Métamorphoses

Xavier Couture

Ovide est peu enseigné de nos jours. C’est dommage. Né à la mort de Jules César, il accompagnera la naissance de l’Empire romain. Un temps apprécié par Auguste, il connut la disgrâce et termina ses jours à Tomis, au bord de la mer Noire. Poète, fabuliste, historien, on pourrait même le qualifier de sociologue tant son regard sur le monde fut empreint de délicatesse, mais aussi d’une rigueur d’observateur sans cesse alerté par les mutations de l’époque. Il a écrit une somme : Les Métamorphoses. Il a laissé avec cette œuvre une analyse au scalpel de la société de son temps, en s’appuyant sur une lecture presque encyclopédique de l’histoire, depuis la Haute Antiquité jusqu’à l’avènement de la dynastie des Césars. Moins soumis que Virgile aux desiderata d’Octave devenu Auguste, il en paya le prix avec cet édit de la toute puissance impériale le condamnant à la « relégation », habile décision permettant au maître de Rome de ne pas prononcer l’exil ou, pire, la détention de ce patricien fortuné, poète, intellectuel admiré de ses contemporains.

En se penchant sur Les Métamorphoses, on découvre de dérangeantes similitudes avec notre siècle, jusqu’à y déceler une sorte de parallèle. En l’absence de passé glorieux, L’Empire romain doutait de lui-même. L’obsession d’Auguste à se doter d’un prestige historique et culturel lui fit commander l’Énéide, Virgile reprenant le flambeau des Troyens pour faire de Rome la rivale vengeresse d’Athènes. La Grèce demeurait un phare intellectuel dont la lumière projetait ses ombres sur le jeune empire créé par Octave sur les cendres de César. Ce passé imaginaire permit à Rome d’asseoir son avenir pendant cinq siècles. La vérité d’alors entraînait le monde vers le futur, les valeurs partagées avaient le goût de l’espérance, la vision collective ne formulait aucun doute sur la pertinence de ses choix. On critiquait le comment, jamais le quoi et on ne se posait la question du pourquoi qu’à l’occasion de joutes théoriques entre philosophes. La marche est une succession de déséquilibres dont l’avancée est la conséquence.
Faire autrement, mais faire, ne pas rester les bras ballants face à nos peurs.
Le parallèle avec notre siècle est tracé par ce fatras informe de doutes sur le bien-fondé de notre raison d’être, question existentielle permanente et si mal formulée. L’immense majorité de nos comportements quotidiens se trouve en contravention avec l’intérêt général tel qu’il nous est proposé, ou imposé, par une vox populi dont nul n’identifie vraiment l’auteur du bréviaire. C’est une réalité qui nous renvoie au sens ou au non-sens profond de tous nos actes. Manger, et de la viande en plus, vous n’y songez pas, j’espère ? Vous déplacer ? Vous offrir des kilomètres de pollution carbonée, dans votre véhicule bourré de particules fines et crachant du CO2 ? Vous n’avez pas honte ? L’avion ? C’est indécent ! Célébrer la culture occidentale, cette civilisation qui a asservi le reste de la planète, pillé ses richesses, vous avez donc perdu tout sens moral ? De grâce, évitez le plastique, cessez de vous chauffer à tort et à travers, ne gâchez plus un tiers de ce que vous achetez. Bref, soyez vertueux à la place de ceux qui vous gouvernent, de tous ceux qui produisent et qui vendent. Votre présent n’a pas d’avenir, bonnes gens, alors inventez-le !

L’humanité a atteint le nombre de huit milliards d’individus. Principale cause du désastre écologique. 60 % du vivant a disparu. Notre quotidien est inadapté à la préservation de l’espèce, perspective réjouissante pour égayer nos jours. Il est temps de relire Ovide, il est temps d’arrêter le nouveau marché commercial vendu en boucle sur les réseaux sociaux : le bannissement du progrès au profit d’une décroissance aveugle. Cette idée stupide est rabâchée par des ignorants ne comprenant pas qu’il faut changer de monture pour continuer notre route, bouleverser nos habitudes, repenser notre idéal et certainement pas nous arrêter dans le fossé de la nostalgie. Faire autrement, mais faire, ne pas rester les bras ballants face à nos peurs. Revenons à Ovide : « Tant qu’il reste quelque chose, unissons-nous, aux armes ! Prenons les armes ! Regroupons les lances ! ». Il est grand temps.

Notre monde a mal, c’est vrai, mal de ses douleurs d’un siècle qui a vu se dissoudre tant de certitudes. Notre monde est dangereux, difficile. Les peuples sont perdus dans l’obscurité de démocraties à bout de souffle ou de dictatures polymorphes et décérébrées. Mais il n’est d’autre solution que le progrès, il n’est d’autre voie que de croire en nous, de refuser ce scénario d’un ensevelissement sous des avalanches de doutes sponsorisés et de conflits monétisés. L’espoir aussi est une matière première. Le passé imaginé par Ovide et Virgile a donné à leur peuple les raisons de croire à de meilleurs lendemains. En brûlant notre histoire dans la déchetterie de la sous-culture d’une honte gavée à l’ignorance, nous nous privons de l’exploration des voies de l’avenir. Demain est l’enfant d’hier conçu aujourd’hui. L’espèce humaine reste un prodige de créativité, elle doit s’en servir d’urgence pour se redonner l’appétit de la vie....

Ovide est peu enseigné de nos jours. C’est dommage. Né à la mort de Jules César, il accompagnera la naissance de l’Empire romain. Un temps apprécié par Auguste, il connut la disgrâce et termina ses jours à Tomis, au bord de la mer Noire. Poète, fabuliste, historien, on pourrait même le qualifier de sociologue tant son regard sur le monde fut empreint de délicatesse, mais aussi d’une rigueur d’observateur sans cesse alerté par les mutations de l’époque. Il a écrit une somme : Les Métamorphoses. Il a laissé avec cette œuvre une analyse au scalpel de la société de son temps, en s’appuyant sur une lecture presque encyclopédique de l’histoire, depuis la Haute Antiquité jusqu’à l’avènement de la dynastie des Césars. Moins soumis que Virgile aux desiderata d’Octave devenu Auguste, il en paya le prix avec cet édit de la toute puissance impériale le condamnant à la « relégation », habile décision permettant au maître de Rome de ne pas prononcer l’exil ou, pire, la détention de ce patricien fortuné, poète, intellectuel admiré de ses contemporains. En se penchant sur Les Métamorphoses, on découvre de dérangeantes similitudes avec notre siècle, jusqu’à y déceler une sorte de parallèle. En l’absence de passé glorieux, L’Empire romain doutait de lui-même. L’obsession d’Auguste à se doter d’un prestige historique et culturel lui fit commander l’Énéide, Virgile reprenant le flambeau des Troyens pour faire de Rome la rivale vengeresse d’Athènes. La Grèce demeurait un phare intellectuel dont la lumière projetait ses ombres sur le jeune empire créé par Octave sur…

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