Jann Haworth, certains l'aiment pop

Calamity Jann

Mathieu Perez

Créatrice de la pochette de Sgt. Pepper’s, son nom est indissociable du pop art et des Beatles. À 81 ans, Jann Haworth, féministe et pionnière de l’art textile, ne cesse de remettre son ouvrage sur le métier. Itinéraire d’une enfant d’Hollywood.

 

Elle a fait d’une malédiction une chance. Depuis 1967, pas un jour sans qu’on ne lui parle de la pochette mythique de Sgt. Pepper’s, qu’elle a conçue avec son ex-époux Peter Blake. Et sans qu’elle doive rappeler qu’elle l’a cosignée. Elle a longtemps été effacée de cette histoire. Même leTrivial Pursuit ne la mentionnait pas! Aujourd’hui, il arrive encore que l’artiste américaine Jann Haworth ne soit pas créditée pour cette contribution historique. Comme d’autres femmes, elle a dû surmonter une kyrielle d’obstacles. De cette blessure est né un projet formidable : réinterpréter cette fameuse pochette dans des fresques murales en remplaçant la foule d’hommes par une multi- tude de femmes. Bye-bye John, Paul, George and Ringo ! Hello Lady Eve Balfour, Vera Brittain, Amy Johnson, Sylvia Plath !

Sous son impulsion, 130 personnalités féminines envahissent en juin la National Portrait Gallery de Londres, à l’occasion de la réouverture du prestigieux musée après trois années de travaux. Et pas n’importe lesquelles : des scientifiques, des aviatrices, des artistes, des sportives, des activistes… Elles sont connues, méconnues, parfois tombées dans l’oubli, parfois rayées de la carte. « Elles sont très présentes dans la culture, mais on ne le sait pas parce qu’on ne les voit pas. » Désormais, on peut les voir en grand sur les sept panneaux qui forment une fresque de plus de huit mètres de longueur. Belle façon de boucler une boucle, with a little help from her friend, sa fille Liberty Blake.

En mars, une maquette était exposée à la galerie Gazelli, à Londres. C’est là que Jann Haworth, 81 ans, nous a convié pour une rencontre. Elle est à l’image de ses œuvres : engagée, douce, solaire. Dans l’expo, il y a d’autres travaux récents. Au rez-de-chaussée, on découvre d’abord deux tuniques d’inspiration amérindienne, traver- sées par des rouleaux de pellicules de cinéma. La première tunique est constellée de scènes de westerns ou de road movies qui ont déconstruit les mythes fondateurs de la culture américaine, tels Easy Rider, Butch Cassidy and the Sundance Kid, Thelma & Louise. Dans la seconde tunique, ce sont des films en noir et blanc : Sunset Boulevard, What Ever Happened to Baby Jane?, Certains l’aiment chaud… Plus loin, voilà des corsets en tissu et peints à l’huile, montés sur des châssis en bois ronds. Au premier étage, des scènes de manifestations, réalisées en carton. Sans oublier une sculpture en tricot figurant son arrière-grand- mère. Le textile, le carton, le bois, le textile surtout, sont ses matériaux de prédilection pour exprimer la féminité, le cœur de son œuvre. « Ce thème n’a pas toujours été à la mode », souligne Jann.

Elle sait de quoi elle parle. Elle est l’une des très rares femmes du pop art british, et du pop art tout court. « Quand j’arrive à Londres, en 1961, j’ai 19 ans. Je découvre une ville encore très marquée par la guerre. Pour moi, venant de Los Angeles, c’était fascinant. » Une ville en noir et blanc pour une cinéphile, que demander de mieux ? Elle croise vite le chemin d’un groupe d’étudiants en art, dont Derek Boshier [lire Bastille n° 13] et David Hockney. Ils sont pour l’essentiel au Royal College of Art (RCA), l’école publique où ils inventent le pop art. Elle est à la Slade, école rivale, privée et conservatrice. « Étudiante, j’ai épousé Peter Blake, de dix ans mon aîné. Il était proche des jeunes de la RCA. Je me suis mise à les fréquenter. »

 
Une ville en noir et blanc pour une cinéphile, que demander de mieux ?
 

