Le sultanat de Brunei ! Pourquoi ce nom m’a-t-il si longtemps fait rêver ? Sans doute à cause de son écho littéraire : ses sonorités très Mille et Une Nuits, sa localisation au nord de l’île de Bornéo, destination digne des romans de Conrad, son appartenance au monde des sortilèges malais, cher à William Somerset Maugham. J’avais croisé à Dakar, à l’occasion d’une conférence islamique, le sultan en personne, perdu dans les couloirs de l’hôtel Le Méridien, fluet, vêtu d’un complet gris, presque modeste malgré sa qualité d’homme le plus riche du monde (titre que lui ont désormais ravi les galopins américains des nouvelles technologies). J’avais aussi rencontré à Hong Kong dans les années 1980 un Allemand cacochyme dont le CV présentait des trous suspects entre la fin de la guerre et les années 1960 et qui s’était présenté comme le psychiatre personnel du sultan de Brunei (sans doute le père de l’actuel). Cela avait ajouté au mystère du lieu. Après bien des tentatives abandonnées, j’ai franchi le pas cette année. Paris-Singapour puis, de la cité-État, un vol Royal Brunei Airlines pour le sultanat. Quand Air France réjouit ses passagers en montrant la vidéo d’une ravissante jeune femme qui grimpe les escaliers de la tour Eiffel pour jeter sa robe dans le vent, Royal Brunei Airlines administre aux siens une sourate du Coran psalmodiée selon les règles édictées par le Prophète. Bienvenue au pays de la charia intégrale. Quelque chose, pourtant, laisse déjà percevoir que cette affaire de charia dont le sultan semble si fier est…
