Le professeur, le rabbin et la BD

Admise au rang d’art, le neuvième, la bande dessinée a connu d’importantes évolutions, jusqu’à être le sujet d’une chaire au Collège de France. Rencontre entre Benoît Peeters, spécialiste de cet « art neuf », et Haïm Korsia, grand rabbin de France et amateur du médium. La bande dessinée pouvait-elle rêver plus belle reconnaissance ? En confiant à Benoît Peeters sa chaire annuelle Création artistique, le Collège de France a donné de nouvelles lettres de noblesse à un « art neuf », selon la formule choisie pour le titre de la leçon inaugurale, qui connaît un succès commercial grandissant mais peine encore à se faire admettre dans les milieux intellectuels. Or, la BD est au carrefour de deux disciplines majeures : le dessin et la littérature. Spécialiste d’Hergé, théoricien et critique, auteur de la saga des Cités obscures avec le dessinateur François Schuiten, Benoît Peeters est intarissable sur l’histoire et sur l’esthétique de la bande dessinée. Nous avons organisé une longue conversation avec Haïm Korsia, grand rabbin de France, qui ne cache pas son amour de la BD.   Haïm Korsia : De la bande dessinée au Collège de France, que dit cette consécration tardive ? Benoît Peeters : Cette reconnaissance de la bande dessinée est le résultat d’un long cheminement, différent suivant les pays. C’est ainsi que le choix d’une appellation noble, graphic novel, a représenté une étape très importante aux États-Unis : pendant longtemps, la bande dessinée n’y entrait ni dans les librairies ni dans les bibliothèques. C’était une sorte de produit de niche, réservé aux passionnés de superhéros…