Auprès d’eux, elle découvre tous les tics de la culture britannique. Le système de classe, of course. « Ce qui m’a frappé, c’est que les Anglais ne posaient pas de questions personnelles, discrétion oblige. Dommage, j’avais une culture encyclopédique des marques que détournaient ces jeunes que l’Amérique faisait rêver. » Et d’ajouter : « Avec le recul, je me rends compte qu’ils ne s’intéressaient qu’à l’iconographie américaine. Pourtant, ils avaient de quoi faire avec la tour OXO de Londres et son magnifique sigle ou le dentifrice Euthymol. Ils préféraient Campbell’s Soup à la sauce Bisto. » Autre tic : « Ils ne parlaient jamais de leurs propres travaux. Ils ne voulaient pas passer pour des intellectuels. »

Pour les femmes, le Londres de 1961 n’est pas la ville la plus accueillante. « Quand j’ai montré mon portfolio à la Slade, l’un de mes tuteurs m’a dit qu’ils regardaient uniquement nos photos d’identité. Les filles servaient à divertir les garçons. » Les étudiantes sont rares : à la Slade, elle est seule. À la RCA, elles ne sont guère nombreuses : il y a l’étoile filante du pop Pauline Boty, dans la section vitrail, ou Zandra Rhodes, dans la section mode. Jann ne se laisse pas démonter. « Je savais que j’étais l’égale des hommes. Dans ma famille, on respecte les femmes. »

Comment exister artistiquement dans un tel contexte ? « Il y avait beaucoup de concurrence entre les étudiants. J’ai trouvé autre chose que la peinture pour m’exprimer : le tricot. J’étais la seule à maîtriser ça parfaitement. Ma mère, artiste, m’avait appris à utiliser une machine à coudre dès mon plus jeune âge. » Et c’est avec une machine à coudre et une bonne dose d’humour qu’elle pratique un pop art joyeusement féministe. Elle créé des « sculptures molles », comme elle les appelle. Elles ne sont pas du goût de tout le monde : « En voyant mon chien en étoffe, Eduardo Paolozzi, l’un des initiateurs du pop, m’a dit que pour que ce soit de l’art, je devrais le faire en bronze. Mais pour moi, le tricot c’est aussi noble que le bronze ! »

Parmi ses sculptures emblématiques, Mae West devant sa coiffeuse, « et pas Marilyn. Car Mae West était séduisante, et surtout pleine d’esprit. » Lorsqu’un ami de Hugh Hefner lui commande un mannequin en tenue sexy pour le patron de Playboy, elle fabrique à la place la femme idéale : « Elle est à la fois asiatique, africaine, mexicaine, caucasienne, et elle porte un uniforme de femme de chambre, car c’est une femme qui travaille. »

Son rapport à la couture est profond. Elle le doit aux femmes de sa famille. De vraies battantes. « Ma grand-mère et mon arrière-grand-mère gagnaient leur vie en cousant. Pendant la Grande Dépression, elles fabriquaient des tabliers et des maniques qu’elles vendaient au porte-à-porte, alors que mon grand-père était au chômage. » Les « sculptures molles » tapent dans l’œil de Robert Fraser, le marchand d’art qui sera le plus branché des années 1960. Il la prend sous son aile. « Avec Bridget Riley et Yoko Ono, nous étions les seules artistes femmes de sa galerie. » Elle parle de lui avec beaucoup d’affection : « Il m’a donné ma chance. Et il avait un œil incroyable. Quand il a ouvert sa galerie en 1962, il parlait peu parce qu’il bégayait terriblement. Toute conversation était pour lui une épreuve. Puis, il a suivi une thérapie pour son bégaiement et ça a à peu près disparu. »

La vague pop déferle sur Londres. Et elle emporte tout sur son passage, les arts plastiques, la musique, la mode… Grâce à Fraser, Jann décroche la pochette de Sgt. Pepper’s, en 1967, qu’elle concocte avec Peter Blake. Là aussi, sa façon d’aborder cette commande lui ressemble : jamais dans la facilité. Une fois validé le concept des Beatles placés au milieu d’une foule, elle apporte sa touche : les fleurs disposées de manière à inscrire le nom du groupe, son idée. L’inscription du nom de l’album sur la peau du tambour, c’est encore elle. La présence de Mae West, W.C. Fields, Richard Lindner, elle toujours. La grand-mère, à droite de la pochette, avec Shirley Temple sur ses genoux, ce sont ses créations en tricot. On serait même tenté de dire que le côté décor de cinéma, c’est un peu son idée.L’artiste a grandi sur les plateaux de ciné. C’est une enfant de la balle. Elle a vu des dizaines de films être tournés sous ses yeux aux premières loges d’un des aspects le plus créatif : la fabrication de décors. Son père Ted Haworth avait commencé comme illustrateur chez Disney avant de devenir décorateur et directeur artistique. Sa fille le suit partout. Certains ont une bande originale de leur vie. Jann a la filmographie de son père pour se repérer. Le souvenir le plus hitchcockien ? « Grimper sur les chevaux de bois du carrousel qu’on voit dans la scène de fête foraine de L’Inconnu du Nord-Express ». Le plus ancien ?

