Hashtag, la nouvelle arme politique

Laura Goldberger

Étendard de la guerre des mots, le hashtag confirme d’année en année son rôle stratégique d’événements déclencheur dans les pratiques informationnelles d’un mouvement contestataire. Amplificateur de l’espace médiatique d’une communauté de citoyens qui exprime son indignation en ligne et sur le terrain, le hashtag ou mot-dièse fonctionne comme un appel fédérateur qui résume l’exaspération d’une foule et s’inscrit dans la symbolique d’un contre- pouvoir. Certains hashtags américains ont dépassé leurs frontières et sont plus célèbres que d’autres : #OccupyWallStreet est le mouvement des anticonsuméristes révoltés par la finance en 2013, #MeToo ou le français #BalanceTonPorc dénoncent le sexisme et l’abus de pouvoir dans l’industrie du cinéma en 2017. Un bon hashtag se définit comme étant immédiatement identifiable et compréhensible par tous ; il doit frapper les esprits et appuyer là où ça fait mal : c’est même à ça qu’on le reconnaît. 

Témoin, le mot-dièse #saccage- paris, créé sur Twitter par le compte anonyme @PanamePropre en mars 2021, qui illustre cette capacité d’engagement et d’interaction. Dans l’espace du réseau socionumérique, les lanceurs d’alerte de @PanamePropre interpellent les amoureux de Paris qui refusent, comme son auteur, « le déclin généralisé 1 » de la capitale. Il s’agit pour les acteurs du mouvement, qui compte plus de 10 000 abonnés, de capter l’attention de la Mairie de Paris, mais aussi d’informer, de rassembler et de démontrer par l’image la détérioration de quartiers dont certaines rues ressemblent à des poubelles à ciel ouvert. À la manière d’une exposition d’art post-moderne dont le thème serait l’inesthétique du xxie siècle, l’habillage visuel de la timeline décline chaque jour son lot d’incivilités et d’insalubrité : dégradation des trottoirs et des arbres, murs tagués, palissades de travaux en jachère, ou encore blocs de granit en guise de banc place du Panthéon. Le mobilier urbain se transforme et le patrimoine emblématique de la Ville de Paris s’efface, comme les kiosques ou les bancs Davioud. Ce recours à l’image-choc en guise d’argumentation a permis au hashtag #saccage- paris de se hisser parfois en trending topic, en clair : en « thème tendance du jour » sur Twitter. Les tweets qu’il génère sont quantifiables et sa visibilité est mesurable : sur Google Trends, qui mesure l’évolution de l’intérêt d’une recherche sur une échelle de 0 à 100, #saccageparis atteint le pic le plus élevé dès sa création, dans la semaine du 4 au 10 avril 2021. Sur TF12, la journaliste Samira El Gadir évoque pour la même période un peu plus de 192 000 messages postés, soit plus de 337 millions de vues. 

L’image ajoute une valeur informationnelle à la popularité du tweet contestataire, et les réseaux sociaux montrent qu’elle en est le rouage essentiel. Mais, si elle apporte à l’outil numérique une part de cohérence et de crédibilité, sa force informative représente une injonction au réel qui a été mal perçue par les élus. Après avoir dénoncé dans un premier temps une campagne de dénigrement politique et « la main de l’extrême droite » – une affirmation démentie par la cellule de vérification de l’in- formation de TF1 –, Anne Hidalgo et son équipe explorent d’autres pistes de communication avec leurs propres outils. L’heure est à la contre-attaque sur Twitter avec les mêmes armes, preuves à l’appui. @Parisjecoute, dont le compte existe depuis 2013, tente de redorer l’image de la ville et choisit la réactivité face à #saccageparis. Sa carte de visite est toujours d’actualité. « Ici, la Ville de @Paris répond à vos questions. 7j/7. Une anomalie sur la voie publique ? Signalez-la via l’application DansMaRue ! Depuis 2012, l’appli mobile3 DansMaRue permet aux citoyens d’alerter les services de la Mairie de Paris à l’aide d’un formulaire à remplir et à envoyer accompagné d’une photo illustrant le signalement. Paris Data, le site de la démarche Open Data de la Ville, ouvre ses données en ligne au public et parmi toutes les infractions et nuisances, en octobre 2021, les trois catégories les plus déclarées sont : les objets abandonnés (38 %), les graffitis, tags, affiches et autocollants (23,6 %) et les autos, motos, vélos (15,8 %). 

Élus et citoyens rivalisent désormais de professionnalisme en matière de sites Web. Sur paris.fr, DansMaRue a son espace pédagogique pour expliquer ses missions. Le site saccageparis.com se présente comme un « mouvement citoyen » qui défend la préservation du patrimoine avec un espace de vérification des faits. La pro- chaine présidentielle se joue aussi via ces outils collaboratifs qui nourrissent le dialogue politique sans faire disparaître la défiance que se vouent les protagonistes. 

1. Profession de foi sur le site officiel saccageparis.com 2. Plus de 337 millions de vues (source Visibrain) https://www.lci.fr/societe/video-info-ou-infox- saccageparis-la-main-de-l-extreme-droite-2183192. html 

3. https://teleservices.paris.fr/dansmarue/jsp/site/ Portal.jsp?page=fodansmarue 

PHOTO ISABELLE CHEMIN ...

Étendard de la guerre des mots, le hashtag confirme d’année en année son rôle stratégique d’événements déclencheur dans les pratiques informationnelles d’un mouvement contestataire. Amplificateur de l’espace médiatique d’une communauté de citoyens qui exprime son indignation en ligne et sur le terrain, le hashtag ou mot-dièse fonctionne comme un appel fédérateur qui résume l’exaspération d’une foule et s’inscrit dans la symbolique d’un contre- pouvoir. Certains hashtags américains ont dépassé leurs frontières et sont plus célèbres que d’autres : #OccupyWallStreet est le mouvement des anticonsuméristes révoltés par la finance en 2013, #MeToo ou le français #BalanceTonPorc dénoncent le sexisme et l’abus de pouvoir dans l’industrie du cinéma en 2017. Un bon hashtag se définit comme étant immédiatement identifiable et compréhensible par tous ; il doit frapper les esprits et appuyer là où ça fait mal : c’est même à ça qu’on le reconnaît.  Témoin, le mot-dièse #saccage- paris, créé sur Twitter par le compte anonyme @PanamePropre en mars 2021, qui illustre cette capacité d’engagement et d’interaction. Dans l’espace du réseau socionumérique, les lanceurs d’alerte de @PanamePropre interpellent les amoureux de Paris qui refusent, comme son auteur, « le déclin généralisé 1 » de la capitale. Il s’agit pour les acteurs du mouvement, qui compte plus de 10 000 abonnés, de capter l’attention de la Mairie de Paris, mais aussi d’informer, de rassembler et de démontrer par l’image la détérioration de quartiers dont certaines rues ressemblent à des poubelles à ciel ouvert. À la manière d’une exposition d’art post-moderne dont le thème…

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