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— Philippe Lancastel
Au plus doux des printemps, loin du froid de l'hiver
Le silence de nos plaines étourdit les oiseaux
Qui chantent moins nombreux et s'en vont plein de peine
Au milieu de campagnes transformées en tombeaux
Là ne vit que la mort, quelques bruits, un écho
Là ne sifflent ou ne volent que des avions-cargos
D'où défilent sans saveur des damiers de couleurs
De longs rangs encadrés, sillonnés de tracteurs
On ne sème que la cendre en ce décor de terres
Les oiseaux s'empoisonnent, ne sachant plus que faire
Un vieux merle s'interroge, les moineaux serrent la gorge
À ce goût si amer pris soudain par les vers
La chair s’est engourdie, se rongeant de chimie
Et sous les pattes enflées d’un petit rossignol
Le sol est épuisé, la nature se désole
Que la saignent, en plein cœur, de sauvages seigneurs
Ne sommes-nous que sorciers jeteurs de mauvais sorts ?
D'inconscients alchimistes consumant leur trésor ?
Pourtant nos yeux si clairs ne sont point faits de pierre
Nous voyons tous quel feu se répand sur la Terre
Nos paysans sont braves et taisent leurs soupirs
Mais s'essoufflent parfois, quelquefois même expirent
À panser trop de plaies, à soigner nos pays
Tandis que, dans le blé, s’est glissé l'incendie
Dans nos champs vont se taire les oiseaux solitaires
Sous les cieux restent muettes les gentilles alouettes
Récolter les remords paraîtra bien obscène
Où la main de l'homme gêne, les bêtes quittent la scène
Dans nos champs vont se taire les oiseaux solitaires
S’en vont les ritournelles du ciel de nos cervelles
Mais nourrir des regrets semblera bien idiot
Lorsque plus un enfant n'entendra les oiseaux...
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