« Le producteur Frank King, des sulfureux King Brothers, me donnant 50 cents pour faire du cinéma. » Le plus marrant ? « Passer des journées entières avec les créateurs d’effets spéciaux sur le tournage de L’Invasion des profanateurs de sépultures, film de science-fiction de Don Siegel ». Le plus politique ? « Rencontrer des acteurs et des scénaristes blacklistés au temps du maccarthysme. » Le plus marquant ? « Être aux côtés de mon père pendant le tournage du Jour le plus long, en Normandie. » Le plus déplaisant ? « Arthur Miller sur Certains l’aiment chaud. Quand mon père lui a annoncé que je voulais devenir écrivaine, il m’a demandé si j’avais déjà écrit quelque chose. J’ai répondu non. Il m’a dit que je n’écrirais jamais rien. » Une anecdote formidable ? « À mi-chemin du tournage de la scène de la salle de bal, Billy Wilder a voulu changer d’angle de prise de vue. Il a consulté mon père qui a fait un croquis à l’encre de Chine. Puis il s’est levé pour parler avec les techniciens. L’instant d’après, Marilyn était assise sur sa chaise. Mon père a dû décoller le dessin de ses fesses. Pendant qu’il faisait ça, il disait : “C’est le plus beau moment dans la vie d’un imprimeur !” Ça a ruiné sa robe… » Un détail pour cinéphiles ? « Mon père insistait pour que le film soit tourné en couleur. Il avait créé les décors et les costumes dans des teintes sourdes. Seule Marilyn devait apparaitre dans des couleurs vives. Mais Wilder n’aimait que les films en noir et blanc… » Oui, le Hollywood de Jann n’a rien à voir avec celui de Warhol. Nulle idolâtrie ici, mais une créativité constante, une ambiance fami- liale, et la preuve que les adultes peuvent rester de grands enfants.

 
 Certains ont une bande originale de leur vie. Jann a la filmographie de son père pour se repérer.

 
Le surréalisme hollywoodien a façonné son imaginaire. Elle l’a assaisonné de pop art. Exemple : le cow-boy, datant de 1964. « C’est une sorte de dieu grec dans la culture américaine. Le faire en tricot, c’est-à-dire dans une matière féminine, et grandeur nature, c’était une façon ironique de le subvertir. » Sa peau et ses vêtements sont tout blancs : « Est-ce un fantôme ou un moule en plâtre, comme si j’allais le réaliser en bronze ? C’est aussi un clin d’œil au film L’Invasion des profanateurs de sépultures, où les humains sont remplacés par des clones. Pour fabriquer le clone de l’acteur Kevin McCarthy, mon père avait moulé sa tête et son corps. Et il apparait tout blanc à l’écran. » Ce cow-boy, Derek Boshier y a immédiatement pensé quand nous l’avons sollicité pour une illustration : « J’adore cette sculpture, son attitude. Ça m’a donné envie de dessiner un cow-boy Jann ! »

Tout chez l’artiste évoque Hollywood. « Quand je lui ai annoncé que j’allais me marier, mon père savait que Paddy Chayefsky, son grand copain scénariste, venait à Londres. Il lui a demandé de rencontrer Peter Blake pour s’assurer qu’il était bien pour sa fille. On s’est retrouvé dans un pub car il voulait manger des fish and chips. Puis, il a dû partir parce qu’il avait un rencart, disant qu’il nous rejoindrait plus tard dans la soirée au York Minster, un pub de Soho fréquenté par les artistes. On l’a attendu jusqu’à la fermeture et même après, dans le noir. Soudain, la porte s’est ouverte. Paddy est entré, accompagné d’une femme dont la silhouette était ciselée par la lumière du réverbère de la rue. C’était Kim Novak. »

