Le départ du controversé président de la Fédération française de football, Noël Le Graët, au mois de février, suffira-t-il à assainir la situation de l’association ? Pas sûr, tant ce lieu de pouvoir entend préserver l’entre-soi, son mode de scrutin indirect, et ses secrets.
La révolte gronde à Paris, les grèves se multiplient. Étudiants et ouvriers en tête de cortège, le mouvement de contestation ne cesse de prendre de l’ampleur. Le malaise social sur fond de crise internationale est prégnant. Nous ne sommes pas en 2023 mais en 1968, précisément le 22 mai. À l’aube, un hôtel particulier cossu, avenue d’Iéna, dans le 16e arrondissement, est occupé. Comme l’ont été au cœur de ce bouillonnement la Sorbonne, le théâtre de l’Odéon ou les usines Renault, le siège de la Fédération française de football (FFF) se trouve à son tour investi, en l’occurrence par un auto- proclamé Comité d’action des footballeurs. Ce groupe de plusieurs dizaines de joueurs (principalement des amateurs évoluant à Paris et sa ban- lieue) hisse le drapeau rouge au balcon de la FFF, déploie des banderoles proclamant « Le football aux footballeurs » ou « La Fédération propriété des 600 000 footballeurs », avant de se barricader à l’intérieur du bâtiment. Ils retiennent durant une poignée d’heures des employés, dont Pierre Delaunay, le secrétaire général, et Georges Boulogne, promu « chef de la mafia des entraîneurs », ce qui ne l’empêchera pas de devenir sélectionneur national en fin d’année.
Le coup d’éclat, soutenu publiquement par la légende Just Fontaine, durera cinq jours, avec portes barricadées, ravitaillement et distribu- tion de tracts. Grâce à une médiation, le championnat de France peut reprendre le 12 juin. Cet « assaut » fait tout de même bouger les lignes et entraîne une refonte profonde de la gouvernance du football français. En 1969, le statut du joueur professionnel – jusque-là, il s’agissait d’un « contrat à vie », en fait une licence le liant à son club jusqu’à 35 ans – s’assouplit enfin. Quatre ans plus tard, le contrat à vie est définitivement aboli par les instances, grâce notamment à un jeune auditeur de la Cour des comptes passionné de football, Philippe Séguin. Le futur ministre et président de l’Assemblée nationale signe le rap- port inspirateur de la Charte du football professionnel, document de référence faisant office de convention collective. Les nouveaux statuts per- dureront jusqu’en 2011, rénovés sous l’impulsion du tout frais président de la FFF, Noël Le Graët. Le Breton, surnommé le Menhir, se pen- sait indéboulonnable. Mais, à 81 ans, de mauvaise grâce, il a dû se résigner à démissionner, le 28 février, à l’occasion du Comité exécutif (Comex) de la FFF. Élu sur les cendres du désastre moral et sportif de l’équipe de France lors de la Coupe du monde 2010 en Afrique du Sud, il aura régné onze ans et demi. Contestable dans son autocratie – prolongation de quatre ans de Didier Deschamps après le Mondial au Qatar sans en informer le Comex, reconduction par sa seule volonté jusqu’aux Jeux olympiques de 2024 de l’homologue de Deschamps chez les féminines malgré une fronde des joueuses, qui auront finalement la peau de Corinne Diacre [remplacée par Hervé Renard] – ou ses manières d’un autre temps, le bénévole Noël Le Graët a quitté la Fédération avec les félicitations du jury. Les salariés lui ont réservé une standing ovation lors de son discours d’adieu, livré devant 200 personnes dont Deschamps, renvoyant au monde extérieur un sentiment d’impunité. Le communiqué officiel rappelle les titres des sélections remportés sous son magistère, le développement de la formation (désormais 26 Pôles espoir) et du foot féminin (le nombre de licenciées a doublé ; elles sont aujourd’hui 220 352 sur un total de 2,18 millions de licenciés), l’excellence des résultats économiques. Selon son rapport financier pour l’exercice 2021-2022, les revenus de la FFF ont atteint 274 millions d’eu- ros, de quoi en verser 104 au football amateur, un record. Et, en dépit de la crise sanitaire, elle dispose de 56 millions de capitaux propres, soit environ 20 % de son budget.
