Pierre Bergé le disait lui-même : « Il ne faut jamais avoir de regret, ne jamais regarder derrière, n’emporter les souvenirs que dans sa tête. » Homme d’affaires touche-à-tout, passionné, engagé, prince de la haute couture, mécène, patron de presse, Pierre Bergé meurt le 8 septembre 2017, à l’âge de 86 ans, dans sa demeure de Saint-Rémy-de-Provence, près d’Arles. Cinq mois plus tôt, il avait épousé le paysagiste américain Madison Cox, désigné comme son héritier. Pierre Bergé, qui avait pris soin de rédiger un long et précis testament, ne le saura jamais, mais si ses dernières volontés étaient bien qu’il ne faille rien conserver, elles ont été exaucées au-delà de toute espérance. De son vivant, Bergé avait commencé à disperser une partie de ses biens, telle son immense bibliothèque, vendue dès la fin de l’année 2015 en partenariat avec Sotheby’s. Nous sommes alors sept ans après la mort d’Yves Saint Laurent, avec qui il constitua un couple aussi mythique que tumultueux. L’homme d’affaires, dont la fortune était estimée en 2016 par le magazine Challenges à 180 millions d’euros, a évidemment préparé sa succession, afin de mettre à l’abri son autre amour, Madison Cox1, avec qui il a eu une première liaison par le passé, dans une sorte de ménage à trois intermittent avec YSL. « Saint Laurent et Cox ont été les deux hommes de sa vie », résume un intime.
Bergé a alors 85 ans et parle de « faire du nettoyage dans sa vie ». Moins d’un an après son décès, en juin 2018, Madison Cox met en vente – « sans état d’âme », écrit Le Figaro –, les collections du mécène, se séparant aussi de ses résidences. « C’est le secret de sa réussite : froide et déterminée, écrit le quotidien. Ce prince des jardiniers que l’on dit millionnaire pour être entré dans la cour des célébrités, du chanteur Sting au politique Michael Bloomberg, en passant par l’artiste Jennifer Bartlett ou Marella Agnelli, la veuve du patron de Fiat, est chargé de la succession du collectionneur et mécène parisien. Celui qui a remodelé le jardin Majorelle à Marrakech a été désigné pour être son légataire universel et président des fondations Pierre Bergé-Yves Saint Laurent, à Paris, et Jardin Majorelle à Marrakech. » De son côté, Madison Cox précise : « La succession n’est pas totalement close, mais tout est écrit dans le testament de Pierre Bergé. Il a tout prévu et je ne fais que respecter ses volontés. » Une partie du produit de la vente de la collection, allant de l’Antiquité jusqu’à l’art moderne, ainsi que ceux de l’hôtel particulier parisien de la rue Bonaparte et du mas de Saint-Rémy-de-Provence, va à la nouvelle Fondation Pierre Bergé-Yves Saint Laurent. La vente de la villa Mabrouka de Tanger grossit les fonds de la fondation marocaine Jardin Majorelle, dirigée elle aussi par Madison Cox. S’ajoute la datcha en Normandie. « Avec Pierre, j’ai appris à me délester avec sagesse, sans m’appesantir sur le passé », affirme Madison Cox.
Tout s’envole. Même la sublime garde-robe de celui qui présida la maison Yves Saint Laurent. Aujourd’hui encore, on retrouve des pièces dans des friperies de luxe parisiennes ou sur certains sites internet spécialisés comme Vinted. Des chanceux, ou de fins limiers, en ont dégoté aux puces de Saint-Ouen, chez Emmaüs ou sur Le Bon Coin. L’auteur et journaliste Philippe Trétiack a écrit dans un de ses livres qu’un « sérieux lot de vestes ayant appartenu à Pierre Bergé a été mis en vente par son mari, le jardinier Madison Cox ». Ce que l’intéressé a toujours formellement démenti.
