Ses cheveux seront tombés avant le verdict. Le visage encore plus émacié, dessinant ses pommettes comme des arêtes de montagne, il s’est dégarni, son visage s’est creusé, mais il n’a pas tellement changé. Alors que le fantasme collectif et les enquêteurs chevronnés l’imaginent multi-opéré par d’éminents chirurgiens esthétiques, il a misé là-dessus pour disparaître et se fondre parmi les autres : laisser le temps agir sans lui forcer la main, préférant le travail besogneux des jours qui passent à celui, plus […]
Ses cheveux seront tombés avant le verdict. Le visage encore plus émacié, dessinant ses pommettes comme des arêtes de montagne, il s’est dégarni, son visage s’est creusé, mais il n’a pas tellement changé. Alors que le fantasme collectif et les enquêteurs chevronnés l’imaginent multi-opéré par d’éminents chirurgiens esthétiques, il a misé là-dessus pour disparaître et se fondre parmi les autres : laisser le temps agir sans lui forcer la main, préférant le travail besogneux des jours qui passent à celui, plus spontané, des bistouris. Les personnes qui le croisent et connaissent l’affaire le disent peut-être, s’en amusent, « il a des airs non, tu trouves pas ». Ce visage neutre, sans singularité, d’une banalité sidérante, trouble plus qu’il ne devrait, on s’interroge, mais il manque quelque chose pour que les suspicions s’épaississent, pour transformer la plaisanterie en un signalement aux autorités et apporter des ennuis inutiles à cet honnête marchand de glaces de la Costa del Sol. Il manque une réelle conviction, il manque dix kilos, douze ans, et des cheveux, donc. Ce qui est aujourd’hui sa force, pouvoir être n’importe qui, un quidam parmi les quidams, a probablement été sa faiblesse par le passé, une des causes du drame, peut-être ; cette volonté profonde et organique de pas être n’importe qui, lui dont la mère pensait qu’il était l’élu, dans un délire plus christique que maternel, et qu’à ce titre, il avait tous les droits, sauf celui d’être ordinaire. Depuis Roquebrune-sur-Argens et sa dernière apparition connue à un distributeur de billets, il s’est établi…
La suite est reservée aux abonné(e)s
Déjà abonné(e) ? connectez-vous !