Délicate opération

Aussitôt assise en face d’Andréa et moi, Laurence n’a pas pu se retenir :  — Vous faisiez du rugby, ado ? En demandant ça elle le regardait par en-dessous, ses yeux se déplaçant de l’arête du nez à la bouche, et j’ai eu envie de la frapper. Depuis le temps que Laurence et ma mère étaient amies, je reconnaissais ses inflexions, le soin qu’elle pensait prendre à poser ces questions indiscrètes – parfois on se demandait si ça n’était pas juste pour pouvoir dire qu’elle était chirurgienne esthétique. — Absolument pas, a répondu Andréa, et il souriait, mais il a plongé le nez dans son verre de vin, l’a laissé là longtemps, comme s’il en savourait les arômes. J’ai passé tellement de temps moi-même à vouloir faire oublier mes dents de devant que j’ai trouvé ça charmant, je pensais à la main que je ne pouvais pas me retenir de mettre devant ma bouche en riant lorsque j’étais petite.  — Une bagarre, alors ? a repris Laurence, qui ne comprenait pas le langage corporel, et je sais qu’elle ne cherchait pas à l’embarrasser, mais je lui ai lancé un coup de pied discret sous la table, qui ne l’a pas dérangée. — Comment ça ? Andréa a relevé le visage de son verre, l’a regardée avec une défiance qui contredisait son sourire. Laurence n’a pas semblé saisir la bizarrerie de l’ensemble, elle était toute à sa fierté d’avoir débusqué la supercherie. — Vous avez fait retoucher votre nez, et je dois dire que c’est extrêmement…