Les mots pour le dire
Hind Meddeb
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Hind Meddeb
Le 23 mars 2023, neuvième journée de mobilisation contre la réforme des retraites. La colère est à la hauteur de l’inventivité des slogans qu’essaime cette foule joyeuse et nombreuse s’élançant dans Paris pour dire non à une décision qu’elle juge arbitraire.
« Va te faire foule ! », « 16/64 c’est une bière pas une carrière ! », « Nous ne battrons pas en retraite », « Qui sème la misère récolte la colère », « À force de tout nous prendre, on n’a plus rien à perdre », « Frigo vide, violence du désespoir », « On n’a pas le bac, on aura la bac », « Nous ne sommes pas la foule, nous sommes le peuple » : les slogans se bousculent et ne se ressemblent pas, ils ont été imaginés par des milliers d’individus inquiets pour leur démocratie.
Je n’ai pas vu autant de monde dans les rues de Paris depuis la manifestation en solidarité avec Charlie Hebdo le 11 janvier 2015. Les syndicats dénombraient 800 000 manifestants contre 100 000 selon la Préfecture. Serrés les uns contre les autres, de la place de la Bastille jusque sur les Grands Boulevards, on peine à avancer. Je me faufile entre les corps qui forment une seule et unique masse compacte déterminée à se faire entendre. Je photographie les visages de la révolte. Le 23 mars 2023, l’inventivité et l’humour débordent. Des dizaines de citoyens ordinaires ont fabriqué chez eux les pancartes qui disent leur rage et leur désarroi.
Lors de cette journée, ce qui m’a frappée, c’est la présence massive de la jeunesse et la solidarité entre les générations. Des collégiens jusqu’aux mamies retraitées, tout le monde est là, souvent en famille, mère-fille, père-fils. On est descendu dans la rue ensemble et il semblerait que ce ne soit pas seulement contre la réforme des retraites mais aussi pour défendre un modèle de société qu’on est là. Les slogans sont à la fois tragiques et drôles.
Parmi les dizaines de photos que j’ai prises ce jour-là, j’ai choisi de mettre en avant la diversité des slogans que j’y ai croisés et de documenter ainsi ce qui se joue depuis dans la rue : la résistance par les mots, la révolte par l’humour. Mes photographies n’ont pas de légende car les slogans portés par ceux qui les brandissent parlent d’eux-mêmes.
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