaire modernité: l’engagement à unir leurs forces pour maintenir la paix et favoriser le développement. Force est de constater que depuis quatre-vingts ans, l’humanité n’a jamais connu une telle période prolongée de paix et de prospérité. Au-delà de toutes les différences religieuses, culturelles, ethniques, idéologiques, c’est bien la paix et la prospérité qui représentent le socle commun à l’humanité, ce à quoi chacune et chacun aspire et qu’il convient de rétablir comme la priorité absolue de la maison commune de l’humanité.
Si les Nations Unies sont tant critiquées aujourd’hui, c’est bien sûr à cause de leur mode de gouvernance, de la toute-puissance du Conseil de sécurité et de ses cinq membres permanents qui peuvent exercer un droit de veto à tout moment et dont la représentativité est plus que discutable tant sur le plan démographique que géographique et de la puissance économique. Mais plus encore du fait de divergences profondes sur la notion des «droits fondamentaux de l’homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine» auxquels les signataires de la charte de San Francisco proclamaient leur foi.
La réforme du Conseil de sécurité est un préalable politique essentiel mais restera sans grandes conséquences si l’on fait l’impasse sur cette question des valeurs et des principes fondamentaux qui nous unissent et sans lesquels les objectifs de paix et de développement ne pourront être atteints. C’est sur cela que doit porter la «conversation globale» à établir sur le modèle de la Conférence de San Francisco, où, pendant plusieurs mois, les délégués ont passé en revue tous ces sujets sensibles et sont parvenus à surmonter leurs divisions profondes et bâtir un socle commun pour l’humanité. Il s’agit de rien de moins que de réinventer un universel, fondé sur une approche inclusive et prenant en considération la diversité des cultures et le respect des différences. Tout en gardant présent à l’esprit le mot fameux de Dag Hammarskjöld, le deuxième secrétaire général des Nations Unies, décédé en 1961 dans un accident d’avion: «Les Nations Unies n’ont pas été créées pour nous mener au paradis, mais pour nous protéger de l’enfer». Déjà pas si mal…

Jean-Christophe Bas est vice-président de l’Institut Aspen France et chargé de cours à l’IRIS Sup....

Face à l’état du monde, il est temps de se rappeler l’esprit de coopération et d’universalité qui permirent la création des Nations Unies. L’humanité est-elle au bord du précipice? Guerres interminables en Ukraine et au Moyen-Orient; risque de déclenchement de guerres nucléaires; changement climatique dont les effets se font déjà sentir dans certaines parties du monde; montée des populismes et de sociétés en proie à la polarisation et à la violence; effondrement du multilatéralisme et des règles de la coopération internationale; émergence d’un Sud global déterminé à contrer l’hégémonie occidentale; escalade des sanctions; explosion des flux migratoires; une intelligence artificielle plus dangereuse que la bombe atomique… Et si ces perspectives terrifiantes conduisaient les dirigeants de la planète à un sursaut salutaire et à retrouver, face aux risques gigantesques, l’esprit qui avait prévalu en juin 1945 lors de la conférence de San Francisco qui a jeté les fondements de la Charte des Nations Unies et de la création de l’ONU quelques mois plus tard? Il y a quatre-vingts ans, après avoir survécu à la barbarie du nazisme et à la sidération d’Hiroshima, l’humanité a en effet connu un tel sursaut et est parvenue à surmonter ses divisions profondes pour mettre en place un cadre de coopération internationale inédit dans l’histoire des peuples. En dépit des vicissitudes, l’ONU, dont nous célébrerons cette année le 80e anniversaire de la création, a garanti la stabilité dans les relations entre États en établissant des mécanismes solides de coopération, de prévention et de résolution des conflits.…

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