Figure majeure du dernier groupe surréaliste, Annie Le Brun retrouve enfin ses lecteurs en ce début d’année 2024 par la réédition chez Gallimard de son recueil majeur Ombre pour ombre.
Personnage discret de la vie littéraire française, cette poétesse incontournable pour qui s’intéresse aux plumes contemporaines s’est toujours positionnée en dehors du vacarme de la Société du spectacle selon l’expression de Guy Debord. Vent debout contre la marchandisation du monde et le bradage de nos territoires intérieurs sur le grand marché consumériste, Le Brun offre par son lyrisme une arme efficace de lutte contre les différents périls de notre époque.
Pourtant, ses textes ne versent jamais dans l’engagement politique : déjà, au temps du règne de Sartre dans les années 1960, elle choisit André Breton depuis longtemps revenu de sa première foi communiste. Rejetant les compromissions partisanes mais peu complaisante envers l’ordre sociale, sa révolte s’exprime essentiellement par la voie du surréalisme, seule mécanique créatrice capable selon elle d’éclairer les aspirations réelles et profondes de l’être humain.
En se rangeant dans sa jeunesse du côté de l’auteur des Champs magnétiques contre l’existentialisme alors en vogue, Annie Le Brun décida d’incarner la poésie, de l’intérioriser dans tous les actes de son quotidien comme la seule arme en mesure de Transformer la vie selon le mot de Rimbaud. Un pari gagnant, meilleur gage contre le vieillissement et les différentes marques du temps qui n’épargnèrent guère bon nombre de plumes ayant préféré tabler sur l’engagement idéologique…
