Voici la question que pose le second album de The Smile, supergroupe lancé pendant le confinement par les deux têtes pensantes de Radiohead, Thom Yorke et Jonny Greenwood.Il aura fallu moins de trois ans pour que les comparses, accompagnés du batteur Tom Skinner, se retrouvent au sommet des têtes d’affiche. Les légendes n’échappent à personne, et encore moins à elles-mêmes.
Leur premier album, A Light for Attracting Attention, était une collection de chansons aux allures de best of aussi fantasque que foutraque, qui ne semblait attendre que d’être remarquée. Mais si le succès fut certes au rendez-vous, son immédiate comparaison avec les disques de Radiohead ne permit pas à la nouvelle formation de s’imposer comme indispensable aux oreilles des fans. Il faudra un second album pour renverser, à grands coups de riffs abrasifs et de cuivres majestueux, ce constat on ne peut plus régressif.
David contre Goliath
Chez Yorke et Greenwood, on prend toujours garde d’ignorer les critiques pour mieux en tirer des leçons. Wall of Eyes justifie à lui seul l’existence de The Smile, prouvant toute sa singularité. Dans son coeur pulse le même sang que dans celui de Radiohead mais une âme autre anime sa musique. Rarement nous n’avons connu un Yorke aussi sensuel que dans Teleharmonic, aussi décalé que dans Read the Room ou aussi progressif que dans Under our Pillows.
Plus mature et plus homogène, l’atmosphère crépusculaire et paranoïaque de Wall of Eyes n’a rien à envier aux chefs-d’oeuvre de Radiohead. Mieux encore, il libère The Smile de la tyrannie du quintet d’Abingdon, jouant ici le rôle déterminant de David contre le Goliath du rock expérimental . On peut s’en réjouir. Si Radiohead doit un jour revenir, on sait désormais que The Smile nous observera dans l’ombre de son pendant mythique, attendant le bon moment pour à nouveau nous adresser son rictus sardonique.
Wall of Eyes de The Smile, XL Recordings, 2024.
