À fleur de peau, à fleur de corps, la sensibilité d’Inès Longevial irradie une œuvre singulière, irriguée par un imaginaire romanesque et peuplée d’autoportraits magnifiés par une palette de couleurs unique. Une splendide monographie de ses travaux, préfacée par Line Papin (dont elle avait illustré et préfacé le dernier ouvrage, Après l’amour, aux éditions Stock), vient de paraître chez Rizzoli Books.
Née en 1990 dans le Sud-ouest, la jeune artiste est actuellement exposée à la Galerie Ketabi Bourdet où elle avait signé une première carte blanche en 2020. Dans l’actuelle, Perchée, on retrouve l’univers littéraire de l’artiste, ici le Baron perché d’Italo Calvino, où un petit garçon, lassé du comportement des adultes et des étrangetés culinaires qu’on lui sert, comme une soupe d’escargots, décide de monter dans un arbre, et de ne jamais en redescendre.
Inès s’empare de la littérature et nous en offre sa vision chatoyante, où se mêlent des roses, des bleus, des mauves, des pastels, des fluos… Elle nous entraîne dans des arbres éclairés par des rayons de lumière qui frappent les silhouettes et les visages féminins. Des petites toiles représentant des oiseaux, des insectes ponctuent l’installation : ce sont les virgules de l’histoire…
Protectrice et ressourçante, la nature agit comme un baume réparateur, panse les cicatrices. La littérature est partout, comme dans ce diptyque, deux visages, l’un rose, l’autre bleu, l’un strié d’épines, l’autre de branches, symbolisant cette phrase de Jean d’Ormesson « Merci pour les roses, merci pour les épines », la vie nous fait des marques, étapes nécessaires pour la savourer. « Ils m’ont été inspirés, dit l’artiste, par une phrase d’Henri Michaux dans Poteaux d’angle ‘‘On n’est peut-être pas faits pour un seul moi’’. »
Un mur dessins-cadavres exquis sur des serviettes en papier surgit, qui tranche avec le reste de l’exposition, souvenir mystique de vacances et d’évasion créative de l’artiste. On pourrait croire à un bas-relief des temples d’Angkor.
Tout est littéraire, poétique, délicat et sensuel dans le travail d’Inès. Appétissant, même : les escargots de la soupe du Baron perché ont fini par manger le dessin qui devait clôturer en douceur l’exposition…