Olympe et le Panthéon

Jean-Vincent Bacquart

Morte de ne pas s’être tue, Olympe de Gouges a toujours une voix qui porte.

 

Comme chaque année depuis 1977, la journée internationale des droits des femmes sera propice à l’évocation des avancées en la matière, mais aussi à l’évaluation du chemin restant à parcourir. Il faudra aussi, et surtout, se rappeler que les victoires du présent sont souvent filles des luttes du passé. L’école de la République ne s’y trompe pas, elle a inscrit au programme du bac de français un des textes fondateurs du féminisme en France : la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne rédigée par Olympe de Gouges.

Marie Gouze, puisque tel est le nom qui figure au registre des baptêmes, voit le jour en 1748 dans une famille bourgeoise de Montauban. Mariée de force, en 1765, à un homme de trente ans son aîné, elle donne naissance l’année suivante à un petit Pierre, qui l’accompagne bientôt dans sa fuite à Paris, laissant derrière elle un époux détestable. Nouvelle vie, nouveau nom, et Marie de devenir pour la postérité Olympe de Gouges.

Consciente que la culture et le savoir sont émancipateurs, elle fréquente assidûment tout ce que Paris compte de théâtres, de salles de spectacle et de salons littéraires. Elle qui reconnaissait humblement ne pas avoir été instruite dans sa jeunesse développe une pensée acérée et un esprit critique au contact des artistes et des littérateurs du moment, tout en cultivant un goût pour l’écriture et la mise en scène.

Heurtée par les injustices de la société d’Ancien Régime, Olympe s’engage résolument contre l’esclavagisme et le colonialisme, créant entre autres un drame en trois actes, Zamore et Mirza, qui sera monté à la Comédie-Française en 1789. Acquise aux idées nouvelles issues des Lumières, éprise de justice sociale, elle tente de sensibiliser par ses écrits les personnalités en vue de la jeune Révolution, Mirabeau et La Fayette en tête. « Considérant que l’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de la femme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements », Olympe va utiliser les mots comme arme de persuasion, interpellant inlassablement les décideurs et tous ceux qui s’enorgueillissent de cette si belle déclaration des droits de l’homme et du citoyen d’août 1789, mais qui ne font rien ou pas grand-chose pour que la femme et la citoyenne bénéficient des mêmes droits.

Adressée à la reine Marie-Antoinette, car Olympe de Gouges a longtemps été favorable à la monarchie constitutionnelle, la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, rédigée en septembre 1791, est à la fois manifeste pour l’égalité juridique des femmes et projet de texte législatif. Pastichant la déclaration de 1789, Olympe n’y défend rien moins que le droit pour les femmes d’être traitées comme les hommes d’alors : pouvoir voter, payer l’impôt, posséder un bien, rejoindre l’armée, siéger à l’assemblée ou gouverner. Ode à l’égalité civile, ce texte ne connaîtra malheureusement pas une large publicité, à tel point qu’il faudra attendre 1986 pour qu’on le découvre dans son intégralité.

« La Femme a le droit de monter sur l’échafaud ; elle doit avoir également celui de monter à la Tribune », écrivait Olympe de Gouges. Si on ne le lui accorda jamais la possibilité d’exposer ces idées devant la représentation nationale, en revanche, la Terreur n’eut aucun scrupule à l’envoyer à la guillotine en novembre 1793. C’est qu’Olympe n’avait pas pu garder le silence après les massacres de prisonniers de septembre 1792 ; elle a refusé de se taire face à la dérive dictatoriale d’un gouvernement aux tendances paranoïaques. Elle mourut d’avoir défendu, en toute chose, l’idée du bien. Et de l’avoir trop dit.

Si la République lui rend un jour hommage en l’accueillant au Panthéon pour y rejoindre Sophie Berthelot, Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Germaine Tillion, Marie Curie, Simone Veil et Joséphine Baker, on n’oubliera pas de jeter un regard ironique vers le fronton du monument et sa célèbre formule : « Aux Grands Hommes, la patrie reconnaissante. »...

Morte de ne pas s’être tue, Olympe de Gouges a toujours une voix qui porte.   Comme chaque année depuis 1977, la journée internationale des droits des femmes sera propice à l’évocation des avancées en la matière, mais aussi à l’évaluation du chemin restant à parcourir. Il faudra aussi, et surtout, se rappeler que les victoires du présent sont souvent filles des luttes du passé. L’école de la République ne s’y trompe pas, elle a inscrit au programme du bac de français un des textes fondateurs du féminisme en France : la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne rédigée par Olympe de Gouges. Marie Gouze, puisque tel est le nom qui figure au registre des baptêmes, voit le jour en 1748 dans une famille bourgeoise de Montauban. Mariée de force, en 1765, à un homme de trente ans son aîné, elle donne naissance l’année suivante à un petit Pierre, qui l’accompagne bientôt dans sa fuite à Paris, laissant derrière elle un époux détestable. Nouvelle vie, nouveau nom, et Marie de devenir pour la postérité Olympe de Gouges. Consciente que la culture et le savoir sont émancipateurs, elle fréquente assidûment tout ce que Paris compte de théâtres, de salles de spectacle et de salons littéraires. Elle qui reconnaissait humblement ne pas avoir été instruite dans sa jeunesse développe une pensée acérée et un esprit critique au contact des artistes et des littérateurs du moment, tout en cultivant un goût pour l’écriture et la mise en scène. Heurtée par les injustices de…

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