Le Graët a clairement fait basculer la Fédération dans une ère nouvelle, et pas tou- jours en douceur. « C’en est alors fini des présidents pleins de bonne volonté et de beaux principes, dévoués à bien des égards mais trop loin des réalités du monde tel qu’il est devenu, avec sa tyrannie du paraître et son exigence de la connaissance pointue de tous les footballs, pas seulement celui de la base, mais aussi celui du haut niveau et du business. Place à un boss 100 % disponible, qui a réussi dans le football, les affaires, la politique », rembobine Philippe Tournon, chef de presse historique de l’équipe de France de 1983 à 2018 (exceptée une paren- thèse de six ans sous Raymond Domenech). Celui qui a inventé le poste, après avoir été rédacteur en chef adjoint responsable de la rubrique foot à L’Équipe, a vu les fenêtres s’ouvrir en grand et le marketing, géré en interne, se transformer en chouchou de la maison. Après trente ans passés à la Fédération, il regrette en partant « la bruta- lité avec laquelle toutes ces évolutions, positives, ont parfois été menées. Fallait-il vraiment écar- ter ou pousser à la démission une quarantaine de salariés dans les dix-huit mois suivant la mise en place de la nouvelle direction ? » Fondateur du groupe agroalimentaire qui porte son nom (aujourd’hui 800 salariés), spécialisé en trans- formation de produits de la mer, métiers de la conserve et pôle surgelés, Noël Le Graët n’est pas du genre à avoir des états d’âme.
Le Breton doit son ascension dans le football à Guingamp, ville d’un peu plus de 6 000 habitants dont il a été le maire, socialiste, de 1995 à 2008. Président de l’En avant Guingamp de 1972 à 1991 puis de 2002 à 2011, il guide le club des Côtes d’Armor, alors en septième division, jusqu’à l’élite, décrochant deux Coupes de France (2009 et 2014), disputant deux fois la Coupe d’Eu- rope (Europa League, Intertoto). Aujourd’hui, l’équipe, dirigée par un proche qu’il a invité au Qatar pour assister à la finale de la Coupe du monde en tribune officielle, évolue en Ligue 2. Autodidacte, fils d’un chauffeur routier et d’une ouvrière dans le machinisme agricole, Le Graët a d’abord surpris son monde en devenant président de la Ligue professionnelle de football de 1991 à 2000. À son crédit, l’instauration de la DNCG (l’instance de surveillance de la santé financière des clubs français) et une opposition féroce autant que courageuse à Bernard Tapie lors de l’affaire VA-OM, en 1993. Vice-président de la FFF depuis 2005, chargé de tous les dossiers financiers, il est élu en juin 2011 au poste de président à la majorité absolue dès le premier tour, devant le favori, Fernand Duchaussoy. L’ancien président de la Ligue du football amateur était le patron intérimaire depuis la démission de Jean-Pierre Escalettes, ex-professeur d’anglais, au sortir de la Coupe du monde 2010. À Le Graët, donc, la citadelle de la FFF, lieu d’influence sur trois étages et 7 000 mètres carrés au 87, boulevard de Grenelle, dans le 15e arrondissement parisien, avec des bas-reliefs Arts déco en façade. Achetés 36 millions d’euros, les locaux, modernisés, ont hébergé la Maison de l’aluminium et le voyagiste Nouvelles Frontières. Il s’agit de la quatrième adresse parisienne de la FFF, après la rue du Faubourg-Montmartre (1919-1922), la rue de Londres ( jusqu’en 1966) puis l’avenue d’Iéna.
Chassé de la Fédération, Noël Le Graët est retourné dans sa Bretagne natale. Mais il n’a pas tout perdu. Il poursuivra une activité au bureau de la FIFA, ouvert il y a deux ans au luxueux Hôtel de la Marine, place de la Concorde. « Encore une fois, on recase les copains », a vitupéré l’un de ses nombreux opposants médiatiques, l’ancien champion du monde Christophe Dugarry, sur RMC. Son strapontin, obtenu dès l’année dernière, il le doit au soutien sans faille de l’Helvético-Italien Gianni Infantino, puissant président de l’ins- tance dirigeante du football mondial, la FIFA, réélu par acclamation jusqu’en 2027. Le Graët, qui siégeait au conseil de la FIFA en tant que représentant de l’UEFA (il ne pourra plus le faire après son départ de la FFF), peut ainsi sauver les apparences. « Je suis attaché au développement du football en Afrique », a-t-il plastronné en révélant sa future mission aux contours flous. Le 15 février, quand Emmanuel Macron a reçu officiellement à l’Élysée Gianni Infantino, le sort en suspens de Le Graët a (forcément) été évoqué, au même titre qu’une possible prise de contrôle ou rachat par la FIFA du Stade de France (propriété de l’État mais dont le contrat de concession prend fin en 2025). L’institution basée à Zurich déteste les ingérences politiques. D’ailleurs, trois jours plus tôt, Philippe Diallo, le président par intérim de la FFF, avait reçu une lettre de la secrétaire générale de la FIFA, Fatma Samoura, rappelant l’article 19 des statuts la FIFA lequel stipule que « chaque association membre doit diriger ses affaires en toute indépendance sans l’influence indue d’aucun tiers ». En clair : cher gouverne- ment, mêlez-vous de ce qui vous regarde...