Quand on interroge les proches de Pierre Bergé, ce n’est pourtant pas cette dispersion matérielle qui les interroge le plus. Mais bien davantage la considération de l’œuvre spirituelle, morale, culturelle, intellectuelle de celui qui fut un immense mécène. « Pierre avait dit : je ne veux rien de grandiose pour mes obsèques. Ce n’était pas son truc », se souvient un de ses plus proches amis, Eric Ghebali, co-fondateur de SOS Racisme, aujourd’hui haut dirigeant chez Suez. Bergé avait émis le vœu qu’un concert en son hommage soit donné à l’Opéra Bastille, dont il était depuis 1989 le président d’honneur et le plus fervent spectateur. Renaud Capuçon et le chef d’orchestre et pianiste coréen Myung-Whun Chung avaient donné leur accord et l’établissement avait, dit-on, consenti un prix d’ami pour l’organisation de la soirée : autour de 300 000 euros. « Pourtant, le concert n’a jamais eu lieu parce que l’héritier n’a pas voulu payer, assure Eric Ghebali. Comment est-ce possible ? Il y avait une forme de responsabilité collective à entretenir la mémoire de Pierre, mais celui qui devait le faire ne l’a pas fait. C’est désolant, d’une injustice totale. » Un autre proche ajoute, sourire aux lèvres : « Madison, pour être tout à fait honnête, n’a jamais dit : on ne fera pas le concert pour Pierre. Mais de fait il n’a rien fait. Rien du tout. Le temps a filé et finalement, aucun hommage public, nada. »
Chaque dimanche à 11 heures, Alain Minc téléphonait à Pierre Bergé. Il était encore très proche de lui le jour de sa mort en Provence, voilà quatre ans. L’essayiste et dirigeant d’entreprise, qui conseille les puissants depuis des années, reçoit Bastille dans son sublime bureau de l’avenue Georges V, à Paris. Fauteuils Charles et Ray Eames, portraits géants de Samuel Beckett signés Annie Leibovitz accrochés aux murs, moquette épaisse… Les deux hommes se sont liés d’amitié au milieu des années 1980, tandis qu’Alain Minc œuvre pour le financier italien Carlo de Benedetti. Ils resteront amis jusqu’à la fin, se chamaillant sur la politique (Minc est pro-Sarkozy, Bergé pro-Royal en 2007) ou s’affrontant pour la reprise du journal Le Monde. Un arrêt de la cour de cassation en date du 1er février 2011, sur une plainte de l’industriel italien Carlo de Benedetti, les associera en venant confirmer une condamnation à six millions d’euros pour « vente frauduleuse » de la société Oléron Participations, fondée en 1996 par Alain Minc et Pierre Bergé, présidée par Jean-Francis Bretelle, associé du premier et exécuteur testamentaire du second.
À l’égard de Madison Cox, Alain Minc, que des amis avaient décrit comme furieux et vent debout à l’égard du jardinier américain, fait plutôt preuve de mansuétude : « Pierre donnait au-delà de ses moyens, quand bien même ceux-ci étaient gigantesques. Cette générosité relevait d’une vraie sincérité, tout en lui permettant d’asseoir sa position à Paris. La Fondation, à sa mort, n’avait plus les moyens de poursuivre ces dons, ces gestes. Que Madison Cox ait pris des mesures en ce sens ne peut lui être reproché. En revanche, cela aurait pu être réalisé avec grâce, et non avec disgrâce, comme ce fut le cas. » En décembre 2020, Le Canard enchaîné révèle que le ministère de l’Intérieur a diligenté l’inspection générale de l’administration pour contrôler la Fondation Pierre Bergé-Yves Saint Laurent. On s’intéresse aux bénéfices réalisés par la Fondation au travers de ses filiales marocaines. Des interrogations visent également Madison Cox, qui « serait rémunéré en tant que paysagiste et percevrait un pourcentage sur le chiffre d’affaires des activités marocaines d’un montant d’un million d’euros par an », alors que la gestion d’une fondation d’utilité publique doit relever d’une gestion désintéressée. Alain Minc, alors administrateur de la Fondation, s’émeut de « l’opacité » de la gestion, claque la porte et quitte ses fonctions. « La Fondation n’était pas gérée de façon conforme à ce qui devait se faire », assure-t-il aujourd’hui, tandis qu’un porte-parole de Madison Cox indique alors que le gouvernement a eu connaissance de toutes les pièces requises dans cette affaire.
