Au moment où nous bouclons ce numéro, Taylor Swift vient d’enflammer le Super Bowl, dans la nuit du 11 au 12 février. Des conservateurs américains, Trump en tête, propagent des rumeurs selon lesquelles la chanteuse la plus populaire de la planète serait à la tête d’un dangereux complot pour favoriser la réélection de Joe Biden. On comprend leur angoisse. Suivie par 280 millions de personnes sur Instagram et 95 millions sur X, Swift explose tous les compteurs avec sa tournée triomphale Eras Tour et a depuis longtemps abandonné sa réserve de good girl, émanation country de l’Amérique blanche, pour investir le débat public. Défense des minorités sexuelles et raciales, engagement pro-IVG, incitation de ses fans à s’inscrire sur les listes électorales, soutien au ticket Biden-Harris… La pop star n’en finit pas de démontrer qu’il faut toujours se méfier des jeunes filles sages. «Ce qu’il se passe avec Taylor Swift n’est pas naturel», s’inquiétait sur X, fin 2023, un conseiller vétéran de Trump, Stephen Miller.
Dans l’essai qu’elle confie à Bastille Magazine (lire p.33), la Québécoise Sandrine Galand, professeure de littérature et autrice du Pop féminisme (éd. du Remue-ménage), confirme: «L’adolescence féminine est souvent dépeinte comme incendiaire, instable, voire destructrice. Les ventes de Barbie et du Eras Tour ont prouvé qu’au contraire, la jeunesse au féminin est si révolutionnaire que même les hommes – jeunes ou non – rêvent de se joindre à la fête.»
Voici donc un numéro placé sous le signe de la puissance «pop féministe» et de la liberté conquérante. Avec de prestigieuses invitées, artistes et autrices: de Maïa Mazaurette, chroniqueuse à «Quotidien» et au Monde, et sa «Carte blanche» (lire p.8), à Olivia Ruiz et ses «Morceaux choisis» (p.26) en passant par Karine Tuil, Louise Chennevière et Anne Pauly (prix du Livre Inter 2020). Et même un homme, Nikos Aliagas, qui propose ses «Portraits de femmes» en photo (p.64). À la une, l’illustratrice Aline Zalko a réuni Taylor Swift et Britney Spears dans un road trip que rien ne semble arrêter. Si vous regardez bien, la première lit Bonjour tristesse de Françoise Sagan, dont l’héritage hédoniste et subversif perdure (lire p.11) auprès des nouvelles générations. «Je me rendais compte que l’insouciance est le seul sentiment qui puisse inspirer notre vie et ne pas disposer d’arguments pour se défendre.» Pas mieux.