Si Le Graët n’est plus aux affaires de la FFF, est-ce néanmoins la fin d’une époque, d’un système opaque, où les dirigeants sont désignés au suffrage indirect par environ 200 « grands électeurs » eux-mêmes élus dans un cadre régional ? On en doute. Depuis sa mise en retrait en début d’année après des dérapages en série et une « insulte » au dieu Zidane, le fauteuil est donc occupé par son vice-président délégué. Il conservera son siège au moins jusqu’au 10 juin, date de la prochaine assemblée fédérale, lorsque les dirigeants du football amateur et professionnel seront appelés à choisir celui proposé par le Comex et issu de ses quatorze membres, dont trois femmes.
Si Le Graët n’est plus aux affaires de la FFF, est-ce néanmoins la fin d’une époque, d’un système opaque ?
Diallo connaît les arcanes de ce milieu : il a dirigé pendant près de trente ans l’Union des clubs professionnels de football, le syndicat patronal des clubs pros, et pré- side encore le Conseil social du mouvement sportif (Cosmos), unique organisation patronale représentant les employeurs du sport et réunissant près de 10 000 structures sportives. Il a rejoint la FFF lors de la réélection de Noël Le Graët en mars 2021. D’abord trésorier général, il a grimpé sans bruit dans l’organigramme. L’intérimaire prend goût au pouvoir. Philippe Diallo, 60 ans en août prochain, a déjà ouvert la voie à une prolongation de sa mission jusqu’à fin 2024 et il a été élu au Comex début avril. Il existe aussi l’option Marc Keller : membre du Comex, l’ancien milieu de terrain de l’équipe de France (6 sélections) est le président et actionnaire du Racing Club de Strasbourg depuis 2012. Pour postuler, il devra d’abord céder son club et des contacts ont été noués, notamment avec le propriétaire du club anglais de Chelsea. Le football amateur, qui souhaite être davantage représenté, pourrait néanmoins tenter de provoquer une assemblée extraordinaire de révocation de l’organe de gouvernance de la Fédération mais il lui faudrait réunir 25 % du collège électoral (218 membres, soit 63 % du monde amateur) afin d’en formuler la demande officielle. Un scénario qui a peu de chances d’aboutir.
Excepté Le Graët et Jamel Sandjak, président de la Ligue Paris-Île-de-France, qui s’est retiré pour sans doute jouer sa carte personnelle, aucun membre du Comex n’a quitté le navire. La poussière reste sous le tapis. La soupe est bonne à la FFF. L’institution semble au-dessus des lois, s’apparentant à un État dans l’État alors qu’elle en est émanation. La mise à l’écart forcée de son taulier est l’occasion utile de revenir sur les origines de la 3F, dont, rappelons-le la mission consiste à « l’enseignement et la pratique du football ». Fondée le 7 avril 1919, la Fédération française de football association succède au Comité français interfédéral. Elle est d’abord présidée par Jules Rimet, futur patron de la FIFA et inventeur de la Coupe du monde avec Henri Delaunay, son secrétaire général. « Cela a conféré à la Fédération une légitimité internationale, à un moment où les fédérations sportives étaient dirigées par des Français et souvent installées à Paris, même si en l’occurrence sous Rimet le siège administratif de la FIFA était à Amsterdam, puis Zurich à partir de 1932. La Coupe de France, que la Fédération organise, épreuve la plus démocratique et méritocratique qui soit, avec la présence pour la finale de tous les présidents de la République depuis Gaston Doumergue en 1927, a contribué à faire du football le sport le plus populaire », rappelle l’historien du sport Paul Dietschy, professeur à l’université de Franche-Comté. Le directeur de la revue Football(s). Histoire, Culture, Économie, Société ajoute : « À la fin des années 1950, il y avait 500 000 licenciés. Avec la Coupe de France et les matches de l’équipe de France en produits d’appel, la FFF a conquis son autonomie financière, devenant moins dépendante de l’État que d’autres disciplines. L’arrivée de Le Graët, dirigeant d’entreprise, a accéléré ce virage business, en apôtre du ruissellement, avec par exemple des séminaires organisés pour des sociétés à Clairefontaine (le Centre national du football est le siège de l’équipe de France). »