Pour les aides, le mécénat, le soutien, tout fonctionne depuis 2017 selon le bon vouloir de la Fondation Pierre Bergé-Yves Saint Laurent, dont Jean-Francis Bretelle, rencontré à Paris en même temps qu’Alain Minc, estime que l’objet prioritaire est d’abord le rayonnement de l’œuvre d’Yves Saint Laurent : « Ce qui est très bien fait. Pour ce qui est de Pierre, disons que oui, c’est étonnant que rien ou si peu n’ait été perpétué. Mais comment savoir si ce dernier n’avait pas donné lui-même des instructions en ce sens à Madison ? » Bergé soutenait à bout de bras la maison Cocteau de Milly-la-Forêt (Essonne). Acquise en 1947 par l’artiste, qui l’habita jusqu’à sa mort en 1963, la demeure – de style Louis XIII, un domaine de deux hectares avec jardins, verger et parc boisé – devint, grâce au mécène, la propriété de l’association Maison-Cocteau. Restaurée, elle fut ouverte au public à partir de 2010. « Les frais de fonctionnement de la maison étaient pris en charge à 100 % par Pierre Bergé », explique Muriel Genthon, ancienne directrice de la culture au Conseil régional d’Ile-de-France, qui en assure désormais la responsabilité. Car peu de temps après sa mort, le ciel tombe sur la tête des amoureux de la maison : « Les gens de la Fondation sont venus me voir pour nous dire qu’ils ne voulaient plus payer. » Le personnel est licencié, la maison ferme ses portes. « Dès la mort de Pierre Bergé, j’ai eu des craintes, soupire alors Aurélie Gros, en charge de la culture au Conseil départemental de l’Essonne. La Fondation a parfaitement le droit de se désengager. Mais la moindre des corrections, c’est de prévenir les instances publiques qui ont cofinancé le projet. On se retrouve au pied du mur du jour au lendemain, c’est scandaleux ! » C’est finalement le Conseil régional d’Ile-de-France qui reprend la demeure et la sauve de la ruine avec le soutien du département de l’Essonne, de la Ville de Milly-la-Forêt, du Centre Pompidou et du Comité régional du tourisme. « Heureusement que Valérie Pécresse a dit oui tout de suite car seule la région pouvait nous sauver… », soutient Muriel Genthon.
À l’inverse, un autre lieu financé par Pierre Bergé a eu droit à davantage de considération. À Médan, dans les Yvelines, l’homme d’affaires avait permis, à la demande de François Mitterrand, qui le lui avait fait promettre lors d’un dernier dîner à Latche juste avant de mourir, de sauver et restaurer la maison d’Émile Zola. Il était même allé plus loin en permettant, sur le même domaine, l’ouverture d’un musée consacré à l’affaire Dreyfus, inauguré le 26 octobre 2021 par Emmanuel Macron. « C’était l’idée de Pierre Bergé, qui fut l’initiateur dès 2002 et le principal mécène de ce projet. C’était aussi celle d’Elie Wiesel qui, avec enthousiasme, l’avait alors parrainée », déclarait Louis Gautier, président de chambre à la Cour des comptes et président de la Maison Zola-Musée Dreyfus2 lors du discours d’inauguration, avant de remercier, entre autres, la Fondation Pierre Bergé-Yves Saint Laurent et son président Madison Cox, présent pour l’occasion. « La Fondation a parfaitement tenu l’engagement qui était prévu en la matière », reconnaît Alain Minc. Pourquoi préserver celle-ci et céder Cocteau, présidée, au moment de la cession, par le même Louis Gautier ? « Sans doute le poids de la symbolique, explique un ami de Bergé. Autant pour Cocteau, Madison Cox pouvait, à juste titre, penser que cela ne ferait guère de vagues, autant lâcher le projet consacré à l’affaire Dreyfus, par les temps qui courent, sachant que le dossier était surveillé de près à l’Élysée, aurait vraiment fait mauvais genre. » Quoi qu’il en soit, Karine Kauffmann, la maire du village de 1 400 habitants, est ravie, confirmant que la Fondation prend en charge les frais de fonctionnement de la maison, sans limite dans le temps.