Pour Jann, être artiste, femme, mère, c’est une seule et même chose. « À partir de 1967, il y a eu un grand retour vers la campagne. Le petit monde de Londres commençait à fonder des familles. Peter et moi passions de plus en plus de temps en dehors de la ville. C’était aussi une manière de  rompre avec le pop art. » Le couple s’installe dans une ancienne gare de village qu’ils aménagent, à Wellow, au sud de Bath. « Vu de l’extérieur, cela peut sembler être une posture. De l’intérieur, c’était la volonté d’éveiller les enfants à la nature. » Lorsqu’elle découvre l’éducation très conservatrice que reçoit sa fille Liberty à l’école du village, le projet d’ouvrir une école primaire murit dans sa tête. Puis elle passe à l’action. « La Looking Glass School a existé de 1977 à 1983. Elle plaçait les arts au centre de l’enseignement. Il y avait une enseignante et des parents donnaient des cours. » Liberty Blake se souvient : « Nous étions une classe de huit ou dix élèves à peine. Parce que c’était un petit groupe, nous avons appris très tôt la notion de partage ou à résoudre des conflits. Les matières étaient imbriquées les unes dans les autres. Pour étudier le développement du bébé pendant la grossesse, par exemple, on faisait un fœtus en pâte à modeler. Plutôt qu’une rédaction, on créait un journal auquel tout le monde contribuait et on allait le distribuer. Il y avait toujours un élément créatif dans notre façon d’apprendre. » L’artiste s’adapte à sa nouvelle vie. Les conditions sont spartiates. Dans son modeste atelier – une machine à coudre posée sur une table – elle réduit le format de ses sculptures. « Mes parents ont divorcé lorsque j’avais 11 ans, en 1979, explique Liberty. Mon père avait un atelier dans le village. Ma mère créait ses sculptures à la maison et nous élevait en même temps. L’école était le prolongement de son activité artistique. Puis, elle a rencontré l’écrivain Richard Severy et je me suis retrouvée avec trois demi-sœurs. Parce qu’elle travaillait le tricot, elle pouvait s’arrêter à tout moment. Ce qui est impossible avec la peinture. Et c’est un matériau respectueux de l’enfant. Quand mon premier fils est né, je ne voulais plus sentir la térébenthine, alors je suis passée  au collage. Nos vies sont un équilibre entre être artistes et mères. »

Cette appétence pour la pédagogie et la transmission, Jann ne l’a jamais perdue. Et elle est curieuse des autres. C’est sans doute pour cela qu’elle n’a pu s’empêcher de créer une autre école d’art à Sundance, aux États-Unis, en 1997. Pourquoi Sundance ? « Parce que mon père avait travaillé sur le film Jeremiah Johnson, de Robert Redford. Il était devenu très ami avec lui et s’était installé dans cette station de ski de l’Utah, où Redford a fondé son fameux festival. » Cinéma, cinéma.

Le principe d’Art Shack est simple : proposer aux amateurs d’apprendre la peinture, la gravure, le dessin ou encore la fabrication de bijoux. Redford est emballé. Il finance l’école.

 
“Je voulais rendre hommage à celles et ceux qui ont nourri notre culture et qui continuent de l’enrichir.”

 
Quoi de mieux pour des artistes en herbe que de côtoyer des pros ? Il y a des expositions, notamment de Dennis Hopper, Derek Jarman, Anna Gabriel, la fille de Peter Gabriel. « Pour Kent Williams, le mécène, AT&T, m’a demandé de retirer ses nus masculins. Il n’aimait pas l’idée de manger des petits fours devant des peintures de pénis. J’ai proposé de cacher les œuvres jugées offensantes. Et j’ai acheté des rideaux vert pâle, presque transparents. Personne n’a pu résister à y jeter un coup d’œil ! »

Cette activité de pédagogue a-t-elle nui à celle de l’artiste ? Regrette-t-elle tout ce temps passé à se soucier des autres plutôt qu’à son œuvre ?

« Pour survivre, vous devez explorer d’autres voies, comme l’enseignement. Mais ces périodes de jachère m’ont beaucoup apporté et éclairé ce que je fais. Je dirais même que c’est presque aussi important que la créativité initiale. »

Amateur n’est pas un vilain mot chez elle. Depuis l’expérience de la Looking Glass School, elle n’a cessé d’affiner sa méthode pour les non-professionnels afin de leur donner les outils nécessaires pour créer. Elle croit tant en leur capacité créative qu’elle les a invités à partager l’affiche à ses côtés dans son projet de fresque murale inspiré de Sgt. Pepper’s.