Chargée d’une mission de service public déléguée par l’État, la Fédération, association de loi 1901, est reconnue d’utilité publique. Elle compte aujourd’hui 2,18 millions de licenciés, 14 000 clubs amateurs, et les joueurs de l’équipe de France. Elle défend « les valeurs fondamentales de la République française » et doit « mettre en œuvre les moyens permettant d’empêcher toute discrimination ou atteinte à la dignité d’une personne », indiquent ses statuts. « Les finances de la FFF vont bien mais est-elle comparable à une entreprise du CAC 40 ? Il existe une ambiguïté dans le système du fait que ses dirigeants sont élus - même si ce sont les administratifs qui font tourner la boutique – et que l’institution a une relation forte avec l’État. Elle reçoit des subventions tout en vivant dans un monde professionnel. Puissante, elle doit veiller à ne pas dépendre ni d’un mécène ni de la main étatique », esquisse Paul Dietschy. Le spécialiste de l’histoire du football fait aussi observer que, « depuis le titre mondial de 1998, la FFF est devenue un objet médiatique et politique ». La preuve avec l’intervention de la ministre des Sports pour pousser Le Graët dehors, à l’agacement de la FIFA. Amélie Oudéa-Castéra n’a cessé de rap- peler « les dysfonctionnements profonds » ces dernières années entre le patron de la Fédération et la directrice générale, Florence Hardouin, qui sera, elle, licenciée pour son « management bru- tal » et un comportement parfois « humiliant » vis-à-vis d’autres salariés. Le Graët entend réhabiliter son honneur. Il a l’intention de poursuivre la ministre en diffamation, lui reprochant d’avoir « menti » sur les accusations de harcèlement sexuel le visant, égrenées dans le rapport d’audit de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (qu’il va tenter de faire annuler devant le Tribunal administratif de Paris) qui a précipité sa chute. Il suggère que l’ex-directrice générale de la Fédération française de tennis a fait de son cas une affaire personnelle et « violé son obligation d’impartialité ». Droite dans ses bottes, Amélie Oudéa-Castéra incite plutôt la Fédération à fortifier sa vie démocratique et développer ses contre-pouvoirs, ainsi qu’à mieux s’emparer de certains sujets sociétaux, tels la lutte contre le racisme, l’homophobie ou les violences sexistes et sexuelles.
« La FFF doit réussir cet aggiornamento sociétal. Avec 2 millions de licenciés et 12 000 clubs [14 000 selon la Fédération], le foot est le troisième lieu d’éducation après l’école et la famille », a rappelé la ministre dans Le Journal du dimanche. Au lendemain de la démission de Noël Le Graët, et un mois après celle de Bernard Laporte de la présidence de la Fédération Française de Rugby suite à sa condamnation à deux ans de prison avec sursis pour corruption, elle avait annoncé la création d’un Comité national d’éthique. Il est né. Composé de douze personnalités, présidé par Marie-George Buffet (ministre de la Jeunesse et des Sports communiste de 1997 à 2002) et Stéphane Diagana (champion du monde du 400 m haies 1997), il sera destiné à renforcer l’éthique et la vie démocratique dans le sport. « Pour être à la hauteur de l’engagement des bénévoles et des équipes qui portent les valeurs du sport au quotidien », clame Amélie Oudéa-Castéra. Ce comité, qui rendra prochainement ses conclusions, com- plète la loi de mars 2022 visant à démocratiser les fédérations. Impulsée par l’Association française de foot amateur. Le texte indique que le socle électoral devra être représenté par 50 % de clubs amateurs au moins, d’ici le 1er janvier 2024. Éric Thomas, président de l’Association, tentera-t-il une nouvelle fois sa chance ? En 2011, vice-président du club de Montlouis-sur-Loire, en Indre-et-Loire, il n’avait récolté que 0,19 % des voix face à Noël Le Graët. Il avait néanmoins récidivé l’année suivante, avec le champion du monde Emmanuel Petit à la tête de son comité de soutien. Mais le Petit poucet n’avait pu rassem- bler plus que 3,72 % des voix, Le Graët étant réélu dans un fauteuil avec 83,07 % au premier tour (et 13,20 % pour François Ponthieu, avocat et ancien patron de la Direction nationale du contrôle de gestion, la DNCG).
