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Michaël Darmon
François Bayrou connaît son bréviaire politique par cœur. Au chapitre « deuxième mandat d’un président de la République », un axiome guide les comportements : le président s’en va. Il ne s’agit plus de le déloger, mais simplement de le remplacer. Dans cette course de fond, le favori est celui qui, au sein même de la mouvance présidentielle, pose et tient le rapport de force face au sortant bientôt sorti. Chevron essentiel de la Macronie, François Bayrou coche toutes les cases. Chef de gare du centrisme, il a eu, dès 2017, le coup de génie de monter dans la locomotive Macron et d’y accrocher in extremis les wagons brinquebalants de son Modem.
Un temps sceptique – « Vous êtes trop jeune », avait-il expliqué à Emmanuel Macron lors d’un dîner secret à Pau en 2016 – François Bayrou a soudain posé un acte politique surprenant, sans autre concertation que celle menée avec sa jumelle en politique Marielle de Sarnez, décédée depuis. En plein campagne présidentielle, lui, l’orgueilleux Béarnais a transmis le sceptre à Emmanuel Macron. Pour retrouver un geste aussi fort et structurant, il faut remonter loin dans les grimoires de la vie politique, tant semblable audace est rare : Chirac soutenant Giscard avant de le trahir en aidant discrètement Mitterrand, Sarkozy qui abandonne son mentor Chirac avant de s’imposer comme son successeur… La vista avec laquelle Bayrou est devenu en 2017 un dignitaire du régime macroniste, en tandem avec le maréchal Ferrand, fait partie de ces Pont d’Arcole politiques qui transforment un parcours.
Ces coups de dés différencient les apparatchiks des fauves politiques. François Bayrou appartient sans conteste à la deuxième catégorie. Passons sur les sempiternelles ritournelles le décrivant comme un acharné de la réflexion, un infatigable contemplatif, un forçat du conseil avisé. Autant de manières de suggérer que son mode de fonctionnement le met à l’abri du burn out. Encore que diriger une ville, Pau, et un parti, n’est pas une sinécure. Pour reprendre un adage pasquaien, l’enjeu n’est pas tant de savoir avancer en eaux troubles mais plutôt de savoir troubler l’eau pour avancer. Et force est de constater qu’à ce jeu-là, François Bayrou est aujourd’hui le plus roué.
D’autant qu’il a désormais un modèle en politique : Joe Biden, président octogénaire et ouvertement candidat à un nouveau mandat en 2024 ! Biden est sa fontaine de jouvence. N’ayant jamais renoncé à rien en son for intérieur, « François Biden » sculpte sa stature de sage, alors que les oracles plumitifs se copient entre eux pour raconter les ambitions présidentielles des sabras du Macronisme.
Haut-commissaire au plan et désormais président du très mystérieux Conseil national de la refondation, François Bayrou, 71 ans seulement, n’en a cure, qui sait que le secret en cette période est de savoir se distancier vis-à-vis du chef tout en se situant au cœur du palais. C’est la technique qu’avait utilisée avec succès Sarkozy : rouage essentiel du système chiraquien, il s’en démarqua avec son fameux concept de rupture.
Michaël Darmon
Ancien chef du service politique d’Europe 1 et présentateur de l’émission politique Le Grand rendez-vous, Michaël Darmon est aujourd’hui éditorialiste pour la chaîne I24 news et BFM TV et intervenant régulier sur RTL dans l’émission On refait le monde. Il est l’auteur d’une dizaine d’essais politiques, dont Les Secrets d’un règne (Archipel, 2021).
Le maire de Pau a gagné la première bataille politique du deuxième quinquennat en faisant plier Emmanuel Macron sur la méthode pour réformer les retraites. Lui seul a osé faire la Une d’un journal en assumant son désaccord avec le Président de la république, quand tant d’autres macronistes se réfugiaient dans la circonvolution ou l’anonymat. Edouard Philippe, emporté par sa passion pour l’orthodoxie financière, marri que la réforme n’ait pu passer durant son magistère à Matignon, a clamé son soutien au gouvernement, quelle que soit la méthode choisie. Erreur politique pour celui à qui l’on prête – à taux usuraire – l’intention, un jour, de remplacer Emmanuel Macron. Face à un populisme conquérant, pour avoir une chance d’intéresser et rassembler les Français modérés au sortir de la décennie Macron, en 2027, il faudra être capable de proposer un autre modèle, une autre pratique politique, un autre comportement, un autre âge. A cette date, c’est-à-dire sans pouvoir préjuger de la suite des évènements, le seul à l’avoir compris et, surtout, le seul à pouvoir de mettre en pratique une rupture tranquille avec Emmanuel Macron est François Bayrou.
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