En 2003, lorsque Rolling Stone place l’album en première place sur la liste des « 500 plus grands de tous les temps », elle a compté pour la première fois le nombre de femmes sur la pochette : 12 sur 70 personnages. Sur ces douze, cinq sont des actrices. Shirley Temple apparait trois fois. Et si elle remédiait à cela ? « Le street art était la solution. Il est né du pop art, mais il a plus de vitalité et est plus démocratique. Il donne des couleurs aux villes. » Elle trouve un mur de quinze mètres de long sur neuf mètres de haut à Salt Lake City, où elle vit : « Je voulais rendre hommage à celles et ceux qui ont nourri notre culture et qui continuent de l’enrichir. » Elle fait appel à des professionnels aussi bien qu’à des artistes en herbe. Parmi les confirmés, son vieux copain Derek Boshier dessine l’autrice Elfriede Jelinek et Alfred Jarry, l’historien du pop art Marco Livingstone, Kafka et David Hockney, et sa mère, l’artiste Miriam Haworth, les scientifiques Richard Feynman et Rosalind Franklin.

Et puis, elle pousse le curseur encore plus loin : en 2016, elle imagine un concept de fresque représentant uniquement des femmes. Des femmes de tous horizons. Avec la complicité de sa fille Liberty, elle officie comme une sorte de cheffe d’orchestre. Car la plupart des portraits sont signés par des amateurs. Difficile à croire au vu du résultat !

Le projet a démarré aux États-Unis et se poursuit outre-Atlantique. Dans sa commande, la National Gallery de Londres précisait que ce devait être des femmes britanniques, le musée étant dédié à l’histoire de la Grande-Bretagne. Tout a commencé dans des ateliers à travers le pays : au Courtauld Institute of Art, à Londres, au Murray Edwards College, à Cambridge, à la Pallant House Gallery, à Chichester, et au musée Holburne, à Bath. Le procédé de fabrication est accessible à tous : aux participants de choisir une personnalité féminine qui a joué un rôle dans les arts, les sciences, la politique, puis une photo. À partir de celle-ci, ils réalisent un portrait au pochoir. « Il faut les guider avec bienveillance, les encourager, explique Jann. Les compétences créatives sont liées à ce qu’il y a de plus vulnérable en nous. Les participants n’ont pas fait de dessin depuis l’enfance. Avec cette technique inspirée du street-art, le résultat est toujours super ! »

Voilà pour la partie visible. Mais la démarche n’est pas qu’artistique : « Durant le temps de fabrication, vous apprenez la vie de la personnalité que vous représentez, poursuit Liberty Blake. Nous avons animé des ateliers avec des scientifiques, des universitaires mais aussi avec des personnes très fragiles, des femmes victimes de violences. Chacun s’empare de ce processus de façon différente. Il y a des moments bouleversants. J’ai vu des participantes fondre en larmes parce qu’elles faisaient le portrait d’une femme qui avait un lien avec leur mère, par exemple. On ne sait pas toujours lequel. » Jann est d’accord : « C’est un projet plus sensible qu’il n’y paraît. »...

Créatrice de la pochette de Sgt. Pepper’s, son nom est indissociable du pop art et des Beatles. À 81 ans, Jann Haworth, féministe et pionnière de l’art textile, ne cesse de remettre son ouvrage sur le métier. Itinéraire d’une enfant d’Hollywood.   Elle a fait d’une malédiction une chance. Depuis 1967, pas un jour sans qu’on ne lui parle de la pochette mythique de Sgt. Pepper’s, qu’elle a conçue avec son ex-époux Peter Blake. Et sans qu’elle doive rappeler qu’elle l’a cosignée. Elle a longtemps été effacée de cette histoire. Même leTrivial Pursuit ne la mentionnait pas! Aujourd’hui, il arrive encore que l’artiste américaine Jann Haworth ne soit pas créditée pour cette contribution historique. Comme d’autres femmes, elle a dû surmonter une kyrielle d’obstacles. De cette blessure est né un projet formidable : réinterpréter cette fameuse pochette dans des fresques murales en remplaçant la foule d’hommes par une multi- tude de femmes. Bye-bye John, Paul, George and Ringo ! Hello Lady Eve Balfour, Vera Brittain, Amy Johnson, Sylvia Plath ! Sous son impulsion, 130 personnalités féminines envahissent en juin la National Portrait Gallery de Londres, à l’occasion de la réouverture du prestigieux musée après trois années de travaux. Et pas n’importe lesquelles : des scientifiques, des aviatrices, des artistes, des sportives, des activistes… Elles sont connues, méconnues, parfois tombées dans l’oubli, parfois rayées de la carte. « Elles sont très présentes dans la culture, mais on ne le sait pas parce qu’on ne les voit pas. » Désormais, on peut les…

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