Chasse aux corsaires

Jean-Vincent Bacquart

La piraterie connaît un nouvel essor en mer Rouge. Ce développement, lié à la mondialisation, rappelle les dynamiques de l’âge d’or de cette pratique.

 

Étonnamment, la piraterie maritime continue d’être un sujet d’actualité, alors qu’on aurait pu la croire réservée aux temps révolus de la marine à voile. Loin de la Caraïbe ou des îles de l’océan Indien dépeintes dans nos manuels d’histoire, elle sévit actuellement en mer Rouge et le long des côtes somaliennes. De tendue depuis une décennie, la situation est devenue explosive avec les actions menées par les rebelles houthis. 

S’appuyant sur plusieurs résolutions votées à l’ONU, de nombreux pays – France, États-Unis et Grande-Bretagne en tête – se sont engagés dans la lutte contre ces pratiques. Il faut dire que le trafic maritime est à ce point perturbé que les navires empruntent des itinéraires détournés, faisant exploser les coûts de transport. Coïncidence, ce sont à peu près les mêmes circonstances qui amenèrent les nations occidentales à sévir contre le brigandage maritime au début du xviiie siècle, mettant un terme à ce que l’on appela l’âge d’or de la piraterie.

Les pirates cherchant en mer la fortune sont aussi anciens que le monde. Alors qu’on trouve les premières mentions de leurs forfaits en Méditerranée antique, le Moyen Âge voit naître le terme de corsaire. Rapidement, il désignera les marins civils effectuant, en temps de guerre, des actions armées contre des navires ennemis, munis des fameuses lettres de course (ou lettres de marque) délivrées par des autorités.

Avec la conquête du Nouveau Monde par les Espagnols et les Portugais au xvie siècle, l’appétit des autres nations européennes s’aiguisent. Grande-Bretagne, France et Provinces-Unies n’hésitent pas à promouvoir l’armement de navires corsaires chargés d’arraisonner les opulentes caravelles revenant vers l’Europe, gorgées de richesses des colonies.

 
Au tournant du XVIIIe siècle, les corsaires sont sacrifiés sur l’autel de la stabilité économique.
 

Cette période, incarnée par le célèbre Francis Drake – mandaté par Élisabeth ire, il effectua la deuxième circumnavigation de l’histoire entre 1577 et 1580 afin d’aller s’attaquer aux comptoirs espagnols de la côte pacifique de l’Amérique du Sud –, voit les flibustiers respecter une sorte de code de vie à bord des navires, procéder parfois à l’élection de leurs capitaines et organiser un partage du butin équitable. 

Temps prospère pour ces aventuriers dont l’espérance de vie reste toutefois faible. Voilà comment, au milieu du xviie siècle, personne à Londres ou à Paris ne s’émeut que la Caraïbe, et plus particulièrement l’île de la Tortue, vive à l’heure d’une piraterie favorisée par les pouvoirs locaux. 

Bientôt, à l’heure où Espagne, France et Grande-Bretagne connaissent une période de rapprochement, les corsaires sont sacrifiés sur l’autel de la stabilité économique. Licenciés en masse, certains d’entre eux rejoignent l’océan Indien dans les années 1690. Dorénavant pirates à part entière, ces marins opèrent depuis l’île Sainte-Marie, au large de Madagascar. Menacée par leurs actions, la Compagnie britannique des Indes orientales arme ses navires et embauche même des corsaires pour combattre leurs anciens frères d’armes. 

Alors que la guerre de Succession d’Espagne (de 1701 à 1714) ravive l’intérêt pour la course, la fin du conflit sonne le glas de l’âge d’or pour les flibustiers. Combat après combat, pendaison après pendaison pour les hommes – et les femmes – capturés, la Royal Navy éradique la piraterie en quelques années. Mais rien n’est jamais aussi simple qu’il n’y paraît: le corollaire de cette sécurisation des océans sera un développement accéléré du commerce triangulaire. 

 

Historien et éditeur, Jean-Vincent Bacquart est doctorant à Sorbonne Université. Ses recherches portent sur les ordres religieux et militaires.

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La piraterie connaît un nouvel essor en mer Rouge. Ce développement, lié à la mondialisation, rappelle les dynamiques de l’âge d’or de cette pratique.   Étonnamment, la piraterie maritime continue d’être un sujet d’actualité, alors qu’on aurait pu la croire réservée aux temps révolus de la marine à voile. Loin de la Caraïbe ou des îles de l’océan Indien dépeintes dans nos manuels d’histoire, elle sévit actuellement en mer Rouge et le long des côtes somaliennes. De tendue depuis une décennie, la situation est devenue explosive avec les actions menées par les rebelles houthis.  S’appuyant sur plusieurs résolutions votées à l’ONU, de nombreux pays – France, États-Unis et Grande-Bretagne en tête – se sont engagés dans la lutte contre ces pratiques. Il faut dire que le trafic maritime est à ce point perturbé que les navires empruntent des itinéraires détournés, faisant exploser les coûts de transport. Coïncidence, ce sont à peu près les mêmes circonstances qui amenèrent les nations occidentales à sévir contre le brigandage maritime au début du xviiie siècle, mettant un terme à ce que l’on appela l’âge d’or de la piraterie. Les pirates cherchant en mer la fortune sont aussi anciens que le monde. Alors qu’on trouve les premières mentions de leurs forfaits en Méditerranée antique, le Moyen Âge voit naître le terme de corsaire. Rapidement, il désignera les marins civils effectuant, en temps de guerre, des actions armées contre des navires ennemis, munis des fameuses lettres de course (ou lettres de marque) délivrées par des autorités. Avec la conquête…

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