Faust semblant

On ne choisit pas son lieu de naissance, mais parmi les zones où l’on n’a guère envie de naître figurent ces pays d’Amérique centrale qui, depuis des décennies, n’ont connu que dictatures, violence et pauvreté. L’histoire récente du Salvador se résume à une litanie de coups d’État, et, de 1980 à 1992, à une guerre civile qui fit 100 000 morts. En 1992, un accord de paix fut conclu et le pays s’orienta vers la démocratie, mais la corruption demeura, tout comme les gangs armés, les maras. « Cette histoire de “transition démocratique” s’est révélée une vaste plaisanterie, ceux qui avaient été des ennemis mortels sont devenus copains comme cochons pour piller et tuer ». Ce constat émane d’un personnage de Moronga, roman d’Horacio Castellanos Moya, qui a grandi au Salvador avant de goûter la saveur amère de l’exil. Il n’est pas facile d’être ressortissant d’un pays si peu béni des dieux. En témoigne le poète Roque Dalton, sur lequel un personnage de Castellanos Moya, Erasmo Aragón, effectue des recherches. Dalton fut assassiné en 1975 car soupçonné, à tort, d’avoir été « retourné » par la CIA. Les circonstances de sa mort obsèdent Erasmo Aragón, Salvadorien exilé aux États-Unis, dont on suit les tribulations dans Moronga puis dans L’Homme apprivoisé. De livre en livre, Castellanos Moya poursuit la saga de la famille Aragón, Moronga étant le sixième opus de la série, entamée en 2003. Avec une écriture cash et hyperréaliste, et un humour dévastateur, l’auteur cerne au plus près les obsessions et les émotions de ses personnages. Dans…