
Reflets du Japon
texte et photos par Philippe Charlier
Étiquettes: BM34
texte et photos par Philippe Charlier
J’étais parti au Japon en pleine saison des pluies: juillet-août. La chaleur accablante, la moiteur, aussi. Dans mon sac il y avait Barthes (L’Empire des signes), Bouvier (Le Vide et le Plein), Hearn (Fantômes du Japon) et Mishima (Le Pavillon d’or). Au sud de l’archipel, un volcan était entré en éruption. Au nord, un typhon couchait les arbres sur le sol. Entre Tokyo et Kyoto, le ciel plombé cachait le soleil d’une chape ténébreuse. Au large de Kanagawa, la mer était déchaînée comme dans une estampe d’Hokusai. Et chaque jour, sur les quais du métro, dans les sièges confortables du Shinkansen et sur les trottoirs des mégalopoles, j’avais l’impression de cheminer dans une «image du monde flottant» (ukiyo-e)… Qu’est-ce qui avait changé? Quand Depardon réalise son Japon Express en 2016-2017, a-t-il vu autre chose?
Chacune de ces femmes a joué un rôle dans l’écriture de mon récit, et j’en ai gardé une trace, avec son accord, dans ces clichés: Aiko, qui attendait son train pour Shibuya en consultant l’emploi du temps de sa semaine; Hachiko et Noriko, se rendant à leur cours de shamisen dans le quartier de Shinjuku; Sakura, en habits traditionnels, allant prier pour ses parents au sanctuaire de Sens-ji; Yoko, rentrant du lycée à vélo et descendant du bateau sur le quai de Miyajima; Junko, dans un marché de nuit, rentrant d’une cérémonie officielle à Hiroshima; Chiharu, qui visitait en famille le château d’Himeji; Azami, qui passait des heures à examiner le moindre détail des peintures du musée archéologique de Nara; et puis Ai et Inari, mes voisines de train, sur la route de Kagoshima et Kobe.
Chacune m’a parlé de sa condition, de son rôle dans la société japonaise, de son effacement ou au contraire de son émancipation. Derrière l’ordre et l’étiquette policée, le chaos et la violence. Sous le rocher lisse, en profondeur: la lave en ébullition. Pour le Japon, il faut une double exposition; ces clichés n’en sont qu’un reflet, tantôt couleurs, tantôt noir et blanc. Mais rien ne dure, là-bas comme ailleurs. Tout n’est qu’évanescence…
Hachiko et Noriko (Tokyo, 2024).
Sakura (Tokyo, 2024).
Yoko (Miyajima, 2024).
Junko (Hiroshima, 2024).
Azami (Nara, 2024).
Ai (Kagoshima, 2024).
Inari (Kobe, 2024).
PIETÀ,KUBRA KHADEMI© Bertrand Michau, collection particuliere Lyon...
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