Claire Griois offre un monologue puissant sur le sentiment amoureux et le deuil. Une incantation à l’être aimé, tué en manifestation. J’ai cru d’abord qu’il me serait impossible de parler d’amour. Les différents examens de mon cœur n’ont pas donné grand-chose, mis à part quelques élans enthousiastes – la joie de se sentir amoureux, et d’apprécier lire dans le regard de l’autre cette meilleure version de soi-même – rapidement matés. On ne m’a pas appris à aimer. On m’a inculqué l’art de la fuite, celui de l’esquive, de l’ambiguïté et des grandes dérobades. L’amour a détruit ma famille ; qu’aurais-je pu faire avec cela ? sinon imaginer sans cesse que les sentiments nous tuent, encore pire que les PFAS ou le glyphosate, et qu’il faut impérativement lutter contre. Veiller à ne pas aimer mieux, à ne pas aimer plus, s’interdire la possibilité de perdre (la tête ou la vie) davantage qu’une toute petite mise de départ. Être un mal-aimeur. Avec ce guide pratique de survie pour les nuls, j’ai tout foutu en l’air. Tandis que mon cœur s’est converti en sous-marin nucléaire invisible, menant une existence autonome, déconnectée de l’ensemble, et naviguant seul sous mes os, et mes muscles, et la mer de sang. Récemment, sous l’effet de forces mystérieuses et imprévisibles, j’ai été aspiré par de grands yeux bleus, j’ai été caressé par un sourire immense. Quelque chose s’est produit : je me suis mis à aimer. C’est cette exacte raison qui me conduit à recommander ce petit très grand premier roman…