L’ancien patron soutenait vigoureusement la lutte contre le sida. Florence Thune, la directrice générale de Sidaction, assure que, « comme à l’époque de Pierre Bergé, la Fondation continue à aider et à soutenir financièrement notre association via sa participation au Dîner de la Mode ». Mais seulement via le dîner, quand Bergé versait des dizaines de millions d’euros de subventions. À l’inverse, plus un sou pour SOS Racisme, à qui des sommes « significatives » selon son président, Dominique Sopo, étaient versées par celui qui présidait l’association des parrains et marraines et invitait le Tout-Paris au dîner annuel afin de collecter des fonds. Silence radio de Madison Cox avec qui l’association n’a jamais eu le moindre contact. « Le mécénat, le militantisme sociétal, politique, culturel, associatif portés par Pierre Bergé l’étaient par lui-même, c’était le fruit de son investissement personnel. Le lien qui nous unissait à lui n’a pas été renoué après sa mort. » Rien n’a été dit officiellement, aucun rendez-vous n’a été pris, tout versement ou implication a cessé. « C’est sûr que quand vous perdez un donateur qui vous versait des sommes non négligeables, cela ne peut que compliquer les choses, mais que voulez-vous ? Je ne peux que le constater : rien n’a été initié du côté de sa succession. »
Les prix littéraires parrainés par le mécène ont également souffert. « C’est finalement ce qui me dérange le plus, analyse Jean-Francis Bretelle. La littérature occupait une telle place dans sa vie… » Créé en 1989 par Michel Dennery, qui possède la société de gravure et papiers de luxe Cassegrain, le prix Novembre récompensait chaque année un auteur en lui attribuant un chèque de 30 000 euros. Quand Michel Dennery démissionne à la suite de l’attribution du prix à Michel Houellebecq, dont il désapprouve l’œuvre, c’est une nouvelle fois Pierre Bergé qui vient à la rescousse. Seule modification, l’appellation étant déposée, le prix est rebaptisé Décembre, mais demeure l’un des mieux dotés. À la mort de Pierre Bergé, son compagnon et héritier annonce la suppression de la dotation le temps de régler la succession. Le romancier Grégoire Bouillier, sacré lauréat en 2018 pour Le Dossier M (Flammarion), ne reçoit qu’une simple bouteille de vodka... L’année suivante, la Fondation Pierre Bergé-Yves Saint Laurent entre à nouveau en scène, mais la somme a été divisée de moitié. Même déception pour les prix Marc Orlan et Giono, qui pleurent eux aussi leur bienfaiteur. Présidé de droit par Pierre Bergé jusqu’en 2016, le prix Jean Giono est doté de 10 000 euros, mais l’origine des fonds a changé. « Dans le cadre de ses activités de mécénat, la Fondation Jan Michalski octroie un soutien financier au prix Jean Giono depuis fin 2019. C’est ainsi cette année la troisième édition que nous le soutenons », explique Aurélie Baudrier, la responsable de la communication de cette fondation installée en Suisse. Mêmes soucis, décrit Le Figaro, « pour le Palais de Tokyo ou le Festival d’Automne » (Pierre Bergé apportait à ce dernier un tiers du financement privé au terme d’une convention de cinq ans qui courait jusqu’en 2019). Ou encore pour le chef d’orchestre Philippe Jordan, dont « la générosité de Pierre Bergé soutenait les initiatives à l’Opéra de Paris, le Ring d’abord, puis l’accueil des jeunes aux concerts symphoniques qu’il dirigeait », selon Jean-Yves Kaced, directeur du mécénat à l’Opéra de Paris.3 »
Homme de presse, Pierre Bergé a aidé à lancer la revue Courrier International. Il a soutenu à bout de bras le mensuel Têtu et la revue Globe avant de devenir l’un des actionnaires principaux du Monde. Cette fois-ci, son héritage s’est réglé devant les tribunaux. En mai dernier, Madison Cox a été condamné par le tribunal de commerce de Paris à céder ses parts à Xavier Niel et Matthieu Pigasse, en exécution d’une promesse de vente qu’il considérait comme caduque. Madison Cox détient (via Berlys Media) 27 % de la société Le Monde Libre, holding qui détient elle-même 72,5 % du capital du journal Le Monde. Des parts dont il a hérité de Pierre Bergé, qui avait recapitalisé le quotidien en 2010 aux côtés de Xavier Niel et du banquier d’affaires Matthieu Pigasse. Mais depuis un an, les actionnaires se déchiraient, Madison Cox faisant valoir que le pacte prévoyait la cession des parts si les deux autres demandaient à les racheter dans les soixante jours suivant