À l’instar d’Éric Thomas, qui affirme que 5 000 clubs, essentiellement dans le monde rural, ont mis la clé sous la porte depuis l’intronisation du Breton et sans qu’il réagisse, Frédéric Thiriez voudrait davantage de représentativité du foot- ball amateur. En 2021, l’ancien président de la Ligue de football professionnel (2002 à 2016) avait à son tour été balayé par Le Graët : 73,02 % des votants pour ce dernier, contre 25,11 %. Thiriez, avocat et énarque, plaide pour une évolution des statuts, pointant du doigt notamment un Comex de la FFF qui ne serait qu’une chambre d’enregistrement. « Le départ d’un homme ne réglera pas tous les problèmes, loin s’en faut. Il est urgent que la Fédération se remette en marche, en se concentrant sur ses fondamentaux, en par- ticulier le football amateur qui est à la peine, et en changeant sa gouvernance, qui n’est ni démocratique ni transparente. Le football aurait pu s’épargner cette crise car tous les désordres actuels étaient connus depuis plusieurs années. Cette démission doit être le premier acte d’une profonde refondation du système, et pas son aboutissement. » Sera-t-il entendu ? Peu pro- bable que le rapport de force entre foot amateur et professionnel change de nature. À défaut de se représenter, Thiriez, membre du Comex de la FFF près de trente ans, milite pour « un comité exécutif élu par les clubs, sur un scrutin de liste avec un système proportionnel et prime majoritaire ». Il encourage également la création d’un parlement du football, composé de tous les présidents de districts et de ligues, des anciens internationaux et des familles du football, une instance « qui exercera le pouvoir législatif, financier et le contrôle de l’exécutif ».
Le chant du cygne de Le Graët s’est ouvert avec la une de So Foot de septembre 2022, titrée « Ma Fédé va craquer ». Le magazine vendait ainsi son enquête de six pages : « Quatre ans après le sacre en Russie et deux mois avant le mondial qatari, la FFF pourrait bien être le gros boulet de la bande à DD. Guerre des clans, ambiance toxique, accusations de harcèlement sexuel, plan de licenciements... Immersion dans un House of Cards à la française. » Moins d’une semaine après la parution, la ministre des Sports invitait Noël Le Graët « à un moment d’échange ». Qui aboutira à la commande de l’audit ravageur. « La mission considère que, compte tenu de son comportement envers les femmes, ses déclarations publiques et les défaillances de la gouvernance de la FFF, M. Le Graët ne dispose plus de la légitimité nécessaire pour administrer et représenter le football français », mentionnera le pré-rapport. Un ancien dirigeant du sport, grande gueule qui a sévi dans le foot- ball, le rugby et le basket, et qui préfère que son nom ne soit pas cité, décrypte la situation : « J’ai côtoyé Le Graët alors que Guingamp était en seconde division. Un type intelligent qui n’a pas hésité à s’attaquer à Tapie quand il s’occupait de la Ligue, mais terriblement susceptible et secret. À la FFF, il était entouré de gens qui lui ciraient les pompes et lui devaient leur nomination. Le régime est hyper présidentiel. Et puis il s’est fait bouffer par Deschamps. Ce n’est pas normal de le prolonger quatre ans comme ça. Le sélection- neur est plus rusé que lui, il a scié les jambes de Zidane, qui attendait le poste, comme il a scié celles de Laurent Blanc en 2012 pour lui succé- der... Sur un plan général, les dirigeants du sport manquent de personnalité et de mixité sociale. Ils refusent aussi d’évoluer et de se former. » La réplique du Guépard du Sicilien Giuseppe Tomasi di Lampedusa, et immortalisée par le film de Luchino Visconti où Alain Delon la lâche à Burt Lancaster, est décidément immarcescible : « Si nous voulons que tout reste pareil, il faut que nous changions tout ».
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