Ah, ça ira

Nichée sur une île du fleuve Erne, la ville d’Enniskillen, dans le comté de Fermanagh en Irlande du Nord, étire sa rue principale au long d’une galerie marchande où Marks & Spencer débite ses scones. Au loin, à travers les rideaux de pluie, un château, un pub prestigieux, le – ou l’un des – plus ancien d’Irlande, Blakes of The Hollow, et la charcuterie O’Doherty’s, autoproclamée pionnière du black bacon. Rien d’exceptionnel direz-vous… Mais si, par miracle, la pluie se calme, le visiteur ne pourra manquer la mélancolique statue d’un conscrit britannique, perdue au milieu d’un étroit carrefour. Quelques bouquets de fleurs et, pour les plus observateurs, une plaque apposée sur un mur, viennent en rhabiller la solitude. C’est là, au cœur d’une ville farouchement catholique qui osa élire en 1981 le détenu Bobby Sands qui devait mourir un mois plus tard dans sa cellule de la prison de Maze à l’issue d’une grève de la faim de 66 jours, que le 8 novembre 1987, une bombe déposée par des dissidents de l’IRA, l’Armée républicaine irlandaise, explosa un peu trop tôt pour atteindre sa cible, une troupe de soldats britanniques. À 10 h 45, elle fit dans la foule 11 morts et 63 blessés. Pour cette erreur de timing, les maladroits artificiers de l’IRA provisoire présentèrent leurs excuses. À l’époque Darragh McKeon avait 8 ans. Il vivait à Sligo, non loin de la frontière séparant les deux Irlandes. « À l’annonce du massacre, notre maison fut pétrifiée dans le silence. » De cet événement tragique, Enniskillen a fait son deuil. Seulement…