le décès de Pierre Bergé, ce qu’ils n’avaient pas fait dans le temps imparti. Le tribunal n’en a pas tenu compte, le condamnant à vendre à parts égales à Xavier Niel et Matthieu Pigasse en échange de 7,5 millions d’euros. « L’attitude de Madison Cox nous a paru tout à fait étrange, en aucun cas conforme à la volonté de Pierre Bergé », s’étonne Alain Minc. Un revers majeur pour le jardinier qui pensait empocher davantage au vu de la valeur actuelle du journal. « Pierre Bergé avait décidé de doter le Pôle d’indépendance4 avec 25 % de capital, plus des droits politiques, un droit de veto… Il avait très bien traité la rédaction, même s’il pouvait se montrer extrêmement violent dans des messages personnels ou sur Twitter », souligne Raphaëlle Bacqué, présidente de la Société des Rédacteurs. Certes, Madison Cox s’est pourvu en appel, mais selon l’avocat de la SDR du Monde, une victoire paraît improbable. « Visiblement, la presse ne l’intéresse pas beaucoup, reprend la journaliste. Le Pôle d’indépendance a demandé à le rencontrer à plusieurs reprises, mais il n’a jamais donné suite. »
La somme ainsi perçue aidera peut-être Madison Cox à éponger les dettes. Pierre Bergé donnait en effet à tout va, et beaucoup d’argent. Des dons à des institutions, à des partis politiques (notamment au Parti socialiste), le financement des campagnes électorales de Bertrand Delanoë à la Ville de Paris ou de Ségolène Royal à l’Élysée en 2007, le versement d’énormes chèques à des associations… Le millionnaire donnait aussi à des particuliers, à une vieille dame à laquelle il s’était attaché, à un jeune homme avec qui il avait eu une liaison et qu’il affectionnait toujours. « On tentait de le raisonner et il disait, se sachant condamné par la maladie : dans peu de temps, tout ce dont j’aurai besoin, ce sera d’un médecin », confie un de ses meilleurs amis. On a pu penser que ces personnes profitaient de lui mais pas du tout, Pierre Bergé tenait réellement à les aider au quotidien, de sa poche, sans trop leur laisser le choix finalement. « Madison a agi à leur égard avec une grande brutalité, à l’américaine, aidé et conseillé par son armée d’avocats. Mais en même temps, il a respecté ce qui avait été décidé par Pierre et avait parfaitement le droit de tout arrêter ensuite. Pierre n’était pas très raisonnable en la matière et vivait clairement au-dessus de ses moyens. »
À charge pour son héritier d’effacer les ardoises, d’offrir les assurances-vie promises aux anciens amants et aux vieilles amies et de faire vivre le musée inauguré en grande pompe avenue Marceau au siège de la Fondation. On estime que Bergé payait ainsi une quinzaine de loyers, tous les mois, depuis des années. Pour tous les bénéficiaires, la douche fut glacée à l’annonce de son décès. Un de ceux-ci, qui fut son amoureux avant de demeurer son ami, soupire : « Madison n’a aucun goût pour les engagements politiques et sociétaux de Pierre, qu’il trouvait insignifiants voire vulgaires. Si Pierre était un homme de gauche, lui ne l’est pas. Il ne cache pas son mépris pour tout cela. C’est un drôle de personnage qu’on aimait bien tous, même s’il était dur. Dans son esprit, la priorité va à l’argent. Or entretenir la mémoire de Pierre coûte beaucoup et ne rapporte pas grand-chose. Certes, c’est son argent et il en fait ce qu’il veut. Mais je suis frappé par sa brutalité, son attitude capitalistique. Ça me désole pour Pierre, pour qui j’avais une affection immense, mais qui ne savait pas toujours bien s’entourer. »
À la fin des années 1990, Bergé avait prévenu son entourage : « Quelqu’un revient dans ma vie et j’en suis très heureux. » C’était Madison Fox, que l’on dit aujourd’hui désireux d’enfin exister par lui-même et ne plus être appelé « le veuf de Pierre Bergé ». L’ancien jeune amant éploré n’a reçu de sa part, en 2017 « qu’une » œuvre d’art, le laissant dépité. « Pierre aurait sans doute voulu que je reçoive plus. » La toile a été revendue depuis, pour une coquette somme, lors d’une vente aux enchères.
1. Contacté à plusieurs reprises par Bastille Magazine, Madison Cox n’a pas donné suite à nos demandes d’entretien.
2. Sollicité par Bastille Magazine, Louis Gautier n’a pas donné suite à nos demandes d’entretien.
3. Le Figaro, 6 avril 2018.
4. Qui regroupe notamment les sociétés de personnel et la société des lecteurs du Monde.
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