La traversée du miroir

Emmanuel Poncet

« Étant donné un mur, que se passe-t-il derrière? » se demandait le poète Jean Tardieu dans Un mot pour un autre, en 1951. S’il se retrouvait aujourd’hui, face à l’infinité de plateformes, de supports visuels (écrans de cinéma, de télés 8K, tablettes, smartphones, casques VR…) et de propositions de films et séries qui peuplent nos vies (p. 11), écrirait-il: « Étant donné un mur d’écrans, que se passe-t-il derrière ? » À quelques jours de l’ouverture du Festival de Cannes, incarnation de la toute-puissance symbolique du cinéma, le nouveau numéro de Bastille Magazine vous propose d’emprunter la trajectoire inverse du héros de La Rose pourpre du Caire de Woody Allen (1985), interprété par Jeff Daniels. Ce dernier sortait de l’écran pour rejoindre dans la salle Mia Farrow et le commun des mortels ? Nous vous invitons ce mois-ci à entrer au contraire dans l’image, à « crever l’écran », comme l’enjoint le titre de la nouvelle inédite de Garance Meillon (p. 57), auteure remarquée l’an dernier de La Langue de l’ennemi (éd. Gallimard). Elle y narre les sinusoïdes amoureuses et existentielles de Camille, qui « projette » littéralement sur Erwan, un acteur avec lequel elle a eu une histoire et qui « a un film à Cannes », comme elle le scande obsessionnellement. Mais lequel des deux se fait vraiment des films ? Mystère… Traverser l’écran, c’est aussi explorer les passages secrets du cinéma, la genèse d’un film par exemple: à l’occasion de l’exposition consacrée à L’Art de James Cameron par la Cinémathèque française, Alix Van Pée plonge dans les cartons à dessins de ces cinéastes qui peignent, esquissent et croquent avant de tourner leurs films (p. 22). Cameron, donc, mais aussi Scorsese, Tim Burton et Fellini. En exclu pour Bastille Magazine, Riad Sattouf, à la fois dessinateur (L’Arabe du futur, Les Cahiers d’Esther) et cinéaste (Les Beaux Gosses, Jacky au royaume des filles) nous dévoile les liens profonds qui unissent l’illustration et le cinéma, et les techniques qui différencient 7e et 9e arts (p. 25). Enfin, le Festival de Cannes, c’est aussi ce moment singulier où le cinéma s’affiche en tant qu’industrie spectaculaire. Un an après que Justine Triet, Palme d’or 2023 pour Anatomie d’une chute, a provoqué l’ire du gouvernement en s’inquiétant de l’avenir du cinéma, nous nous penchons sur les ressorts de son système de financement – par les plateformes et les chaînes de télé, le CNC… (p. 45). Étant donné 300 films produits par an, un record, que se cache-t-il derrière cette exception française (p. 73) et est-elle menacée ?



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