Goncourt, Renaudot… Le prix à payer

Emmanuel Poncet

« Le Goncourt, c’est un peu comme l’élection de Miss France. Sans avenir » lança un jour Patrick Modiano dans une interview à Livres Hebdo. Il y avait évidemment chez l’écrivain un brin de malice et de provocation à étriller le plus célèbre des prix français alors qu’il en avait déjà été lauréat pour Rue des Boutiques obscures, en 1978. Et figurait déjà au sommet des auteurs contemporains. Une sacrée ironie – de l’histoire – aussi quand on songe qu’il fut mondialement reconnu en décrochant ensuite le prix Nobel de littérature, en 2014. Mais derrière la phrase de Modiano, comme derrière toutes les phrases de Modiano, on saisissait un sous-texte, un non-dit, une mélancolie, une finesse, au-delà de la pirouette, une fausse sentence masquant un vrai questionnement: que signifie au fond pour un auteur ou une auteure d’obtenir un prix, fors l’hystérie médiatique, des chiffres de ventes qui explosent, du train de vie, des regards qui changent, parfois, du jour au lendemain? Que recèle et provoque cette reconnaissance, plus ou moins massive selon la nature du prix, sur le travail si intime et solitaire de l’écriture? Sur l’image publique ou, simplement, l’image de soi? Dans ce nouveau numéro, Bastille Magazine prend le temps d’explorer et d’analyser « l’après », comme à son habitude sur les grands sujets de l’époque. « L’après-Goncourt », avec Jean-Baptiste Andrea qui confie à Isabelle Lortholary ce qui reste, ce qui bascule, une fois passée la vague médiatique (p. 18). Car le Goncourt, on l’a et on l’est à la fois, à vie, explique l’auteur de Veiller sur elle (éd. L’Iconoclaste). Un peu comme un président de la République des Lettres. « L’après Renaudot », avec Ann Scott, lauréate 2023 pour Les Insolents (éd. Calmann-Lévy), qui révèle à Virginie François ce geste émouvant qu’elle a accompli une fois obtenu le prix (p. 31). Ou encore Mokhtar Amoudi, lauréat du prix Envoyé par la Poste et du Goncourt des détenus pour Les Conditions idéales (éd. Gallimard), qui raconte dans notre « Carte blanche » du mois (p. 8) son voyage intérieur dans la galaxie des prix, la reconnaissance, les rencontres, les villes découvertes, le «rêve» accompli de «devenir romancier». Mais aussi la pression que génère le fait de figurer (ou pas) sur les listes, la frustration de perdre en finale. Telle une « Miss France », vue par Modiano. 





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